Décryptage

Au mépris du réel, Nicolas Sarkozy agite la menace d’une explosion démographique pour expliquer la crise climatique

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Sarkom­mence. Invité de l’émission C à vous sur France 5 le 6 sep­tem­bre, Nico­las Sarkozy a mul­ti­plié les sor­ties fauss­es et prob­lé­ma­tiques au sujet de la crise cli­ma­tique qui serait, à son «avis» et au mépris de la sci­ence, prin­ci­pale­ment due à la démo­gra­phie des pays du Sud. Décryptage de cette odieuse séquence.

Pour Nico­las Sarkozy (ce n’est pas nou­veau), la démo­gra­phie est la pre­mière cause du change­ment cli­ma­tique. Alors que François Gemenne, spé­cial­iste des migra­tions et co-auteur du dernier rap­port du Giec, explique à France 5 qu’il s’agit avant tout d’un prob­lème lié au mode de vie des occi­den­taux, Nico­las Sarkozy n’est «pas du tout de cet avis et c’est un débat qui [lui] paraît fon­da­men­tal». Que vaut au juste l’«avis» de l’avocat et ancien prési­dent face à un spé­cial­iste du sujet ? Il s’agit d’un faux débat et la dis­cus­sion aurait dû s’arrêter là.

«On est passé de 2,5 mil­liards d’habi­tants en 1955 à 8 mil­liards, si ça, c’est pas un dérè­gle­ment, qu’est-ce qu’un dérè­gle­ment ?». Dans ce sophisme, Nico­las Sarkozy joue sur l’ambiguïté de ce terme pour met­tre sur un même plan des choses très dif­férentes, ne prou­vant absol­u­ment rien.

Nico­las Sarkozy dans l’émis­sion C à vous la semaine dernière. © Cap­ture d’écran France 5

«Dans 30 ans, l’Eu­rope aura 450 mil­lions d’habi­tants, l’Afrique ? 2,5 mil­liards !». La logique est encore plus fal­lac­i­euse ici, puisque Nico­las Sarkozy con­voque le futur pour expli­quer le réchauf­fe­ment cli­ma­tique actuel.

«Le Nige­ria aura plus d’habi­tants que les États-Unis». À eux seuls, les États-Unis sont respon­s­ables de 20% du réchauf­fe­ment his­torique, a cal­culé le média spé­cial­isé Car­bon brief. L’Afrique entière : entre 3 et 7%, selon les sources. Autre chiffre : avec plus de 21 tonnes de CO2-équiv­a­lent émis­es par per­son­ne et par an, un·e Américain·e a le même impact sur le cli­mat que… 42 Nigérian·es (500kg par an).

Les habitant·es de la plu­part des pays d’Afrique, et surtout ceux qui con­nais­sent la plus forte crois­sance démo­graphique, émet­tent des dizaines voire, des cen­taines de fois moins de CO2 que ceux des pays les plus rich­es.

«J’ai fait le Grenelle de l’en­vi­ron­nement, donc les com­bats envi­ron­nemen­taux sont essen­tiels» pour moi. Défense de rire face à ce piètre argu­ment d’autorité ; le Grenelle, c’é­tait il y a 15 ans, 3 ans avant que Nico­las Sarkozy ne dise que «l’en­vi­ron­nement, ça com­mence à bien faire».

«Quand vous avez 1,5 mil­liard d’habi­tants en Inde et 1,4 mil­liard en Chine…». Aujourd’hui encore, les habitant·es des pays occi­den­taux ont un impact large­ment supérieur à ceux des autres humains.

«Quand vous avez 1,5 mil­liard d’habi­tants en Inde et 1,4 mil­liard en Chine…» a ajouté Nico­las Sarkoy. Aujourd’hui encore, les habitant·es des pays occi­den­taux ont un impact large­ment supérieur à ceux des autres humains. © Vert, à par­tir des don­nées du World inequal­i­ty lab

«Je con­teste l’ap­pel­la­tion dérégu­la­tion du cli­mat, car le cli­mat a tou­jours été dérégulé». Hélas, notre expert auto­proclamé ne sait même pas dire «dérè­gle­ment cli­ma­tique»

«Com­bi­en de mil­liards d’habi­tants peu­vent habiter paci­fique­ment sur la planète sans nuire aux équili­bres envi­ron­nemen­taux ?». Si tout le monde vivant comme des Français·e, il faudrait 2,9 planètes, selon le WWF.

Si la crois­sance de la pop­u­la­tion mon­di­ale, qui devrait se sta­bilis­er autour de 10 mil­liards d’humains vers 2050, est source de nom­breux défis, la crise cli­ma­tique est avant tout une crise du mode de vie des occi­den­taux. Brandir la men­ace d’une explo­sion démo­graphique des pays pau­vres en sur­fant sur des peurs racistes, quand ceux-ci n’ont qu’une respon­s­abil­ité mineure, c’est s’opposer à leur développe­ment et retarder l’action urgente pour réduire le lourd impact des pays rich­es.

La planète peut-elle sup­port­er huit mil­liards d’êtres humains ? Relisez notre décryptage de ce sujet inflam­ma­ble.