Décryptage

Cups, tampons, serviettes, culottes menstruelles… quelles protections choisir pour ne pas faire saigner la planète ?

Entre enjeux sociaux et contraintes économiques, faire entrer la question de l’écologie dans le choix des produits d’hygiène menstruelle n’est pas toujours si simple. Tour d'horizon.
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La cup est pleine. Alors qu’un con­gé men­stru­el a été pro­posé à l’Assemblée nationale, la pré­car­ité men­stru­elle elle, n’a tou­jours pas dis­paru, et la ten­dance n’est pas prête de s’améliorer avec les récentes aug­men­ta­tions du prix des pro­tec­tions. Même si les con­séquences envi­ron­nemen­tales des pro­tec­tions hygiéniques sont dif­fi­cile­ment com­pa­ra­bles à un aller-retour à Dubaï en jet privé, faut-il priv­ilégi­er la cup, la culotte men­stru­elle ou le tam­pon?

Starship Tampon Falcon 9

Un peu moins élaboré qu’une fusée Space X décol­lant vers la planète rouge, mais plus com­plexe qu’un bou­chon d’oreille, le tam­pon fait inter­venir un cer­tain nom­bre de matéri­aux dif­férents. Son noy­au générale­ment en vis­cose (par­fois en coton) est roulé sous forme de coussinets accrochés à une petite ficelle en poly­ester et envelop­pé dans un voile en polyéthylène ou en polypropy­lène. Il peut être accom­pa­g­né d’un appli­ca­teur en plas­tique pour faciliter l’usage, et le tout est embal­lé dans une petite boîte en car­ton ou en plas­tique.

Exem­ple de répar­ti­tion en poids des dif­férents com­posants d’un tam­pon (sans appli­ca­teur) ©Pierre ROUVIERE | @Ecolo_mon _cul

Une vision ras­sur­ante con­sis­terait à nous dire que la vis­cose est un matéri­au «naturel» issu du bois, un peu comme le papi­er. Si l’essentiel de la matière pre­mière est végé­tale, les fibres recréées en bout de course à coups de procédés chim­iques sont totale­ment arti­fi­cielles. Pass­er du bois aux fibres néces­site l’utilisation de tout un tas de pro­duits chim­iques comme l’hydrox­yde de sodi­um qui auront une influ­ence plus ou moins grande sur les écosys­tèmes en fonc­tion des rejets dans la nature; du disul­fure de car­bone qui, en plus d’être inflam­ma­ble et d’irriter la peau et les yeux, pour­ra génér­er un paquet d’autres com­pli­ca­tions pour les pop­u­la­tions exposées.

Du blanchi­ment de la pâte à coups de com­posés chlorés jusqu’à la fab­ri­ca­tion du noy­au absorbant, les pol­lu­tions seront mul­ti­ples. Tout cela sans compter le manque de trans­parence dont font preuve les met­teurs sur le marché vis à vis des com­po­si­tions exactes de leurs pro­duits. Phta­lates, bisphe­nols, parabens… Autant dire que les boîtes de tam­pons c’est comme les boîtes de choco­lat de For­rest Gump, on ne sait jamais sur quoi on va tomber. Au-delà de ces impacts non nég­lige­ables sur l’éco-toxicité des milieux naturels ain­si que sur la tox­i­c­ité humaine vien­nent s’ajouter les con­som­ma­tions d’énergie liées à sa fab­ri­ca­tion, sou­vent réal­isée dans des pays d’Asie dont le mix élec­trique repose majori­taire­ment sur le char­bon comme l’Inde, l’Indonésie, ou la Chine, qui représen­tait en 2015 les deux tiers de la pro­duc­tion mon­di­ale de vis­cose.

Mix élec­trique de la Chine en 2021 © Eco­lo mon cul, 14 dilemmes du quo­ti­di­en pour aller au-delà du bull­shit écologique.

Manque de bol, la vis­cose com­pose près de 80 à 90% du poids du tam­pon. C’est la pro­duc­tion de ce matéri­au et la fab­ri­ca­tion du tam­pon qui con­tribueront le plus à son impact envi­ron­nemen­tal, et ce sur tout son cycle de vie, depuis la coupe du bois jusqu’au traite­ment en fin de vie, qui se traduit générale­ment par de l’enfouissement ou de l’incinération étant don­né la com­po­si­tion var­iée des pro­duits et la présence de matière organique après util­i­sa­tion (quand ils ne sont pas jetés par inad­ver­tance dans les toi­lettes).

Du jetable au réutilisable ?

Étant don­né son car­ac­tère réu­til­is­able, et à con­di­tion de la con­serv­er suff­isam­ment longtemps, les enjeux envi­ron­nemen­taux asso­ciés à la cup ne sont pas tant liés à la pro­duc­tion du sil­i­cone qui la com­pose qu’à la phase d’utilisation qui con­cen­tre plus de 90% de son impact sur la total­ité des indi­ca­teurs. Autrement dit, son bilan envi­ron­nemen­tal pour­ra sen­si­ble­ment vari­er selon les dif­férentes pra­tiques des util­isatri­ces, tant au niveau du rinçage que de la stéril­i­sa­tion. Par exem­ple le sim­ple fait de stérilis­er sa cup en faisant chauf­fer l’eau dans une casse­role sans cou­ver­cle aura des con­séquences bien plus lour­des qu’en util­isant une bouil­loire. Notons au pas­sage que cou­vrir sa casse­role per­me­t­tait de réduire l’impact de cette solu­tion jusqu’à 30% sur tous les indi­ca­teurs.

En tirant un peu le fil (pas celui du tam­pon), on réalise alors que la fréquence de stéril­i­sa­tion aura égale­ment une impor­tance pri­mor­diale. Si la plu­part des fab­ri­cants recom­man­dent de faire bouil­lir la cup une fois avant le cycle, cer­taines util­isatri­ces jugeront plus ras­sur­ant de repro­duire la démarche plusieurs fois pen­dant le cycle, ce qui con­tribuera indu­bitable­ment à alour­dir le bilan envi­ron­nemen­tal de la cup.

En moyenne, à l’échelle du cycle de vie de ces deux solu­tions, force est de con­stater qu’il suf­fit de deux à vingt réu­til­i­sa­tions pour que la cup présente un meilleur pro­fil envi­ron­nemen­tal que l’équivalent en tam­pons con­ven­tion­nels. À moins de la jeter dès la pre­mière util­i­sa­tion ou de la stérilis­er 15 fois par jour, elle génèr­era tou­jours moins d’impacts que les tam­pons.

Quan­tité moyenne de cups ou de tam­pons util­isés pour une année de règles © Eco­lo mon cul, 14 dilemmes du quo­ti­di­en pour aller au-delà du bull­shit écologique.

En arrivant à garder sa cup cinq ans, on peut réduire de 62 à 78% son impact sur le change­ment cli­ma­tique par rap­port à l’équivalent jetable, et de moitié sur les autres indi­ca­teurs (con­som­ma­tion d’eau, eutrophi­sa­tion, acid­i­fi­ca­tion etc…). Ren­dons-nous compte. Sur toute une vie, on peut utilis­er près de 10 000 pro­duits à usage unique (con­tre quelques cups seule­ment). Autant dire que le bilan des cours­es n’est pas le même – ni pour l’environnement, ni pour le porte-mon­naie, étant don­né le prix du paquet de tam­pons.

Impacts envi­ron­nemen­taux d’une cup util­isée pen­dant 5 ans, stéril­isée une fois à chaque début de cycle et rincée et savon­née à chaque util­i­sa­tion (mix élec­trique alle­mand), com­parée à l’équivalent en tam­pons con­ven­tion­nels jeta­bles © Pierre Rou­viere | @ecolo_mon_cul, adap­té de (Vilabrille Paz et al., 2020)

Le con­stat est le même quand on com­pare la cup aux servi­ettes, bien que l’usage soit quelque peu dif­férent. Sous ses airs de tapis volant, la servi­ette hygiénique est en fait un mille-feuille com­plexe de plusieurs matéri­aux ayant cha­cun une fonc­tion bien pré­cise. Sa pro­duc­tion se rap­proche d’ailleurs de celle des couch­es pour bébé, avec un cœur en SAP pour s’assurer d’une bonne absorp­tion.

Com­po­si­tion d’une servi­ette hygiénique© Pierre ROUVIERE | @ecolo_mon_cul.

Des matériaux alternatifs ?

Face à ces enjeux, on pour­rait décider de se tourn­er vers le coton bio. Toute­fois, étant don­né sa capac­ité d’absorption plus faible, un usage plus impor­tant de matière sera néces­saire, qui peut par­fois pass­er du sim­ple au dou­ble, et se traduire par un bilan envi­ron­nemen­tal plus lourd sur cer­tains indi­ca­teurs.

Rap­pelons nous qu’il n’existe pas de matéri­au écologique par excel­lence. Tout dépend du pro­duit dans lequel on l’utilise et du con­texte d’utilisation. Cul­tiv­er du coton bio pour en faire un pro­duit jetable qui sera ven­du deux fois plus cher que son équiv­a­lent con­ven­tion­nel n’est pas for­cé­ment la solu­tion la plus opti­male, tant pour l’environnement que pour le porte mon­naie. Quitte à cul­tiv­er ces petits flo­cons blancs, autant en faire des culottes de règles. Étant don­né la durée de vie d’un sous-vête­ment ain­si que la quan­tité de coton néces­saire à sa con­fec­tion, la culotte men­stru­elle n’aura jamais les per­for­mances envi­ron­nemen­tales de la cup. Face aux autres solu­tions, la cup tire son épin­gle du jeu. Dans la pra­tique, l’usage de l’une ou l’autre de ces solu­tions n’est toute­fois pas exclusif, et cer­taines util­isatri­ces com­bi­nent plusieurs pro­duits. De ce point de vue là, la culotte men­stru­elle cou­plée à l’usage d’une cup pour les flux impor­tants, sem­ble être le com­bo gag­nant à tous points de vue.

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Notons toute­fois que si l’usage d’une cup sem­ble être la meilleure solu­tion d’un point de vue envi­ron­nemen­tal, elle néces­site un sys­tème social et économique qui per­met son exis­tence, à com­mencer par une garantie d’accès à de l’eau saine et des infra­struc­tures adap­tées !

La réflex­ion est la même pour les pro­tec­tions à usage unique, dont le prix pour­ra à l’avenir forte­ment vari­er avec les aléas cli­ma­tiques aux­quels nous serons soumis. Que l’on par­le de méga-sécher­ess­es, d’inondations ou de ravageurs, il suf­fit que les ren­de­ments agri­coles chutent forte­ment pour voir les prix s’envoler, comme cela a pu être le cas aux États-Unis l’an dernier.

Liberté, égalité, adelphité !

En tout cas ces élu­cubra­tions ne visent pas à tomber dans un tam­pon-sham­ing misog­y­ne qui s’avérerait con­tre­pro­duc­tif. Cha­cune est maîtresse de son choix et les dis­cus­sions autour du bien-être intime et des pro­tec­tions hygiéniques ne peu­vent pas repos­er unique­ment sur leurs impli­ca­tions écologiques. Met­tre en lumière ce sujet ne doit en aucun cas amen­er à se sen­tir coupable… d’avoir un corps !