Amphibien ou bien. Les espèces en danger d’extinction sont négligées par les programmes de conservation de la biodiversité. Ces derniers financent d’abord la protection des grands vertébrés, parfois peu menacés, au détriment des amphibiens et des rongeurs, selon une nouvelle étude.
La conservation de la biodiversité est entravée par les préjugés de celles et ceux qui la financent. Les projets de protection publics et privés privilégient les animaux jugés charismatiques, comme le rhinocéros, et négligent de nombreux autres spécimens en danger d’extinction. C’est ce que révèle une étude de l’université de Hong-Kong publiée dans la revue PNAS ce lundi.
Les chercheur·ses ont compilé près de 15 000 fonds destinés à la conservation de la biodiversité sur 26 ans, à l’échelle mondiale. Résultat : 85% des ressources sont allouées à la protection des oiseaux et mammifères, quand seulement 2,8% sont fléchés vers les amphibiens.
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«Un tiers des fonds [dédiés à la conservation de la nature] abondent la protection d’espèces qui ne sont pas considérées menacées… alors que près de 94% des espèces menacées n’ont bénéficié d’aucun soutien», déplore Benoit Guénard, auteur principal de l’étude.
Il a lui-même été surpris : «Nous nous attendions à des préjugés en faveur des vertébrés [animaux caractérisés par la présence d’une colonne vertébrale, NDLR], mais nous avons constaté que la situation était bien pire que ce que nous avions estimé.»
Au sein de la grande famille des mammifères, les inégalités de financement sont criantes en fonction du degré de charisme attribué à certains animaux. Au sommet du podium : les éléphants et rhinocéros représentent 84% des projets de conservation et concentrent 86% des fonds. Ces géants sont bel et bien concernés par la diminution de leur population, mais ils accaparent l’écrasante majorité des fonds, au détriment de la multiplicité d’espèces qui en auraient également besoin. Le rhinocéros unicorne, par exemple, bénéficie d’importantes sommes d’argent, alors que les individus sont de plus en plus nombreux. L’Union internationale pour la conservation de la nature ne le considère plus comme «en danger», mais seulement comme «vulnérable».
6% des fonds pour les insectes et végétaux
«Chez les vertébrés, de nombreux groupes parmi les plus menacés, comme les amphibiens, sont largement sous-financés, avec des tendances à la baisse au fil du temps», insiste le scientifique.
De mêmes injustices se retrouvent dans le financement de la protection des reptiles. Alors qu’environ un millier de serpents et lézards sont identifiés comme menacés, 87% de l’argent destiné à la conservation de ce groupe est fléché vers les tortues marines.
Sans parler des insectes et des végétaux, qui ne reçoivent que 6% du total des fonds étudiés par les scientifiques. Il existe donc un grand écart entre les connaissances scientifiques sur le bon état des espèces, et le choix d’investir dans leur conservation, ou non.
Pour Benoit Guénard, «les agences de conservation et les ONG doivent modifier leur philosophie en matière de conservation, afin de protéger toutes les espèces, pas seulement un sous-ensemble choisi sur des critères subjectifs de charisme ou de beauté.»
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