Décryptage

Avatar 2, quand la science-fiction démocratise l’écologie et la pensée animiste

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La suite du plus gros suc­cès de l’histoire du ciné­ma arrive en salle avec un sec­ond opus inti­t­ulé « la voie de l’eau ». 13 ans après les forêts lux­u­ri­antes de la planète Pan­do­ra, Avatar nous y emmène cette fois-ci à la décou­verte des écosys­tèmes marins. Deux spé­cial­istes nous analy­sent pour Vert le mes­sage écologique du film et le pou­voir de la sci­ence-fic­tion pour penser l’avenir.

Le retour d’Avatar au ciné­ma signe la revanche des lunettes 3D dans les salles obscures. Mais c’est surtout un nou­veau regard que le réal­isa­teur cana­di­en James Cameron nous invite à porter sur le monde — le nôtre. Pen­dant trois heures, l’on décou­vre les écosys­tèmes marins de Pan­do­ra à tra­vers les yeux d’une famille du peu­ple Na’vi en exil. Des énormes baleines aux petites méduse-ané­mones, l’harmonie entre les peu­ples autochtones de la planète Pan­do­ra et le reste du vivant est au cen­tre du réc­it.

« Le film con­tribue à con­sci­en­tis­er la pop­u­la­tion sur les dégâts écologiques », indique Yan­nick Rumpala, directeur de l’Équipe de recherche sur les muta­tions de l’Europe et de ses sociétés (ERMES). En pro­posant une vision non-occi­den­tale de la nature, Avatar rejoint les travaux de l’anthropologue Philippe Desco­la, qui met­tent en lumière l’unité spir­ituelle entre tous les êtres vivants chez les peu­ples autochtones d’Amazonie.

Un monde futuriste pour parler du présent

C’est « un ren­verse­ment par rap­port à la sci­ence-fic­tion clas­sique, où l’humanité ne se fait pas envahir par des extra-ter­restres, mais devient l’agresseur », détaille Yan­nick Rumpala. Car si les grands thèmes de la pen­sée écologique sont tou­jours abor­dées dans ce sec­ond volet, ce n’est qu’à tra­vers les aven­tures d’une famille à l’occidentale. « C’est ce qu’on appelle la “trans­porta­tion” en anglais. On nous donne un point d’accroche pour se plonger dans l’univers et aller avec eux par­ler aux arbres », illus­tre Anne-Car­o­line Prévot, chercheuse au Muséum nation­al d’histoire naturelle de Paris. Comme toutes les œuvres de sci­ence-fic­tion, Avatar met en scène un monde futur­iste pour évo­quer le présent.

« Une façon de réfléchir au long terme »

« La sci­ence-fic­tion a d’abord un rôle d’alerte », pré­cise Yan­nick Rumpala. L’extraction des min­erais ou la chas­se aux baleines qui détru­isent la vie sur Pan­do­ra nous invi­tent à réfléchir à l’origine des objets que nous con­som­mons. C’est égale­ment un moyen de s’émanciper des mod­èles dom­i­nants, par la décou­verte de la spir­i­tu­al­ité ani­miste sur grand écran. « C’est une façon de réfléchir au long terme, appuie Yan­nick Rumpala. L’armée fait, par exem­ple, appel à des auteurs de sci­ences fic­tion pour avoir des scé­nar­ios qui n’auraient pas encore été imag­inés ».

Les jeunes enfants du peu­ple de la terre décou­vrent la richesse marine. © Walt Dis­ney Stu­dios Motion Pic­tures

Néan­moins, la fic­tion peut égale­ment habituer les spectateur·rices à cer­taines sit­u­a­tions cat­a­strophiques. « On a telle­ment vu de films de zom­bies que les mesures san­i­taires strictes pen­dant le covid ne nous ont pas choqué », avance Yan­nick Rumpala. Pour inciter à l’action, Anne-Car­o­line Prévot ani­me des comité de créa­tion autour de la sci­ence-fic­tion afin de pro­pos­er de nou­veaux réc­its. « La majorité des étu­di­ants en ressor­tent réelle­ment changés avec un nou­veau rap­port au monde et à la tran­si­tion écologique », racon­te-t-elle. Si l’étude de la SF est en plein développe­ment, les deux spé­cial­istes regret­tent tou­jours que la dis­ci­pline ne soit pas pris au sérieux dans le monde académique. « Pour beau­coup de gens, ça se résume à Star Wars, alors que les sujets sont très sérieux, puisqu’il s’agit de penser le futur et de sor­tir du présen­tisme », tente de con­va­in­cre Yan­nick Rumpala. Le retour d’Avatar au ciné­ma pour­rait bien don­ner un coup d’accélérateur à cette légiti­ma­tion en développe­ment.

Avatar 2 : la voie de l’eau, James Cameron, 2022, en salles depuis mer­cre­di.