Analyse

Davantage d’avion, de voiture et toujours plus de kilomètres : comment les Français se sont déplacés ces dix dernières années

Le ministère de la Transition écologique vient de publier la dernière édition de son enquête décennale sur les pratiques des Français·es en matière de mobilités. Il apparaît que la voiture règne toujours en maîtresse et que l'avion a continué son essor.
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Depuis dix ans, alors que la prise de con­science cli­ma­tique sem­ble général­isée par­mi la pop­u­la­tion, on aurait pu croire que les citoyen·nes, encouragé·es par les pou­voirs publics, auraient changé leur façon de se déplac­er vers des modes de trans­port plus écologiques. Hélas, entre 2008 et 2019, il n’en fut rien ou presque, révèle une vaste enquête du min­istère de la Tran­si­tion écologique, pub­liée fin décem­bre.

Le règne de la voiture

Sur les tra­jets du quo­ti­di­en (moins de 80km), la voiture représente tou­jours près de 63% de la part modale, con­tre 65% il y a dix ans. Très loin devant la marche (23,7%) ou les trans­ports en com­mun (9,2%). Pis, 15% des tra­jets en voiture sont inférieurs à 2 kilo­mètres, et 41% font moins de 5km ; des dis­tances qu’il serait facile de cou­vrir à vélo.

En out­re, « il ne faut pas seule­ment regarder la pro­por­tion des déplace­ments, mais aus­si la somme totale de kilo­mètres par­cou­rus dans l’an­née, indique à Vert l’ingénieur spé­cial­iste des mobil­ités Math­ieu Chas­signet. La voiture con­tin­ue de pro­gress­er, avec 9% de kilo­mètres par­cou­rus en plus entre 2008 et 2019. En ter­mes de cli­mat et de pol­lu­tion, on va dans le mau­vais sens. »

Évo­lu­tion des parts des modes de trans­port (en nom­bre de déplace­ments) entre 2008 et 2019 © MTES

Com­ment expli­quer cette ten­dance ? « Il y a beau­coup d’in­er­tie dans nos pra­tiques : le poids des habi­tudes ; le fait que l’on ne démé­nage pas tous les qua­tre matins… Donc ce sont des pra­tiques un peu figées dans le temps. » Aujour­d’hui, la voiture ne recule que dans les cen­tre-villes.

Autre enseigne­ment, repéré par l’ingénieur sur son blog dans Alter­na­tives économiques, la voiture n’est pas l’a­panage des pop­u­la­tions pré­caires. C’est même tout le con­traire. Plus on est riche, plus l’on pos­sède de voitures et plus chaque véhicule est util­isé : 9 700 km par voiture pour le 1er décile (les 10% des ménages les plus pau­vres), con­tre 11 700 km pour le 10ème décile ; avec toute­fois une légère diminu­tion dans le dernier décile.

© Math­ieu Chas­signet à par­tir des don­nées du MTES

Vélo, boulot, pas bobo

Autre cliché bat­tu en brèche : le vélo n’est – défini­tive­ment — pas un mode de trans­port de « bobos », puisqu’il n’ex­iste aucune cor­réla­tion entre son util­i­sa­tion et le niveau de revenus. « On a ten­dance à con­fon­dre urbains et rich­es, analyse Math­ieu Chas­signet. Or, les gens rich­es n’habitent pas en ville, mais plus fréquem­ment en couronne péri­ur­baine que dans la ville-cen­tre. »

Hélas, la part modale de la petite reine est restée stricte­ment la même — env­i­ron 3% — en dix ans. Lueur d’e­spoir : à l’oc­ca­sion de la pandémie, de nom­breuses com­munes ont forte­ment dévelop­pé leur réseau cyclable, dopant la bicy­clette. En Europe, l’utilisation des pistes cyclables a bon­di, de +11% et +48%, dans les villes qui ont mis en place des « coro­n­apistes » entre les print­emps 2020 et 2021.

L’avion continue son décollage

Le mode de trans­port qui con­naît l’es­sor le plus impor­tant, c’est l’avion. Sur les longues dis­tances (plus de 80km), celui-ci représente désor­mais 43% des dis­tances par­cou­rues, con­tre 30% en 2008. Il dépasse ain­si la voiture (42%). La part du train est en baisse (de 14 à 10%).

© Math­ieu Chas­signet à par­tir des don­nées de l’In­see

Par­mi les raisons de cette gabe­gie, le sou­tien con­tinu au développe­ment des aéro­ports, notam­ment au nom de l’équili­bre du ter­ri­toire, le kérosène tou­jours exempt de tax­es, et une fis­cal­ité dérisoire sur les bil­lets d’avions.

Glob­ale­ment, les Français·es par­courent tou­jours plus de kilo­mètres. Et au som­met, les ménages les plus aisés : ceux-ci par­tent plus sou­vent en voy­age (les tra­jets de plus de 80km) et vont bien plus loin, avec une moyenne de 14 900 km par per­son­ne et par an pour le 10ème décile, con­tre 3 200 pour le 1er décile.

S’il paraît dif­fi­cile de deman­der aux citoyen·nes de moins se déplac­er, celles et ceux-ci pour­raient éventuelle­ment se déplac­er moins loin. « Les vacances ne sont pas for­cé­ment dix fois mieux si on part dix fois plus loin », sourit Math­ieu Chas­signet. Par­mi les pistes pour amélior­er le bilan car­bone des mobil­ités, l’ingénieur plaide notam­ment pour rap­procher domi­cile et lieu de tra­vail.