Le green était presque parfait. Ce mardi, un petit groupe d’étudiant·es a interrompu un événement sur le climat pour dénoncer les liens entre la célèbre école de commerce et certaines grandes entreprises polluantes.
«Nous expliquer comment sauver la planète en invitant Shell, TotalEnergies ou la Société générale, il fallait oser !». Mardi, en fin de matinée, une poignée d’étudiant·es de HEC a interrompu une table ronde organisée dans le cadre des «Climate days» (journées du climat) de la célèbre école de commerce. Une discussion sur la transition énergétique à laquelle participaient notamment la scientifique et autrice du Giec Yamina Saheb, et Carole Le Gall, vice-présidente de TotalEnergies chargée de soutenabilité et de climat.
Sous le regard médusé des participant·es, les étudiant·es ont déroulé pendant plusieurs minutes leur cérémonie du «tant attendu festival du greenwashing de Jouy-en-Josas» (la ville où l’école est installée). Parmi les nommés : le pétrolier Shell — son directeur du changement climatique était dans la salle — et la Société générale. C’est finalement TotalEnergies qui l’a emporté.
«Il est impossible d’éviter la question des stratégies de transformation des entreprises gazières et pétrolières ou des secteurs les plus polluants. Les inviter n’est ni de la complaisance, ni du greenwashing, ni un soutien implicite à leurs stratégies», s’est défendue la direction de HEC, interrogée par Vert.
«Faire la lumière» sur les liens entre HEC et les grandes entreprises
«Dans un événement qui s’appelle les ”Climate days”, on trouvait ça particulièrement absurde qu’HEC invite Shell, la CMA CGM, Total ou la Société générale», raconte Aude Viala, étudiante qui a participé à l’action. Si «ces entreprises n’ont pas payé pour être présentes ce jour-là, certaines contribuent par ailleurs au financement de l’école», raconte-t-elle à Vert. Toutes, sauf Shell, figurent en effet parmi les soutiens de l’école. À la tribune, elle a invité à «faire la lumière sur les financements reçus par HEC de la part d’entreprises et de pays qui prospèrent sur les énergies fossiles».
Parmi les griefs des étudiant·es : les chaires d’enseignement soutenues par certaines grandes entreprises, dont celle de la BNP Paribas sur la finance d’entreprise ou celle de la Société générale consacrée à l’énergie et la finance. Cette dernière est d’ailleurs dirigée par l’animateur de la table ronde de ce mardi, Jean-Michel Gauthier. «Nos actions visent aussi à interpeller les alumnis [anciens élèves] qui sont souvent à des postes de responsabilités», ajoute la jeune femme, étudiante en master 1.
Devant la centaine de personnes présentes cet après-midi, elle a lancé cet appel : «face à l’hypocrisie et à la faiblesse des enseignements que vous recevez sur l’environnement aujourd’hui, osez demander plus, osez questionner le futur rouage que l’on veut que vous soyez. Car nous méritons tellement mieux que de travailler pour ceux qui travaillent à compromettre notre futur».
«Total ne devrait plus exister, tout simplement»
Parmi les grandes entreprises dans le viseur des étudiant·es, c’est TotalEnergies qui fait le plus figure d’épouvantail. En cause, son gigantesque projet d’oléoduc Eacop en Afrique de l’Ouest et sa stratégie d’investissement : «Selon son rapport de 2022, TotalEnergies a prévu d’investir 16 milliards d’euros par an sur la période 2022–2025, dont 70% dans les énergies fossiles», explique à Vert Yamina Saheb, autrice principale du dernier rapport du Giec et invitée de cette table ronde. C’est en totale contradiction avec ce que dit la science, il faut arrêter d’investir dans les énergies fossiles.»
Pour elle, «la transition de Total, c’est de passer du fossile au fossile : du pétrole au gaz naturel liquéfié». Elle estime que l’entreprise est «complètement à côté de la plaque. Total ne devrait plus exister, tout simplement».
HEC, Sciences Po Paris, Polytechnique, Centrale Supélec, AgroParisTech, IMT Atlantique, Centrale Lille… Un mois plus tôt, une action collective contre Total avait déjà été menée dans plusieurs grandes écoles de France (notre article). TotalEnergies ne cache plus ses difficultés à recruter ses futurs cadres. En novembre dernier, l’une de ses vice-présidentes présente au 15ème sommet mondial de l’ONU (COP15) sur la biodiversité, avait dit publiquement : «Ce qui est en jeu pour nous, c’est […] notre capacité à attirer et retenir les talents».
Vendredi 26 mai, c’est un événement d’une autre ampleur qui promet d’être perturbé : de nombreuses associations écologistes ont d’ores et déjà annoncé que l’Assemblée générale de TotalEnergies «n’aura[it] pas lieu».
Contactée par Vert, TotalEnergies n’a pas répondu à nos questions.
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