En tant que journaliste spécialisée dans les sujets climat, je passe mon temps à déchiffrer des rapports, décrypter des phénomènes météo extrêmes et relater des records en tous genres. Mais raconter ce que l’on ressent lorsqu’on subit certains effets du dérèglement climatique est une tâche bien plus difficile. Alors, je me suis lancé ce défi.
À l’occasion du salon Expoprotection, dédié à la prévention des risques professionnels et qui s’est tenu à Paris la semaine dernière, j’ai testé la cabine «Climate sense» qui simule la vie à 50 degrés. Cette température n’est plus un horizon impensable en France, et plusieurs études scientifiques (ici, ou là) affirment que nous y serons très probablement confronté·es avant la fin du siècle.
Originaire de Toulouse (Haute-Garonne), dans le sud de la France, je suis habituée aux étés caniculaires, au soleil qui brûle les épaules et à la chaleur qui dessèche la gorge. Pour me rassurer, je me dis que les 50°C seront sûrement pénibles, mais sans plus. Je ne m’attends pas du tout à ressentir aussi rapidement, et aussi concrètement, les effets de cette étuve.
Quand je pénètre dans la cabine, c’est comme si j’entrais dans une soufflerie géante. Les premières secondes, ma respiration se coupe. Puis, je sens mon corps s’habituer peu à peu. On m’a prévenue : au cours des trente prochaines minutes, je vais d’abord faire une activité physique sur un tapis de course ou un vélo pour simuler un trajet domicile-travail, puis faire des jeux d’adresse et de réflexes, et enfin, répondre à un questionnaire de logique pour tester mes capacités cognitives.
Choc thermique
La première partie est pour moi la plus simple : dix minutes de marche rapide, entre cinq et six kilomètres par heure. J’essaye de contrôler ma respiration, et je sens la chaleur rebondir sur mes bras, mes jambes, mon visage. Je souffle en imaginant devoir me rendre au travail sous cette chaleur.
Puis, viennent les activités de réflexes et de précision : un jeu de rapidité, où il faut taper sur des voyants verts qui s’allument aléatoirement ; et un jeu d’adresse, qui demande de passer un crochet dans un parcours sinueux en fil de fer sans le toucher. Je commence à me sentir engourdie, je manque de précision. Je m’agace plus vite, aussi, dès que j’échoue – l’irritabilité est l’un des premiers symptômes, souvent ignoré, d’un coup de chaleur.
Enfin, il est temps de passer aux tests cognitifs. Les questions sont plutôt simples : mémoriser une liste de mots et la retranscrire, des énigmes et du calcul mental, de la logique. Rien n’est sorcier, et pourtant, je relis certaines consignes à plusieurs reprises pour être sûre de les comprendre. La torpeur ambiante m’empêche de me concentrer, je perds du temps. Au bout de quelques minutes, on m’indique au micro que la simulation est terminée, alors que je n’ai pas terminé le questionnaire. Je rejoins un sas maintenu à 30°C, où l’opératrice de la cabine garde un œil sur moi par l’entremise d’une caméra. Le choc thermique est si impressionnant que j’ai la sensation d’avoir pénétré dans une pièce climatisée.
Une fois la chaleur derrière moi, je sens mon corps reprendre un rythme habituel, mon cœur pomper moins rapidement, le flou dans ma tête se dissiper. L’organisme reprend le dessus. Pour l’instant, les 50°C ne sont qu’une simulation, dont on peut sortir facilement, avant de reprendre le cours de sa journée. Mais dans quelques années, nous n’aurons sûrement plus ce privilège.
Vert a rencontré Christian Clot, l’explorateur à l’origine de la cabine Climate sense. Il raconte juste ici les coulisses de la création de cette étuve qui simule les impacts du réchauffement climatique sur la vie quotidienne.