Décryptage

Comment la crise climatique met en péril la santé des enfants

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Grande ire. En 2023, on estime que la moitié des enfants vivant sur la planète sont exposés à des risques cli­ma­tiques extrême­ment élevés, canicules et pénuries d’eau en tête.

Que les enfants soient plus vul­nérables aux effets désas­treux des dérè­gle­ments cli­ma­tiques que d’autres caté­gories de pop­u­la­tion peut sem­bler une évi­dence. Ce qui l’est moins, c’est l’ampleur de cette vul­néra­bil­ité. Dans les pays en développe­ment, où survient l’écrasante majorité des décès attribués aux change­ments cli­ma­tiques, le fonds des Nations Unies pour l’enfance (Unicef) souligne que les plus jeunes représen­tent 80% des vic­times. Les femmes et les enfants sont 14 fois plus exposés au risque de mourir d’une cat­a­stro­phe naturelle que les hommes.

«À la COP28, nous avons cher­ché à inter­venir à tous les niveaux pour alert­er sur les fragilités spé­ci­fiques des enfants, explique à Vert Mathilde Lecluse, chargée de plaidoy­er cli­mat et nutri­tion pour Unicef France. Il ne s’agit pas d’adultes en minia­ture. Les enfants de moins de 5 ans sont par­ti­c­ulière­ment exposés aux carences ali­men­taires, aux vagues de chaleur et à la pol­lu­tion de l’air en rai­son de leur métab­o­lisme et de leur sys­tème immu­ni­taire.»

Vagues de chaleur et manque d’eau

En 2021, l’Unicef présen­tait un indice pour mieux quan­ti­fi­er cette vul­néra­bil­ité à l’échelle mon­di­ale, en prenant en compte un ensem­ble de per­tur­ba­tions envi­ron­nemen­tales : pénurie d’eau, inon­da­tions flu­viales et côtières, cyclones trop­i­caux, mal­adies à trans­mis­sion vec­to­rielle, canicules, pol­lu­tion de l’air, des sols et de l’eau.

Ce nou­v­el out­il aura per­mis de mesur­er l’exposition des plus jeunes à la crise cli­ma­tique : plus d’un tiers des enfants dans le monde est par exem­ple forte­ment exposé à des vagues de chaleur ; plus d’un tiers au manque d’eau. Deux phénomènes qui ne man­queront pas de s’étendre à mesure que le réchauf­fe­ment s’intensifie.

«45 mil­lions d’en­fants se trou­vent aujourd’hui en sit­u­a­tion d’émaciation sévère, c’est-à-dire qu’ils ne peu­vent plus ingér­er de nour­ri­t­ure telle­ment ils sont mal­nu­tris, souligne Mathilde Lecluse. C’est le cas dans la Corne de l’Afrique, par­ti­c­ulière­ment en Soma­lie et en Éthiopie, où des sécher­ess­es suc­ces­sives sont directe­ment imputa­bles au dérè­gle­ment cli­ma­tique».

En sep­tem­bre 2023, dans un camp de réfugiés en Soma­lie. Plus d’un mil­lion de per­son­nes dont de nom­breux enfants ont dû se déplac­er pour échap­per à la pire sécher­esse de ces quar­ante dernières années dans la Corne de l’Afrique. © Hodan Mohamed Abdul­lahi­anadolu / Agency Anadolu / AFP

La menace de ne pas naître

Ces risques con­cer­nent tout autant les femmes enceintes, comme le mon­tre un rap­port d’octobre 2023 du Fonds de l’ONU pour la pop­u­la­tion (FNUAP). Celui-ci a analysé les plans cli­ma­tiques d’une cen­taine de pays sig­nataires de l’Accord de Paris: seuls 38 d’entre eux sur 119 pren­nent en compte les droits en matière de san­té sex­uelle et repro­duc­tive.

Pour Angela Baschieri, chercheuse co-autrice de ce rap­port, «les con­séquences du réchauf­fe­ment sur les femmes et les jeunes filles sont dévas­ta­tri­ces avec une aug­men­ta­tion du risque de morti­na­tal­ité et une insécu­rité ali­men­taire qui impacte la san­té de la mère et du nou­veau-né. Il y a aus­si tous les déplace­ments liés aux sit­u­a­tions cli­ma­tiques, qui les ren­dent vul­nérables, car les ser­vices de plan­i­fi­ca­tion famil­iale, d’ac­couche­ment en toute sécu­rité et de pro­tec­tion con­tre les vio­lences sex­istes peu­vent être per­tur­bés».

De nou­velles don­nées du FNUAP ren­dues publiques fin novem­bre mon­trent que sur les 14 pays les plus vul­nérables au change­ment cli­ma­tique (Soma­lie, Sud-Soudan, Yémen, Afghanistan, Tchad, République cen­trafricaine, République démoc­ra­tique du Con­go, Niger, Mozam­bique, Syrie, Mali, Éthiopie, Nige­ria et Irak), 6 fig­urent par­mi les 10 pays présen­tant les taux de mor­tal­ité mater­nelle les plus élevés, 5 font par­tie des 10 pays où le taux de natal­ité chez les ado­les­centes est le plus élevé ; et 7 font par­tie des 10 pays ayant les taux de mariage d’en­fants les plus élevés.

«Faire face à la crise cli­ma­tique, c’est d’abord lut­ter con­tre les iné­gal­ités et dis­crim­i­na­tions dont souf­frent les femmes et les filles, souligne Angela Baschieri. Cela passe par une évo­lu­tion de toutes ces normes sociales et sex­uelles dis­crim­i­na­toires qui les déval­orisent.»