Reportage

Comme ce couple installé près de Lyon, transformez votre jardin en refuge pour la biodiversité

Jardin se crée. À Genay, près de Lyon, un couple a transformé son jardin en sanctuaire pour la biodiversité. Une démarche engagée soutenue par la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), aux vertus écologiques bien réelles.
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Le panneau visible depuis le portail annonce la couleur : «Ici, nous protégeons la nature.» Celle-ci a en effet toute sa place chez Elisabeth et Philippe Rivière. La végétation y est foisonnante et du lierre recouvre les murs de la bâtisse. Des mésanges chantent joyeusement tout en sortant d’un nichoir. Un bourdon recouvert de pollen butine une fleur. «Il y a toujours du mouvement, quelque chose à observer. C’est souvent la première chose que les gens remarquent quand ils arrivent ici», raconte Elisabeth, tout en sirotant son café matinal.

Elisabeth et Philippe Rivière dans leur jardin refuge. © Raphaëlle Vivent/Vert

Le couple s’est installé en 2003 dans cette maison de Genay, une petite ville située à 20 kilomètres au nord de Lyon. À leur arrivée, le terrain n’avait pas grand-chose à voir avec ce qu’il est aujourd’hui : un gazon coupé à ras, peu d’arbres, quelques plantes décoratives… Passionnés de biodiversité, Philippe et Elisabeth, alors instituteur et directrice de crèche, décident de transformer les lieux en profondeur. Ils rejoignent le programme «Refuges LPO», créé dès 1921 par la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), une association de défense de l’environnement.

Son objectif : inciter particuliers, entreprises, établissements publics et collectivités à créer des conditions favorables à la nature, quelle que soit la taille de leur terrain. «Il n’y a pas de surface minimale requise. On peut aussi mettre des choses en place sur un balcon en pleine ville», précise Clémence Lerondeau, responsable des programmes d’action citoyenne chez LPO France. Aujourd’hui, il existe plus de 59 000 refuges LPO en France, dont 53 400 sont situés chez des particuliers. Au total, cela représente quelque 68 000 hectares d’espaces préservés.

La maison de Philippe et Elisabeth Rivière à leur arrivée en 2003 (à gauche), puis en 2024 (à droite). © Philippe Rivière

Créer des corridors écologiques

Si les entreprises et les communes doivent répondre à des exigences plus strictes, pour les particuliers, il s’agit avant tout d’un engagement moral à respecter la charte des Refuges LPO. Celle-ci repose sur trois piliers : créer les conditions propices à la vie du sol, de la faune et de la flore sauvage, préserver le refuge de toutes les pollutions (chimiques, plastiques, lumineuses, sonores) et limiter son impact global sur l’environnement. «On ne peut pas accueillir les petites bêtes dans son jardin tout en adoptant un mode de vie qui nuit à la nature et au climat. C’est incohérent», explique la responsable LPO.

Une fois inscrits et moyennant 35€ de frais d’adhésion, les participant·es reçoivent des conseils personnalisés et des ressources, dont un guide détaillant les 15 gestes qui favorisent la biodiversité. Des actions loin d’être anecdotiques, assure Clémence Lerondeau : «Les jardins privés en France représentent une surface six fois supérieure à celle des cœurs de parcs nationaux [les cœurs sont des zones particulièrement protégées et soumises à une réglementation stricte au sein des parcs nationaux, NDLR]. On a donc besoin des particuliers pour protéger la nature.»

Les jardins des particuliers, comme celui d’Elisabeth et Philippe Rivière, permettent de créer des corridors écologiques pour les espèces, favorisant ainsi le brassage génétique. © Raphaëlle Vivent/Vert

Par ailleurs, ces terrains accueillants permettent la circulation des espèces entre différentes zones naturelles. Elles peuvent s’y nourrir et y faire étape avant de rejoindre un nouvel habitat. Des corridors écologiques qui favorisent le brassage génétique. «Les espèces animales et végétales ne peuvent pas prospérer si elles évoluent dans une zone isolée, aussi grande soit-elle. La diversité génétique est indispensable, et pour l’encourager, il faut multiplier les espaces d’épanouissement», ajoute-t-elle.

Chaque particulier est ensuite libre d’appliquer les conseils de l’association comme il ou elle le souhaite. «Un ami à nous a un jardin très organisé, avec différentes zones pour attirer certains insectes, notamment les papillons. Chez nous, c’est plus sauvage», précise Philippe Rivière. Pour autant, le couple a savamment pensé l’espace et réalisé de nombreux aménagements au fil des années. «Certains pensent qu’un jardin refuge, c’est juste tout laisser en friche. Ce n’est évidemment pas le cas», s’amuse Elisabeth.

Favoriser le mouvement et la vie

Premier geste utile : faciliter le passage des petits animaux. «Un jardin hermétique, c’est mortel pour plein d’espèces, hérissons, amphibiens, reptiles, etc. Ils ont besoin de se déplacer sur de grandes distances pour se nourrir», explique Philippe, en se dirigeant vers le grillage qui entoure une partie de la maison. Il y a percé plusieurs ouvertures au niveau du sol, et le portail d’entrée est suffisamment surélevé pour laisser passer les animaux.

Un jardin refuge doit aussi offrir nourriture et abris. Cela passe par une végétation dense, variée et locale. «Dans beaucoup de jardins, on trouve de l’herbe tondue à ras et quelques arbres. Il manque toutes les strates intermédiaires : herbes hautes, buissons, arbustes et petits bosquets», détaille Philippe. Certaines zones du jardin sont tondues régulièrement pour s’y détendre, mais d’autres sont volontairement laissées aux plantes et fleurs sauvages.

Pour offrir nourriture et habitats à la faune sauvage, un jardin refuge doit être composé de diverses strates végétales. Les bois morts offrent aussi des abris à quantité d’espèces. © Raphaëlle Vivent/Vert

Souvent considérées à tort comme des mauvaises herbes, les graminées, pissenlits, orties ou autre cardamines des prés font office de nourriture et d’habitat pour de nombreux insectes. Ces derniers, indispensables à l’équilibre des écosystèmes, constituent aussi la base de nombreuses chaînes alimentaires. Leur présence attire les oiseaux, les petits mammifères et les chauves-souris : autant de signes de la bonne santé d’un terrain. «De base, je n’étais pas très à l’aise avec toutes ces petites bêtes. Mais avoir un jardin refuge permet de se réconcilier avec elles, de comprendre leur rôle», confie Elisabeth.

Sur leur terrain, Elisabeth et Philippe ont aussi aménagé de nombreux abris pour la faune sauvage. «L’idéal, ce sont les habitats naturels comme les haies ou les cavités dans les arbres morts… Mais ce n’est pas toujours suffisant», souligne Philippe. Lui et son épouse ont donc installé plusieurs nichoirs à oiseaux et gîtes pour chauve-souris aux quatre coins du jardin. Des entassements de bois ou de pierre constituent eux des refuges pour de petits animaux, comme les mulots, les lézards ou les hérissons. Le jardin comprend également plusieurs points d’eau, coupelles et fontaines, où viennent s’hydrater et se rafraîchir les animaux. Enfin, deux mares abritent des écosystèmes extrêmement riches, tout en constituant des réserves d’eau pour les plantes.

Un rouge-gorge familier se rafraîchit dans l’une des coupelles installées dans le jardin. © Philippe Rivière

S’émerveiller devant la faune sauvage

Transformer son jardin en refuge offre de nombreux bénéfices. La végétation luxuriante, par exemple, permet de faire baisser la température ressentie de 4 à 5 °C lors des chaudes journées d’été, estime Elisabeth. Avec ses différentes zones végétalisées, le jardin de 1 200 m² paraît aussi plus grand. «Et il est modulable. Quand on reçoit du monde, on l’entretient davantage. Et si on prévoit de s’absenter, on le laisse tranquille», ajoute-t-elle.

Mais surtout, le couple peut observer une faune d’une grande diversité : papillons, libellules, abeilles sauvages, coléoptères, musaraignes, écureuils, lézards, grenouilles, renards, blaireaux… et bien sûr, une multitude d’oiseaux. «Sept espèces nichent sur notre terrain, c’est beaucoup ! Et bien plus sont simplement de passage, précise Philippe. Pouvoir les contempler, c’est une vraie récompense.»

Le couple peut observer quotidiennement de nombreux animaux dans son jardin, dont des écureuils roux.© Philippe Rivière

75% des populations d’insectes et 30% des oiseaux ont disparu en seulement 30 ans, en raison notamment de certains pesticides, de la perte d’habitats et du changement climatique. Le couple contribue donc, à son échelle, à la préservation de la biodiversité. «Malheureusement, ça n’empêche pas le déclin de certaines espèces. Ça fait plusieurs années qu’on ne voit plus de hérissons dans le quartier, par exemple», regrette Elisabeth.

Leur expérience fait des émules : plusieurs voisins ont eux aussi rejoint le programme de l’association. Et le couple, devenu référent Refuges pour la LPO du Rhône, inspire même les plus jeunes. «Quand j’étais instituteur, un de mes élèves avait demandé pour son anniversaire quatre mètres carrés du jardin familial afin d’y créer des aménagements pour la biodiversité. Les parents ont accepté !», se souvient Philippe avec émotion. Ou comment semer l’émerveillement pour un avenir plus florissant.

Un balcon-refuge, c’est possible aussi !
En milieu urbain, les refuges ont aussi toute leur utilité. «Cela permet aussi aux espèces présentes en ville de se déplacer entre les zones naturelles. En l’occurrence, d’un parc urbain à un autre, en faisant étape sur les balcon ou terrasses végétalisés», explique Clémence Lerondeau, de la LPO. Les gestes recommandés sont sensiblement les mêmes qu’en jardin : placer des points d’eau (à changer régulièrement pour éviter les moustiques), planter des végétaux variés et locaux pour attirer les insectes et le reste de la chaîne alimentaire, et installer des nichoirs et des gîtes. Avec ces aménagements, vous pourrez peut-être observer divers insectes et oiseaux, mais aussi des chauves-souris.

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