Interview

Démantèlement de la Zad sur l’A69 : «Chaque minute prend une tournure plus anxiogène et dangereuse, mais on n’a pas le choix»

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Grève de la fin. Reva est l’un des activistes installé·es dans les arbres de la Zad de Saïx (Tarn), le long du tracé de l’autoroute A69 entre Toulouse et Castres, pour empêcher leurs abattages. L’«écureuil» raconte à Vert les tensions constantes avec les forces de l’ordre qui tentent actuellement de les déloger, les privations de ravitaillement et l’avancée des travaux.

Comment va Celik, le militant qui a entamé une grève de la soif lundi ?

Il était assez mal aujourd’hui [mercredi, NDLR] et commençait à afficher des signaux alarmants. En voyant le passage en force de NGE-Atosca [le concessionnaire de l’autoroute, NDLR] et des forces de l’ordre, le fait que les médias soient tenus à l’écart de la Crém’arbre [le nom donné par les militant·es à la Zad, NDLR] et que les abattages continuent à avoir lieu, il a fini par se dire que ça ne servait à rien qu’il y laisse sa peau. Il a arrêté sa grève totale dans la journée et décidé de poursuivre en grève de la faim.

NDLR : le militant a été évacué d’un campement dans les arbres jeudi matin pour des raisons sanitaires.

Combien d’écureuils sont actuellement dans les arbres de la Zad ?

Pour des raisons de sécurité, on ne souhaite pas dire combien on est, mais c’est plus que ce que la préfecture indique [sept personnes d’après un communiqué, NDLR].

Comment ça se passe là-haut ?

La situation est très tendue. C’est le 7ème jour de siège, où on est privés d’eau et de nourriture, puisque les forces de l’ordre empêchent le ravitaillement des écureuils dans les arbres. Ils ont saccagé nos affaires au sol, notre matériel de grimpe et de couchage, nos vêtements. Pendant plusieurs nuits, ils nous ont empêché de dormir en faisant énormément de bruit et en nous mettant des lampes stroboscopiques dans les yeux dès qu’on était visibles. Pour vous donner une idée du niveau de harcèlement, je leur ai dit que j’étais sujet aux crises d’épilepsie et que ce genre de lampe pouvait déclencher des crises, et résultat, ils étaient plus nombreux à m’en mettre pleins les yeux.

En l’absence de ravitaillement possible, comment tenez-vous le coup ?

On avait anticipé et monté un peu de vivres dans les arbres au cas où, donc on se rationne et on mange très peu. On fait en sorte de tenir, mais on n’a pas énormément de vivres. S’ils continuent de refuser le ravitaillement, on va juste finir par tomber en grève de la faim. J’ai fait plus de 30 jours de grève de la faim en septembre-octobre et je n’ai pas peur de le refaire.

Reva et d’autre écureuil sur la Zad © Capture d’écran Instagram

Où en sont les travaux sur le site de la Crémade ?

Ils ont commencé les abattages de petits arbres. Un écologue est passé mercredi pour étudier la présence d’espèces protégées. Mais, de ce que j’ai vu, il n’a pas du tout fait son travail correctement. Il passait vite, étudiait la moitié de chaque arbre, et n’était même pas encore totalement descendu que la tronçonneuse était déjà là. On lui montrait des cavités dans les arbres, mais il n’allait pas toujours les voir. Et, même quand il y passait, c’était trop tard puisque de toute façon, les forces de l’ordre ont passé une semaine à nous éclairer toute la nuit, à faire des feux et lancer des lacrymogènes, donc ça a forcément fait fuir toutes les espèces protégées qui s’y trouvaient.

C’est un site classé comme étant à fort enjeu environnemental, il est reconnu comme tel par Atosca et ça veut dire qu’ils ne sont pas censés abattre ces arbres avant le 1er septembre. Il y a un énorme passage en force, c’est un spectacle lunaire et affligeant.

Les forces de l’ordre justifient l’intervention en disant qu’ils veulent nous mettre en sécurité, mais il y a des mises en danger hallucinantes. Un grimpeur de chez nous a été évacué mardi et a été étranglé, on ne peut pas dire qu’ils sont là pour notre sécurité.

Ça fait depuis fin août qu’on grimpe dans les arbres et on n’a jamais eu aucun problème jusqu’à présent. Mais tout le monde commence à être excédé, et on a vraiment peur que ça se solde par un accident. On a des grimpeurs de tous niveaux dans les arbres, certains ont appris récemment et ils le font en toute sécurité, mais avec la pression des forces de l’ordre et la fatigue liée au harcèlement des derniers jours, on craint un accident.

Comptez-vous descendre des arbres ?

On ne va pas bouger jusqu’à ce que quelqu’un appuie sur le bouton «stop», que tout le chantier soit mis en pause et qu’une médiation puisse nous diriger vers une sortie de crise plus vertueuse que celle de l’accident. Chaque minute prend une tournure plus anxiogène et dangereuse, mais on n’a pas le choix.

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