Analyse

L’Union européenne dévoile son objectif climatique pour 2040, sur fond de reculs environnementaux

Désunion européenne. La Commission européenne a proposé mercredi un nouvel objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de -90% d'ici à 2040, par rapport à 1990. Une lueur d’ambition bien fragile dans un contexte de retour de bâton écologique. Sans compter les tentatives de sabotage d’États membres, dont la France.
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«Il fait très chaud aujourd’hui et d’aucuns diront que tout ça tombe à pic», a commenté, mercredi à Bruxelles, le commissaire européen au climat, Wopke Hoekstra, lors de la conférence de presse de présentation du nouvel objectif climatique de l’Union européenne (UE) : réduire les émissions de gaz à effet de serre de -90% d’ici à 2040, par rapport à 1990.

En réalité, c’est tout le camp du climat qui a eu chaud ces derniers mois, tant la Commission a tardé à officialiser sa proposition, faisant craindre un reflux de l’ambition européenne.

Emmanuel Macron et la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen à Bruxelles, en février 2023. © Christophe Licoppe/Wikimedia

D’abord promise pour le début de l’année 2025, la proposition avait été reportée sine die en avril. «La Commission a dû temporiser car le contexte n’est plus porteur au Parlement et au Conseil européen [qui représente les États membres, NDLR]», commente Neil Makaroff, expert en politique climatique et directeur du think tank Strategic Perspectives.

Verre à moitié plein : la France échoue à faire dérailler l’objectif

Depuis les élections européennes, l’extrême droite pèse lourd au Parlement et le premier parti européen, le PPE, lui emboîte volontiers le pas pour liquider les ambitions écologiques. Du côté des États membres, seule une dizaine soutient officiellement l’objectif de baisse des émissions de 90% à 2040, tel que préconisé par le Conseil scientifique consultatif européen sur le changement climatique. D’autres, dont la Hongrie, la Slovaquie, la Pologne ou la République tchèque, jugent cet objectif irréaliste.

Quant à la France, «elle a clairement tenté de faire dérailler l’objectif en sous-main, commente Neil Makaroff. Heureusement que la presse s’est fait l’écho de ces manœuvres, sinon elle aurait peut-être pu être victorieuse.»

Le dernier va-tout d’Emmanuel Macron remonte au Conseil européen du 26 juin, où il a demandé à mettre le sujet à l’ordre du jour pour faire pression sur la Commission européenne. «Si on veut ces objectifs en 2040, il faut nous donner les moyens de le faire et de les rendre compatibles avec notre compétitivité», a-t-il lancé à l’issue de la réunion des 27 dirigeant·es de l’UE. «Prenons le temps», a-t-il encore proposé.

En maintenant sa proposition de -90% mercredi, la Commission européenne a donc «(presque) tenu bon face aux tentatives de détricotage», s’est félicité le Réseau action climat.

Verre à moitié vide : des reculs en vue

«Presque», seulement, car pour obtenir des soutiens au Parlement et au Conseil, la Commission européenne a déjà consenti à plusieurs «flexibilités». Par exemple, à partir de 2036, les pays pourront utiliser des crédits carbone internationaux – via le financement de projets dans des pays tiers – pour atteindre leur objectif.

Cette contribution sera limitée à 3% des émissions de l’UE en 1990, «ce qui représente tout de même l’équivalent des émissions de la Grèce et de l’Autriche réunies», prévient Neil Makaroff. Et si le Commissaire européen a promis de tout mettre en œuvre pour que ces crédits soient issus de projets de «haute qualité», les ONG y voient tout simplement un recul de l’effort au sein de l’UE.

Au cours des prochains mois, les trois institutions – Commission européenne, Conseil européen et le Parlement – tâcheront de tomber d’accord sur une version commune du texte. «Si l’objectif de -90% a désormais peu de chances d’être remis en cause, des négociations très âpres commencent sur sa mise en œuvre», entrevoit Neil Makaroff. Les résultats de cet accord constitueront la feuille de route de l’Union européenne à présenter lors de la prochaine conférence mondiale (COP30) sur le climat, en novembre prochain.

Or, ces derniers mois, plusieurs textes ont pâti du retour de bâton écologique : les négociations sont suspendues sur la proposition législative destinée à lutter contre les promesses commerciales trompeuses (green claims), la Commission européenne envisage de retirer son règlement sur la surveillance des forêts européennes faute de soutien, tandis que droite et extrême droite essaient de faire dérailler le règlement sur la déforestation importée au Parlement.

Beaucoup d’autres textes du Pacte vert européen doivent être mis à jour en 2026, initialement pour rehausser leur ambition mais, vu le contexte, c’est une séquence à hauts risques qui s’annonce.

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