Entretien

Christian Clot : «Les gens ne veulent pas changer de comportement tant qu’ils n’ont pas expérimenté le dérèglement climatique»

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Chaud business. L’explorateur et auteur Christian Clot travaille sur l’adaptation humaine aux conditions climatiques extrêmes depuis plus de vingt ans. Avec l’institut de recherche Human adaptation institute, qu’il a fondé en 2022, il vient de lancer Climate sense, une cabine à 50°C pour simuler les impacts du réchauffement climatique sur la vie quotidienne. Vert l’a rencontré.

Qu’est-ce qui vous a poussé à développer la cabine Climate sense ?

Des travaux scientifiques nous ont montré que les gens ne veulent pas changer leur comportement tant qu’ils n’ont pas un ressenti émotionnel lié au dérèglement climatique. En Europe, contrairement à d’autres régions du monde, les habitants n’ont, en majorité, pas encore ressenti les effets du changement climatique. Malgré les canicules, ils ont du mal à faire le lien avec le climat à long terme et ont tendance à oublier rapidement ses effets.

Christian Clot. © Lucas Santucci / Zeppelin

Avec la cabine Climate sense, les gens ressentent ces impacts dans un temps limité et sont amenés à se poser des questions dès qu’ils finissent l’expérience : ils visionnent une vidéo qui décrypte les impacts physiques et cognitifs des fortes chaleurs et visitent une exposition qui explore les actions individuelles et collectives à mettre en place pour changer son comportement.

À qui est destinée cette expérience ?

Notre objectif est d’aller dans le plus d’endroits possibles, dans les entreprises, dans les banlieues, dans les lycées. Évidemment, on souhaite aussi toucher directement les décideurs en se rendant dans les mairies, les collectivités territoriales, et pourquoi pas la cour de l’Assemblée nationale. Aujourd’hui, il n’y a plus de doute sur le fait que chacun a compris qu’il y avait un problème avec le climat, mais tout le monde n’a pas eu le déclic du passage à l’action. En forçant les décideurs à expérimenter le changement climatique, on espère déclencher quelques prises de conscience.

Comment la simulation est-elle vécue par le public ?

Nous avons touché environ 2 000 personnes depuis le lancement de Climate sense en septembre. Pour l’instant, on a eu des retours bien plus enthousiasmants que ce qu’on avait prévu, avec environ 50 à 60% de participants qui nous disent qu’ils vont passer à l’action. On sort rarement de la cabine en se disant que ce n’est pas un problème. Quand on demande aux participants : «Est-ce que tu te sens de vivre ça pendant une journée entière ?», objectivement, ils ne peuvent pas dire oui.

Certains répondent qu’on climatisera davantage, mais c’est une solution technologique typique de mal-adaptation [une stratégie d’adaptation au changement climatique qui augmente la vulnérabilité de la société au lieu de la réduire, NDLR] puisqu’elle participe au problème (notre décryptage sur le sujet).

On ne veut pas que les gens sortent en ayant peur, plutôt en se disant qu’il faut qu’ils s’engagent. Quand on ressent de l’éco-anxieté ou de la solastalgie [détresse émotionnelle liée à la destruction de la planète, NDLR], la seule façon de s’en sortir, c’est d’agir.

Irritabilité, perte de concentration… Vert a testé pour vous la cabine à 50°C de Climate sense. Notre journaliste Justine Prados raconte juste ici son immersion dans la fournaise.