Juge est parti. Lundi, après des mois de bataille juridique, le tribunal administratif de Toulouse (Haute-Garonne) devait enfin statuer sur la légalité de l’autorisation environnementale de l’autoroute A69 entre Toulouse et Castres (Tarn). Le jugement est une douche froide pour les opposant·es au projet.
Les organisations mobilisées contre l’A69 avaient anticipé deux situations : le tribunal pouvait annuler l’autorisation environnementale du projet et ainsi suivre la recommandation de la rapporteuse publique (notre récit de l’audience qui s’est tenue fin novembre), ou décider de rejeter le recours des associations. C’est finalement une troisième voie, inattendue, qui a été choisie par la justice.
Lundi, le tribunal administratif de Toulouse a décidé de relancer l’instruction de ce dossier brûlant, provoquant la fureur des militant·es écologistes. L’instance administrative a annoncé qu’«une nouvelle audience en vue de se prononcer sur la légalité des autorisations environnementales» se tiendrait dans les prochains mois, ouvrant ainsi la porte à une poursuite du chantier.
Des «notes en délibéré» ont été versées au dossier par des parties après l’audience du 25 novembre et «dans l’intérêt d’une bonne justice, celles-ci ont été communiquées afin que toutes les parties à l’instance puissent […] débattre de la pertinence» de ces arguments, a poursuivi le tribunal.
«La stratégie du fait accompli»
«C’est la stratégie du fait accompli», a dénoncé la députée écologiste de Haute-Garonne Christine Arrighi, réclamant «un moratoire sur les projets routiers et autoroutiers pour ne pas se retrouver dans une situation comme celle à laquelle nous sommes confrontés». Ce choix du tribunal permet «au chantier de poursuivre ses dégâts, dont certains seront irréversibles», a fustigé le groupe parlementaire de La France insoumise.
Le 20 novembre, à la surprise générale, la rapporteuse publique, dont les avis sont souvent suivis, avait invité la justice administrative à annuler les arrêtés préfectoraux autorisant la construction de l’autoroute. Ce qui a provoqué une suspension des travaux.
Dans ce contexte, plusieurs associations et collectifs d’opposant·es comptent désormais demander à la justice «l’arrêt du chantier le temps que le tribunal examine» à nouveau le dossier, ont-ils indiqué lundi soir en conférence de presse.
D’après le collectif la Voie est libre, l’État s’est engagé auprès du tribunal à financer une baisse des péages de l’A69, ce qui reviendrait à «payer l’autoroute avec nos impôts», ont estimé ces opposant·es. «En évitant de statuer, le tribunal administratif fait gagner du temps au chantier» a dénoncé le collectif, qui souligne que cette réouverture de l’instruction empêche les requérant·es de faire appel pour le moment.
Ce tronçon de 53 kilomètres, programmé pour une mise en service fin 2025 au nom du désenclavement du sud du département du Tarn, doit raccourcir d’une vingtaine de minutes un trajet d’environ 1h30. Un gain de temps que ses opposant·es jugent négligeable au regard des destructions de zones humides, terres agricoles, écosystèmes et nappes phréatiques que suppose un chantier d’une telle ampleur, alors que l’actuelle route nationale est loin d’être saturée.
Une contestation de longue date
La bataille pour ou contre l’A69 dure depuis deux ans : installations de ZAD (zones à défendre) dans plusieurs bosquets, grands rassemblements de manifestant·es sur le tracé émaillés de heurts avec les forces de l’ordre et recours judiciaires de toutes sortes.
La société Atosca, constructeur et futur concessionnaire, met en avant les quelque 300 millions d’euros déjà investis dans le chantier depuis son démarrage en avril 2023, sur un budget prévisionnel de 450 millions, et les 70% d’ouvrages d’art déjà réalisés. L’entreprise, qui «produira ses observations dans le délai de 45 jours imparti par le tribunal», entend poursuivre les travaux dans l’intervalle. «On continue. Les gars sont sur le chantier aujourd’hui, ils y seront demain», a indiqué à l’AFP une porte-parole du constructeur.
«C’est un soulagement de se dire que quelque chose d’aussi avancé, qui mobilise 1 000 salariés quotidiennement et pour lequel 300 millions d’euros ont été dépensés va continuer», a dit à l’AFP Olivier Fabre, maire de Mazamet (Tarn), soutien du projet.
Pour un autre partisan de l’A69, le député macroniste du Tarn Jean Terlier, «ce serait parfaitement incongru d’avoir un tribunal administratif qui viendrait à l’encontre d’une déclaration d’utilité publique validée par le Conseil d’État».
La construction de l’A69 est soutenue par nombre d’élu·es locaux·les, le département du Tarn et la région Occitanie, ainsi que des acteurs privés, comme Pierre Fabre, l’un des principaux groupes pharmaceutiques français.
En réponse à leurs arguments, la rapporteuse publique Mona Rousseau avait jugé «excessif» d’invoquer une «véritable situation d’enclavement» du sud du Tarn. La magistrate avait également souligné que le gain de temps permis par cette autoroute payante s’accompagnerait d’une «dégradation» de la route gratuite.
Une nouvelle audience n’est pas attendue avant plusieurs mois.