Sans gaz, pas d’chaud. Incité·es par l’État et les banques, un nombre croissant agriculteur·rices de Bretagne misent à fond sur la méthanisation. Une vaste enquête de l’ONG de journalistes indépendants Splann ! (« clair », en breton) lève le voile sur l’essor des installations sur le territoire, souvent hors de tout contrôle.
La méthanisation consiste à transformer des déchets agricoles en gaz. Elle fait partie de la stratégie de l’État pour accroître la production d’énergies renouvelables et tourner le dos aux importations russes (lisez notre tour de la question). Terre d’élevages, la Bretagne pointe juste derrière le Grand Est en nombre d’installations : de plus en plus d’exploitations veulent transformer les déjections animales de leurs fermes en biogaz, et récupérer le digestat pour fertiliser leurs champs. « Doté du deuxième cheptel bovin de France, l’Ille-et-Vilaine devient une terre de méthanisation dont Iffendic (4 500 habitants), situé entre Rennes et Paimpont, pourrait se proclamer capitale », pointent les auteur·rices de l’enquête. Une carte interactive recense les 186 méthaniseurs du territoire ainsi que les nombreux projets en travaux et en cours instruction.
Mais sur le terrain, les oppositions locales sont nombreuses à cause des risques de pollution des eaux et des sols, de fuites de gaz et des nuisances olfactives. Le débordement de la cuve du méthaniseur de Châteaulin (Finistère), en août 2020, est fréquemment évoqué. En août 2020, les 180 000 habitant·es de cette commune du Finistère ont été privés d’eau potable pendant plusieurs jours, après un accident sur une exploitation de la société Engie Bioz. Face à la multiplication des accidents, l’association Eau et rivières de Bretagne réclame un moratoire sur les nouveaux projets.
D’après Splann !, les méthaniseurs bretons cumulent les dérogations et les inspections sont rares : « Les méthaniseurs ne sont quasiment pas contrôlés malgré des pollutions majeures et répétées. Parmi les rares unités de méthanisation inspectées en 2020 en Bretagne, 85% n’avaient pas installé les moyens nécessaires pour limiter les risques d’accidents et de pollutions. Un méthaniseur sur trois s’agrandit dans les cinq années qui suivent sa construction, selon la stratégie du fait accompli », écrit la journaliste Julie Lallouët-Geffroy. L’exploitation d’Arzal fait notamment l’objet d’une nouvelle mise en demeure de la préfecture depuis juin 2022.
L’ONG s’apprête à publier trois autres volets à son enquête, au sujet de l’économie des méthaniseurs, la production alimentaire et la santé des agriculteurs. Ils seront mis en ligne chaque jour jusqu’à vendredi sur le site de Splann !.
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