Après une journée de négociations et une quasi-nuit blanche, les ministres de l’environnement des Vingt-Sept ont arraché in extremis un accord précieux en vue de la conférence mondiale (COP30) sur le climat, qui s’ouvre lundi prochain à Belém, au Brésil. Alors que plusieurs dirigeant·es de l’UE s’envolent demain pour participer au sommet, elles et ils pourront promettre de nouvelles baisses des émissions de gaz à effet de serre, de -66,25% à -72,5% d’ici à 2035 et de -90% en 2040 (par rapport à 1990). Pour rappel, elles en étaient à -37% en 2023.

Ne pas s’entendre aurait été «une catastrophe diplomatique !», expliquait à Vert un conseiller diplomatique français, il y a quelques jours. Le bilan n’est pas glorieux pour autant : «L’Europe sauve les meubles et envoie le signal qu’elle poursuit sa décarbonation, mais ça a été très très difficile. On sent que l’ambition écologique n’est plus la même qu’il y a quelques années», explique à Vert Neil Makaroff, directeur de Strategic Perspectives et expert à la Fondation Jean-Jaurès.
L’accord doit encore être validé par le Parlement européen, mais le plus gros de la bataille est passé. Les réticences de plusieurs États membres ont souvent mis les négociations en danger. Et, pour convaincre les plus réticents, la présidence danoise de l’Union européenne a multiplié les concessions.
«Une ambition décevante»
Ainsi, l’objectif «facial» de -90% d’émissions d’ici à 2040 est assorti d’une flexibilité de 5% que les États pourront atteindre via l’achat de crédits carbone internationaux. Autrement dit, en finançant hors de l’Union européenne des projets de décarbonation. Une option fortement poussée par la France. Pourtant, «ces crédits carbone internationaux sont trop peu fiables pour réaliser de véritables réductions d’émissions de gaz à effet de serre», se désole Caroline François-Marsal, responsable Europe au Réseau action climat.
La Commission européenne a également ouvert la voie à plusieurs assouplissements du Pacte vert européen (l’ambitieux Green deal adopté en 2021). «Il faudra surveiller de près qu’ils ne mettent pas en danger l’atteinte des nouveaux objectifs», prévient Neil Makaroff. À la demande de l’Italie, la Commission européenne a promis de réexaminer les objectifs d’électrification des véhicules d’ici à 2030 et 2035.
L’extension du marché du carbone au transport routier et au chauffage des bâtiments devrait aussi être retardée d’un an, de 2027 à 2028. Sur ce sujet, plusieurs études ont pointé le risque d’alourdir sérieusement la facture des ménages. Les économistes du think tank Bruegel ont même estimé que cela pourrait «avoir un impact similaire à celui de la crise énergétique de 2022».
Caroline François-Marsal regrette que «l’UE se rende à la COP avec une ambition climatique décevante, trop basse pour tenir une trajectoire de réchauffement à +1,5°C» d’ici à 2100 par rapport au milieu du 19ème siècle – l’objectif de l’Accord de Paris sur le climat de 2015.
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