Décryptage

Comment la France compte-t-elle sortir de sa dépendance aux énergies fossiles ?

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Le gou­verne­ment a présen­té hier le volet «énergie» de sa nou­velle stratégie énergie-cli­mat à hori­zon 2050. Le doc­u­ment de 102 pages était atten­du depuis plus de six mois. Voici ce qu’il faut en retenir.

Pour attein­dre la neu­tral­ité car­bone, la France doit impéra­tive­ment se sevr­er des éner­gies fos­siles, qui trustent encore 58 % de son mix énergé­tique (con­tre 62 % il y a dix ans). Et c’est peu dire que la marche est haute : si la pro­duc­tion d’électricité est presqu’entièrement décar­bonée, notam­ment grâce au nucléaire, les trans­ports et la pro­duc­tion de chaleur sont encore très dépen­dants des éner­gies fos­siles.

Consos qu’on cesse ?

Pour com­mencer, le gou­verne­ment vise une réduc­tion dras­tique des con­som­ma­tions énergé­tiques. Elles devront baiss­er de 30 % d’ici à 2030 (par rap­port à 2012), puis de 40 à 50 % en 2050 (par rap­port à 2021). Pour rap­pel, la con­som­ma­tion d’énergie a dimin­ué de seule­ment 5 % entre 2012 et 2019, « puis plus rapi­de­ment depuis 2022 », note le gou­verne­ment dans son rap­port.

Le gou­verne­ment rap­pelle que « cer­taines mesures sim­ples sont extrême­ment effi­caces » comme baiss­er le ther­mo­stat d’un degré dans son loge­ment pour con­som­mer 7 % d’énergie en moins. D’autre part, « tro­quer sa voiture ther­mique con­tre une élec­trique ou sa chaudière à gaz con­tre une pompe à chaleur réduit les con­som­ma­tions d’un fac­teur trois, du fait de leur meilleur ren­de­ment énergé­tique », a détail­lé le min­istère de la Tran­si­tion énergé­tique lors d’une présen­ta­tion à la presse. Mais d’autres défis s’annoncent bien plus corsés comme l’accélération sig­ni­fica­tive des réno­va­tions dans le bâti­ment.

De l’électricité dans l’air

Puisque la pro­duc­tion d’électricité est déjà décar­bonée en France, le gou­verne­ment fait le pari d’électrifier le plus d’usages pos­si­bles : voitures, chauffages élec­triques, etc. Pour cette rai­son la pro­duc­tion d’électricité devra forte­ment aug­menter : de 35 % dès 2035 et de 55 % d’ici à 2050 par rap­port à 2021. Pour les usages qui ne pour­raient pas être élec­tri­fiés (dans l’industrie notam­ment), le gou­verne­ment vise un dou­ble­ment de la chaleur bas car­bone d’ici à 2035 (géother­mie, solaire ther­mique, biogaz, etc).

Lucky nuke

Le gou­verne­ment con­firme la relance du nucléaire : pro­lon­ga­tion de tous les réac­teurs qui peu­vent l’être, con­fir­ma­tion du pro­gramme de con­struc­tion de six EPR2 à par­tir de 2035 (9,75 gigawatts) et les études de fais­abil­ité pour huit réac­teurs sup­plé­men­taires (13 gigawatts).

Le renouveau des renouvelables

Mais c’est dans le secteur des éner­gies renou­ve­lables que l’effort devra être le plus con­séquent. Le gou­verne­ment entend main­tenir le rythme d’installation dans l’éolien ter­restre, dou­bler la cadence dans le solaire (pour attein­dre 60 gigawatts) et le biogaz et la quadru­pler dans la géother­mie. Il vise en out­re la mise en ser­vice de 18 gigawatts d’éolien en mer d’ici à 2035 (con­tre 0,5 gigawatts actuelle­ment). «En ter­mes financiers, comme en énergie délivrée, ces 18 gigawatts cor­re­spon­dent peu ou prou à six EPR2», estime le min­istère de la tran­si­tion énergé­tique, qui espère attein­dre 45 gigawatts d’éolien en mer en 2050.

Le compte est bon ?

Les objec­tifs sont ambitieux, reste à les attein­dre. Dans un rap­port cinglant pub­lié mi-octo­bre, la Cour des comptes a par exem­ple jugé que l’État ne se donne pas les moyens pour attein­dre ses objec­tifs dans l’éolien. D’autre part, même si le min­istère de la tran­si­tion énergé­tique assure que son scé­nario « est bouclé », c’est à dire qu’il per­met d’atteindre la neu­tral­ité car­bone à 2050, un doc­u­ment interne dif­fusé par Con­texte révèle l’inverse. Il est pos­si­ble de com­menter la stratégie énergé­tique jusqu’au 22 décem­bre sur le site dédiée à la con­sul­ta­tion du pub­lic.

Pho­to d’il­lus­tra­tion : © Markus Spiske / Pex­els