Décryptage

Élections européennes : les «petites listes» dessinent 50 nuances de vert

Bourreaux de vote. À l’ombre des partis les plus médiatiques, des dizaines de listes se présentent aux élections européennes, dont beaucoup se réclament de l’écologie. Si certain·es craignent un éparpillement du vote «vert», ces petites listes revendiquent de vivifier le débat démocratique autour de ce sujet.
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Avec 38 listes offi­cielle­ment enreg­istrées par le min­istère de l’Intérieur, la France tient son record de 3 078 candidat·es aux élec­tions européennes. Si le scrutin pro­por­tion­nel rend ce ren­dez-vous a pri­ori plus favor­able aux petits mou­ve­ments, la France a toute­fois décidé d’imposer un score min­i­mum de 5% pour pou­voir envoy­er un·e élu·e à Brux­elles. En 2019, les 28 listes qui n’ont pas atteint ce seuil élec­toral ont total­isé presque 20% des suf­frages exprimés, rap­pelle Pub­lic Sénat.

Cette année, près d’une dizaine de petites listes se revendiquent de l’écologie ou ont un pro­gramme large­ment col­oré de vert. Panora­ma.

«L’Écologie au centre» : tout sauf EELV !

Comme son nom l’indique, la liste «L’Écologie au cen­tre», emmenée par Jean-Marc Gov­er­na­tori se veut moins à gauche qu’Europe écolo­gie — Les verts (EELV). Can­di­dat mal­heureux à la pri­maire écol­o­giste de 2022, l’homme ne tar­it pas de cri­tiques à l’égard du par­ti écol­o­giste et de ses porte-voix. Auprès de Vert, il leur reproche tout à la fois leur impuis­sance – «quand on voit la sit­u­a­tion envi­ron­nemen­tale et san­i­taire, on se dit qu’EELV ne fait pas du tout le tra­vail» – et leur rad­i­cal­ité – «en prenant des posi­tions trop dures, EELV ne rassem­ble pas. Quand on est rad­i­cal ou sec­taire, on fait peur aux gens». Côté pro­gramme, «le maître-mot c’est l’économie cir­cu­laire», explique le con­seiller munic­i­pal de Nice, qui veut chang­er les men­tal­ités en mis­ant sur «l’éducation à la san­té». Out­re la défense de l’agriculture biologique, il pro­pose que chaque région d’Europe dis­pose d’un stock stratégique de semences «pour ne pas dépen­dre de Mon­san­to-Bay­er».

«Écologie positive et territoires» : vive les petits pas !

«Face à des écol­o­gistes trop rad­i­caux, qui font peur», Yann Wehrling veut, lui aus­si, «réfléchir à la méth­ode» avec sa liste Écolo­gie pos­i­tive et ter­ri­toires. Con­traire­ment aux «influ­enceurs qui égrainent des mes­sages angois­sant avec des injonc­tions à agir qui sem­blent infran­chiss­ables», il défend auprès de Vert une «écolo­gie pos­i­tive» qui «val­orise les efforts et ce qui fonc­tionne», mais aus­si une écolo­gie du «pas à pas» et du «com­pro­mis négo­cié», car «aucune réforme ne se fait de manière mas­sive et bru­tale». Celui qui est passé par les Verts et le MoDem avant de soutenir Valérie Pécresse (LR) à la prési­den­tielle, se «con­tre­fout de la couleur poli­tique des gens avec qui [il] tra­vaille». Côté pro­gramme, «notre prag­ma­tisme nous amène à dire qu’on ne peut pas se pass­er de nucléaire». Sur la ques­tion agri­cole, «le sujet de se pass­er des pes­ti­cides en agri­cul­ture ne pour­ra être abor­dé que quand on aura réglé les ques­tions de revenus, de paperasse et de con­cur­rence déloyale qui écrasent les agricul­teurs».

«Paix et décroissance» : l’écologie (vraiment) radicale

Abso­lutiste selon cer­tains, EELV ne l’est pas suff­isam­ment pour d’autres. «Ils ne sont pas claire­ment anti­nu­cléaires, et ils ne sont claire­ment pas anti-crois­sance», a déploré le can­di­dat de Paix et Décrois­sance, François Ver­ret, sur France Info. Les candidat·es de Paix et Décrois­sance pro­posent de «réduire les con­som­ma­tions inutiles par une tax­a­tion dif­féren­tielle» et de «sup­primer ou tax­er lour­de­ment la pub­lic­ité, le luxe, l’avion, les bolides urbains, les grandes sur­faces, le nucléaire, les pro­duits tox­iques, les déchets, les tech­nolo­gies abrutis­santes», tout en relo­cal­isant les pro­duc­tions essen­tielles et les déci­sions dans les bio-régions. Déjà en lice en 2019, la liste avait récolté 0,05% des voix.

«La ruche citoyenne» : le côté obscur de l’écologie

Tou­jours sur France Info, Lorys Elmayan indique avoir ten­té de fédér­er les écol­o­gistes, sans suc­cès. Cette fois-ci, les réti­cences vien­nent plus sûre­ment du par­ti EELV lui-même. En effet, l’écologie défendue par la Ruche citoyenne flirte très régulière­ment avec l’obscurantisme et la dés­in­for­ma­tion, en témoignent les accoin­tances de ses mem­bres avec les sul­fureux Dieudon­né et Fran­cis Lalanne. Cri­tique de la «ges­tion de la crise san­i­taire», la Ruche citoyenne défend les médecines alter­na­tives. Elle pro­pose dans son pro­gramme de «revoir la per­ti­nence du pro­gramme EVRAS voté par le Par­lement» qui «s’avère génér­er des dérives pou­vant être trau­ma­ti­santes pour nos infor­ma­tions», relayant ain­si une fake news éculée à pro­pos d’un pro­gramme d’éducation mis en place (unique­ment) en Bel­gique.

© Valen­tine Chapuis/AFP

Equinoxe : «faire de la science la base de toute réflexion»

À l’exact opposé de cette approche, le par­ti Equinoxe «n’a qu’une seule bous­sole : les rap­ports sci­en­tifiques», explique à Vert sa tête de liste Marine Chol­ley. Lancé il y a trois ans par une poignée de polytechnicien·nes bifurqueur·ses frustré·es par l’offre poli­tique exis­tante, Equinoxe aspire aujourd’hui à devenir «un par­ti de gou­verne­ment». Son pro­gramme est «écol­o­giste parce qu’il le faut, mais assume aus­si d’être mar­qué à droite sur la poli­tique de défense européenne, la mise en place d’un ser­vice uni­versel européen ou la défense de l’énergie nucléaire», développe Marine Chol­ley. «EELV a aban­don­né la lutte con­tre le change­ment cli­ma­tique en étant con­tre le nucléaire», tacle même l’ingénieure qui tra­vaille dans le secteur des éner­gies renou­ve­lables.

Parti pirate : hacker le changement climatique

«Pro­téger notre envi­ron­nement avec l’appui de la sci­ence», c’est aus­si le cré­do du Par­ti Pirate. Plus con­nu pour son com­bat his­torique pour légalis­er le partage sur inter­net, le par­ti défend aus­si un pro­gramme com­pat­i­ble avec les lim­ites plané­taires. Sa tête de liste, Car­o­line Zorn, est d’ailleurs élue au con­seil munic­i­pal de Stras­bourg dans le groupe EELV. Le par­ti défend une «indus­trie décar­bonée», «les trans­ports publics et les réseaux fer­rovi­aires», «la pro­tec­tion et la restau­ra­tion de l’habitat des espèces» et «la réforme de la poli­tique agri­cole com­mune pour soutenir la diver­sité naturelle».

Parti animaliste : écolo, seulement en partie

«Vot­er par­ti ani­mal­iste, c’est vot­er pour l’environnement», promet le Par­ti ani­mal­iste dans son pro­gramme. En pro­posant de réformer le mod­èle agri­cole, qui émet à lui seul près de 20% des émis­sions de gaz à effet de serre de la France et engen­dre des pol­lu­tions envi­ron­nemen­tales, le par­ti s’attaque à un prob­lème majeur. Il pro­pose par exem­ple de réduire réduire la TVA sur les pro­duits végé­taux, sains et locaux, et de réori­en­ter les sub­ven­tions de la Poli­tique agri­cole com­mune (PAC) vers les fil­ières végé­tales. Mais son pro­gramme ne con­tient aucune autre mesure sec­to­rielle (sur les trans­ports ou l’énergie par exem­ple), de sorte que la crise écologique n’est pas prise en compte dans sa glob­al­ité.

«Changer l’Europe» : pour plus de climat

Mem­bre des soci­aux-démoc­rates au Par­lement européen, l’eurodéputé Pierre Lar­routur­ou est depuis longtemps dans le camp des défenseur·ses du cli­mat. Après avoir fait une grève de la faim en 2020 pour ten­ter d’obtenir un ren­force­ment du bud­get de l’UE en faveur du cli­mat et de la san­té, il milite désor­mais pour l’organisation d’un référen­dum pan-européen sur le même sujet. Il défend égale­ment la mise en place de la semaine de qua­tre jours et l’instauration d’une taxe sur la spécu­la­tion finan­cière.