La radio privée du milliardaire Christian Latouche, Sud Radio, a reçu sa troisième mise en garde pour désinformation climatique de la part de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), lundi. C’est un record. L’autorité justifie sa décision par des «manquements à l’exigence d’honnêteté et de rigueur dans le traitement de l’information».
Cette nouvelle mise en garde fait suite à trois saisines de l’association Quota Climat – qui lutte pour un meilleur traitement des enjeux écologiques dans les médias – auprès du gendarme de l’audiovisuel. Les trois séquences problématiques viennent toutes de l’émission du journaliste André Bercoff, «Bercoff dans tous ses états». Comme l’avait montré Vert dans une enquête publiée en octobre dernier, le journaliste de 84 ans a pour habitude d’ouvrir le micro à des invité·es connu·es pour leurs positions climatosceptiques, sans contradiction.

La première séquence épinglée, la plus récente, date du 29 janvier 2025. Le controversé physicien François Gervais déclarait : «Ceux qui affirment qu’il y a un changement climatique ont des intérêts, notamment pour obtenir des subventions» ; «Le CO2 n’est nullement un polluant, au contraire c’est un fertilisant» ; «Il y a toujours eu des fluctuations du climat». Ainsi, il niait l’origine humaine du réchauffement climatique, qui fait pourtant l’objet d’un consensus scientifique «sans équivoque».
Connu pour ses positions climatosceptiques répétées, François Gervais était déjà à l’origine de la première mise en garde de l’Arcom, reçue par Sud Radio en mai 2024.
Deuxième séquence épinglée, le 2 décembre. Fabien Bouglé, essayiste anti-énergies renouvelables qui avait déjà désinformé lors de la panne électrique géante en Espagne (comme le racontait Vert), a prononcé plusieurs propos mensongers à l’antenne. «Il y aurait une infiltration des institutions françaises par les anti-nucléaires» ; «Les représentants de la filière éolienne seraient forcément anti-nucléaires et comploteraient pour influer sur les décisions énergétiques françaises», énonçait-il notamment, toujours sans contradiction.
Enfin, le 21 octobre, l’économiste de la santé Jean de Kervasdoué a estimé que «le réchauffement climatique a[vait] du bon : il suffit de regarder le marché du vin et les terrasses parisiennes».
Pour Eva Morel, secrétaire générale de Quota Climat, «la réaction de l’Arcom reste largement insuffisante face aux manquements répétés» de Sud Radio. Selon elle, la fréquence de ces séquences «aurait normalement justifié le passage à une mise en demeure». Cela a été le cas pour CNews, une première dans la lutte contre la désinformation climatique. La chaîne d’info du milliardaire d’extrême droite Vincent Bolloré a été condamnée à 20 000 euros d’amende, le 11 novembre dernier.
Sud Radio, championne de la désinfo climatique
À Sud Radio, une fausse information est prononcée toutes les 40 minutes d’émission consacrée au climat. C’est loin devant les 18 autres médias audiovisuels français, selon une analyse des associations Quota Climat, Data for Good et Science Feedback, menée entre janvier et août.
Auprès de Vert, un journaliste de cette station expliquait en octobre ne pas être surpris : «Je sais qu’ils ont pris ce créneau parce qu’ils ont constaté que ça attirerait des auditeurs qu’ils n’attireraient pas forcément d’une autre manière.» Pour lui, comme pour plusieurs de ses collègues, le problème vient surtout d’André Bercoff et de ses invité·es controversé·es.

Interrogé par Vert à l’époque, Patrick Roger, le directeur de l’information de Sud Radio, avait expliqué faire évoluer la grille : «On lui a dit [à André Bercoff] qu’on pouvait inviter [ces personnes] mais qu’il fallait apporter de la contradiction. À partir de là, il y a des choses qui n’ont pas été respectées, donc on a fait évoluer l’émission.» Ainsi, depuis le 6 octobre, ce dernier, qui avait une émission quotidienne, n’intervient plus que le vendredi. «D’un commun accord» avec la rédaction, dit-on en interne.
Mais notre enquête avait montré que la moitié des cas de désinformation de la radio provenait d’autres émissions que celle d’André Bercoff. Pour Quota Climat, la volonté revendiquée par l’antenne de faire évoluer ses pratiques ne justifie pas des sanctions allégées de la part de l’Arcom. Eva Morel estime qu’«appliquer le droit de manière proportionnée permet de sortir du régime d’impunité, et de désinciter ces pratiques à l’avenir».