Vous animez les bulletins météo chez TF1 depuis 1992, comment percevez-vous l’évolution de votre métier ?
Oui, vous avez raison, ça fait 30 ans que je suis là… à chacune son jubilé (rires) ! Je dirais que je suis animée par la passion de l’information. La météo fait partie de la vie quotidienne de chacun, et ce n’est jamais la même chose. Avec le temps, les outils de mesure et la précision des données fournies par Météo-France ont fortement évolué. L’ensemble des données et la finesse des chiffres auxquels nous avons aujourd’hui accès m’ont incité à modifier la conception même des bulletins.
Je me souviens par exemple de la mise en place des cartes de vigilance après les tempêtes de 1998 et 1999. Il a fallu adapter ces cartes pour les médias. Idem après la canicule de 2003. L’information que nous diffusons est cruciale, car elle a un impact sur le tourisme, l’agriculture, etc. Et surtout sur la prévention du public : en septembre 1992, je venais d’entrer en fonction quand Vaison-la-Romaine a été touchée par de violentes intempéries. On aurait disposé de tels outils à l’époque qu’on aurait pu mieux prévenir le public en amont.
En 2006, suite à la diffusion du film d’Al Gore [Une vérité qui dérange, NDLR] et suite à des conférences organisées par le Forum international de la météo et du climat, j’ai commencé à travailler avec les scientifiques et climatologues, puis j’ai écrit un ouvrage [C’est bon pour la planète ! Pour un nouvel art de vivre, 2007, Calmann-Lévy] dans lequel j’alertais sur les bouleversements climatiques. Quand je vois qu’on nous invite aujourd’hui à faire des économies d’énergie, je me dis que la compréhension de ces sujets souffre d’un éternel recommencement.
La vague de chaleur inédite qui vient de frapper la France a justement remis à l’honneur le faux bulletin météo pour le mois d’août 2050, que vous aviez réalisé en 2014 en amont de la 20ème conférence de l’ONU sur le climat (à Lima) pour sensibiliser les citoyens aux enjeux climatiques…
Oui, et les informations que nous imaginions à partir des projections des climatologues ont été pulvérisées ! D’ailleurs, Météo-France vient de mettre à jour sa période de référence pour les « normales climatiques » – aussi qualifiées de « saisonnières », afin de s’aligner sur les recommandations de l’Organisation météorologique mondiale. Notre nouvelle période de référence est de 1991 à 2020, avec une normale de température moyenne annuelle en France de près de 12,97 °C – en hausse d’un peu plus de 0,4 °C par rapport à 1981-2010, la précédente période de référence.
Ces actualisations permettent de prendre du recul et de réaliser que la moyenne annuelle des températures en la France a augmenté d’un degré en 60 ans. Le nombre annuel de jours de fortes chaleurs, avec des températures maximales supérieures à 30 °C, est en hausse avec sept jours de plus à Lyon, huit jours à Nîmes ou encore dix jours à Marseille ! À l’inverse, le nombre de jours de gel (avec une température inférieure à 0 °C) est en baisse – de huit jours à Nancy, à Poitiers, à Clermont-Ferrand ou Chambéry, et jusqu’à dix jours à Lyon.
« Je dois alerter quand il le faut, mais sans entrer dans le catastrophisme. Le juste ton, à mon sens, est un ton naturel. Le choix des mots est crucial également. »
Nous avons donc sauté à pieds joints dans le changement climatique et ses manifestations. Après la canicule de la mi-juin, les orages de grêles de la semaine dernière dans le sud-ouest nous rappellent quotidiennement à cette nouvelle réalité. Personnellement, je souffre de voir cette violence qui s’abat sur les cultures et les habitations – avec les conséquences que cela implique sur la vie des gens.
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Récemment, l’un de vos confrères, Marc Hay, a publiquement déclaré qu’il ne pouvait plus parler de la météo comme il le faisait jusqu’à maintenant. Comment trouver le ton juste entre vulgarisation pour le grand public et sensibilisation à la gravité de la situation ?
Je dois alerter quand il le faut, mais sans entrer dans le catastrophisme. Le juste ton, à mon sens, est un ton naturel. Le choix des mots est crucial également : je ne dis jamais « il fait beau », car un temps ensoleillé peut être idéal pour les uns, comme il peut être catastrophique pour les autres.
Quand j’ai commencé à parler de ces questions climatiques, au début des années 2000, je préparais ma prise de parole avec les scientifiques en amont, tout en cherchant à ne pas culpabiliser les téléspectateurs. Certains m’ont dit que ça ne servirait à rien, mais je crois au contraire que les petits ruisseaux font les grandes rivières… Moi qui ai connu les Trente glorieuses, avec les modes de consommation qui vont avec, si je peux changer mes habitudes, pourquoi pas d’autres ?
Et sur Twitter, comment pensez-vous prendre votre envol ?
J’ai toujours freiné ma présence sur les réseaux sociaux afin de bien me concentrer sur mon métier et mes responsabilités. Aussi suis-je ravie de ce succès rencontré en quelques jours ! J’ai l’intention de m’en servir pour être plus en lien avec le public, et pour étoffer l’information que j’ai à disposition et que je n’ai pas toujours le temps de partager dans mes bulletins.