Au nom du schiste. Avec la guerre en Ukraine, l’Europe a troqué sa dépendance au gaz russe contre des importations américaines, majoritairement composées de gaz de schiste. La France est même passée en tête des pays importateurs, éclipsant des géants comme la Chine ou l’Inde.
Depuis l’invasion de l’Ukraine par l’armée de Vladimir Poutine en février 2022, l’Union européenne s’est sevrée tant bien que mal des hydrocarbures russes. Elle y est arrivée parfois de gré – en décidant d’un embargo sur le charbon et le pétrole – mais surtout de force depuis que le Kremlin resserre à sa guise les vannes de ses gazoducs. Avant l’éclatement du conflit, le gaz russe représentait encore 45 % de l’approvisionnement européen.
Pour s’en passer, l’Europe s’est précipitamment tournée vers les États-Unis avec qui elle a même contractualisé pour importer massivement du gaz naturel liquéfié (Euractiv). Or, la liquéfaction du gaz, son transport par bateau, puis sa regazéification sont des processus très énergivores, au moins 2,5 fois plus que l’acheminement par gazoduc, selon les expert.es de Carbone 4. Surtout, le gaz américain est composé à 79 % de gaz de schiste, selon les données officielles de l’Agence américaine de l’énergie. Or, son extraction, par fracturation hydraulique de roche-mère, est l’une des méthodes les plus dégradantes qui soient pour l’environnement.
Toujours selon l’Agence américaine de l’énergie, la France s’est imposée en 2022 comme le premier importateur mondial de GNL américain, avec 13 500 millions de m³ à fin octobre 2022 (trois fois plus qu’en 2021). Cocasse, pour un pays qui a interdit l’exploration et la production de gaz de schiste sur son propre sol. L’Espagne (10 400 millions de m³) et les Pays-Bas (6 220 millions de m³) complètent le trio gagnant. Ces pays renvoient ensuite une partie du gaz vers les voisins qui ne disposent pas de terminaux méthaniers, comme l’Allemagne. C’est donc toute l’Europe qui est désormais perfusée au gaz de schiste.
Selon l’association pour l’étude des pics pétroliers et gaziers (Aspo), qui a repéré l’info, l’Europe a dû mettre le prix pour récupérer des cargaisons de GNL initialement destinées à la Corée, l’Inde ou le Japon. Ce faisant, elle a elle-même alimenté la hausse des prix du gaz mais aussi les risques de guerres commerciales entre pays.