Pour s’émerveiller de la beauté du monde naturel, il n’est pas toujours nécessaire de partir à l’autre bout de la planète. Au contraire, le sublime se cache parfois au plus près de nous. Un enseignement que le photographe Vincent Munier semble vouloir transmettre avec son nouveau film animalier Le chant des forêts, au cinéma depuis ce mercredi 17 décembre.

Quatre ans après son documentaire césarisé La panthère des neiges, consacré à la quête de ce rarissime félin au cœur de l’Himalaya, le naturaliste français transporte son public direction ce qu’il a de plus cher et de plus intime : ses forêts natales des Vosges. Accompagné de son père Michel – lui aussi passionné de nature – et de son jeune fils Simon, Vincent Munier rend un hommage poignant à l’incroyable biodiversité qui peuple ce massif du nord-est de la France.
Immersion au cœur des forêts anciennes des Vosges
Pendant un peu plus d’une heure trente, la famille Munier nous ouvre les portes de ses affûts pour raconter les espèces emblématiques des Vosges, qu’elle piste depuis des décennies. Un florilège d’anecdotes et d’images à couper le souffle, en immersion dans l’atmosphère féérique des vieilles sapinières brumeuses. Fantastique, au sens artistique du terme.

Les spectateur·ices se retrouvent plongé·es dans des jeux d’ombres et de lumières, devinant des formes sauvages dans le brouillard crépusculaire ou au travers des frondaisons percées de rayons solaires. Au loin, se distingue le chant sourd du hibou grand-duc ; plus proche, une famille de cerfs élaphes, dont les silhouettes se découpent dans la blancheur d’un étang. Constamment, les brindilles craquent, les bécasses croulent et les chevreuils aboient dans la nuit.
Des chamois sur les crêtes enneigées aux minuscules mésanges huppées à peine sorties du nid, toutes les espèces de la forêt sont mises à l’honneur. Plus marquant encore, le documentaire donne à voir au plus près des animaux rarissimes, que peu de naturalistes peuvent se targuer d’avoir entraperçus dans leur existence. À l’image du fragile lynx boréal, qui ne se compte plus qu’en dizaines d’individus, de la très discrète gélinotte des bois, qui reste tapie dans les sous-bois mousseux, et de bien d’autres espèces encore.

Requiem pour un grand tétras
S’il est un animal qui est érigé en roi de ces forêts, c’est bien le grand tétras. «Oiseau fantôme», ce gallinacé de montagne est aujourd’hui quasiment éteint dans le massif des Vosges – en dépit d’un plan de sauvetage de l’État qui peine à porter ses fruits (notre article). Le film est aussi l’occasion de rappeler l’impact des humains, entre dégradation des forêts, dérangement de la faune et pression croissante du changement climatique.
«Cet oiseau vivait dans les Vosges depuis la dernière période glaciaire, il y a plus de 10 000 ans. Et moi, là, en 50 ans, j’assiste à sa disparition», raconte Michel Munier, qui a eu la chance d’apercevoir l’un des derniers coqs de grand tétras des Vosges. D’après les estimations officielles, il resterait aujourd’hui cinq ou six oiseaux sur tout le massif.

Du constat déchirant de cette disparition, la famille Munier décidera de retrouver cette bête des temps anciens, pour un voyage qui l’emmènera bien au-delà des Vosges. Une quête sauvage en forme d’héritage destiné aux prochaines générations. Pour que résonne encore le «chant des forêts».