Entretien

Bagarre, groupe électro : «La violence est parfois nécessaire dans la lutte»

Bagarre à toi. Onze ans après leurs débuts, les membres de Bagarre font leur tournée d’adieu. À l’occasion de leur passage au festival Terres du son, samedi 11 juillet, les «bagarreurs» ont confié à Vert être traversés par la colère, la peur… mais aussi l’espoir.
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Voilà onze ans que ces artistes enflamment toutes les scènes de France, avec leur musique de club, leurs pogos enragés et leurs hymnes à l’inclusion. Bagarre, groupe parisien d’électro-pop formé en 2014, est à l’affiche de plusieurs festivals cet été, comme Terres du son, à Monts (Indre-et-Loire) les 11, 12 et 13 juillet, ou encore la Fête de l’Humanité, près de Paris, les 12, 13 et 14 septembre. Le groupe – composé d’Emma, dite Emmaï Dee ; d’Arthur, dit La Bête ; de Thomas, dit Majnoun ; de Cyril, dit Maître Clap ; et de Mustapha, dit Mus – est en tournée depuis la sortie de l’EP Nous étions cinq, le 28 février dernier.

De gauche à droite : Emma, Cyril, Arthur et Mustapha, du groupe Bagarre, le 11 juillet à Monts. © Lisa Drian/Vert

Une tournée qui s’achèvera en décembre prochain à l’Olympia, à Paris, avec un amer goût d’au revoir. Car cette année 2025 marque la fin d’une aventure pour les cinq «bagarreurs». Le groupe a annoncé sa séparation en début d’année, mettant un terme à onze ans de carrière, commencée dans les sous-sols parisiens.

Bagarre, fidèle à un esprit de liberté, a toujours revendiqué une indépendance totale : fonctionnement horizontal, refus des étiquettes et scène partagée avec des collectifs de drag queens. Né d’une utopie – celle de défier les règles de l’industrie musicale – le projet semble avoir tenu parole. À l’occasion du festival Terres du son, à Monts (Indre-et-Loire), où le groupe s’est produit le 11 juillet, nous avons rencontré quatre de ses membres. Dans un entretien pour Vert, les artistes ont partagé leurs craintes face à un monde qui se réchauffe, et à une extrême droite qui progresse.

Voilà plusieurs années que Bagarre se présente comme un allié des luttes LGBTQIA+. Êtes-vous aussi un allié de la lutte écolo ?

Oui, à fond ! Bagarre n’a peut-être pas cette étiquette-là, mais on se revendique comme tel. Notre engagement se traduit au quotidien : parmi nous cinq, trois sont végétariens. Dans nos chansons, l’écologie est un sujet qu’on aborde pas mal. On essaie de rendre ça cool, pas trop lourdingue… avec des métaphores par-ci par-là. Notre titre Au revoir à vous en est un bon exemple. Il évoque tout un tas de sujets liés à la crise environnementale. Il témoigne des questionnements et de craintes qui nous traversaient à l’époque de sa sortie, en 2019. Le réchauffement climatique, Marine Le Pen… Et ce pauvre ours polaire, menacé.

© Bagarre

Vous craignez l’avenir ?

La question serait plutôt de savoir ce qui ne nous fait pas peur. L’amour, peut-être, dans cet océan de merde qui nous entoure. Ou bien une belle pride [ou marche des fiertés, NDLR] : ça non plus, ça ne nous fait pas peur. C’est important d’aller chercher des endroits où l’on se sent bien, d’essayer de garder espoir.

Plus sérieusement, la liste des choses qui nous font peur est longue : il y a la crise climatique, la guerre, la montée de l’extrême droite… et notamment l’émergence de ces discours bellicistes, que l’on voit à la télé – ou même autour de nous. C’est une forme de poison, un changement de mentalité qui risque d’amener une population entière à changer d’état d’esprit et, par exemple, à voter pour [la cheffe de file de Rassemblement national] Marine Le Pen.

Bagarre, sur la scène de Terres du son, à Monts, le 11 juillet 2025. © Lisa Drian/Vert

Votre groupe s’appelle Bagarre. Êtes-vous favorables à la violence comme mode d’action politique ?

Oui, quand elle est nécessaire. Quand tu as l’impression que ta voix n’a aucune valeur, aucun poids. Si tu ne trouves aucun moyen de te faire entendre, la violence peut être utile. Après, ça dépend du type de violence… et de la lutte en question ! Lorsqu’il s’agit des violences sexistes et sexuelles, par exemple… on se dit que si on nous apprenait à nous, les femmes, à être plus violentes, on s’en sortirait parfois un peu mieux. Pas forcément en frappant tout le monde, bien sûr, mais en se mettant dans des postures plus menaçantes, physiquement. Et pour ce qui est de la lutte pour l’écologie : si on considère que jeter de la sauce tomate sur des tableaux en Plexiglas c’est de la violence, alors oui, nous y sommes favorables !

© Vert

Peut-on changer le monde avec la musique ?

Non, ce serait un peu prétentieux de l’affirmer. En tout cas, on a envie d’accompagner ceux qui agissent, qui essaient de faire changer les choses. La musique, dans des contextes de lutte, de manifestation, ça donne du baume au cœur.

Pour finir, que diriez-vous à un climatosceptique, qui se tiendrait devant vous ?

Il fait chaud, non ? [rires]

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