Dans le nouvel amphithéâtre de l’École des Mines, en bordure du jardin du Luxembourg à Paris, Pascal Canfin (Renaissance), Jean-Marc Germain (Parti socialiste, Place publique), Flora Ghebali (les Écologistes), Marina Mesure (La France insoumise) et Stéphane Piednoir (Les Républicains) étaient invités à débattre, mercredi 22 mai. Le représentant des Républicains, «retenu dans sa circonscription», n’a finalement pas pu se joindre aux discussions.
L’Institut Rousseau, Vert et Alternatives économiques avaient fait le choix de ne pas convier les partis d’extrême droite, jugeant impossible d’offrir, sans contradictoire, une tribune à des partis xénophobes.
Objectif de cette soirée qui a fait salle comble : parler climat et transition écologique au travers de cinq thèmes majeurs – les transports, le bâtiment, l’agriculture, le commerce international et le financement de la transition. Vert vous résume les principales propositions énoncées par les candidat·es au cours de cette soirée, animée par les journalistes Anne-Claire Poirier, de Vert, et Matthieu Jublin, d’Alternatives économiques, et essaimée des propositions de l’Institut Rousseau.

Le «pass rail» pour les jeunes fait l’unanimité
Sur la question des transports – secteur représentant plus de 20% des émissions de GES de l’Union européenne –, le projet d’un pass rail pour les jeunes semble faire l’unanimité. Ce ticket d’une cinquantaine d’euros à l’année, déjà mis en place en Allemagne, permettrait un usage illimité et facilité du train sur tout le Vieux Continent. «Ce ticket climat pour tous les jeunes va permettre une véritable émancipation, un peu comme le programme Erasmus», s’enthousiasme Flora Ghebali (Les Écologistes).
Si tous et toutes insistent sur la nécessité de développer au maximum le transport ferroviaire, pour moins de trafic routier et aérien, Pascal Canfin (Renaissance) rappelle que la décarbonation de la route reste la priorité : «On est tous d’accord sur le pass rail, mais les efforts doivent d’abord porter sur la décarbonation de la route, qui est la source principale des émissions liées au transport».
Le logement écolo, une question de dignité et de gros sous
Sur la question du bâtiment et de l’immense chantier de la rénovation énergétique, les candidates de La France insoumise et des Écologistes soulignent de concert qu’au-delà des débats techniques, le logement est aussi et d’abord une question de dignité.
«Pour ce qui concerne la France, un ménage sur 10 vit dans une passoire thermique, alors que notre pays est la 7e puissance économique mondiale», rappelle Marina Mesure (LFI). «Rénover, c’est permettre de créer plus de 100 000 emplois dans le pays», complète Flora Ghebali (Les Écologistes).
Pour rénover, il va falloir beaucoup d’argent, les candidat·es le martèlent. Mais qui va payer ? Pour Pascal Canfin (Renaissance), il faut trouver de nouveaux modèles de financement, car «on ne peut pas juste dire : “il faut plus d’argent public”». Une sortie qui ne manque pas de faire réagir Jean-Marc Germain (Parti socialiste, Place publique) : «Comme le montrent les données de l’Institut Rousseau, pour faire face à l’urgence de la rénovation, il va falloir bien au contraire de l’argent public».

Dans sa récente étude Road to net zero, l’Institut Rousseau indique que la transition écologique va réclamer 360 milliards d’euros d’investissements supplémentaires au niveau européen chaque année, dont les deux tiers devraient être financés par de l’argent public.
Une politique agricole commune vraiment pas assez verte
Sur la question agricole européenne, le constat des candidat·es est clair : la politique agricole commune (PAC), qui représente le premier budget de l’Union européenne (notre article), est loin d’être assez verte pour faire face aux périls du réchauffement climatique et de l’effondrement de la biodiversité.
«Il est tout à fait possible d’avoir une PAC agroécologique, mais il faut de la formation, de l’accompagnement, plaide Jean-Marc Germain (Parti socialiste, Place publique). Pour cela, il faut aussi que les aides agricoles européennes reposent sur la main-d’œuvre et pas sur la surface des exploitations».
Aider les petit·es face aux géants de l’agrobusiness, soutenir les agriculteur·ices bio et leur assurer un revenu décent, voilà l’autre priorité que devrait se donner l’Europe selon Flora Ghebali (les Écologistes) : «Les agriculteurs doivent devenir les premiers écologistes en produisant des fibres, de l’énergie».

«On est à un point de bascule à cause du réchauffement et beaucoup d’agriculteurs vivent sous le seuil de pauvreté, déplore Marina Mesure (LFI). Il faut arrêter d’être en concurrence avec le reste du monde et mettre fin aux accords de libre-échange».
Pour Pascal Canfin (Renaissance), c’est aussi le traitement de faveur réservé aux mastodontes de l’agroalimentaire qui doit prendre fin pour faire évoluer la PAC : «L’industrie agro-alimentaire doit être mise à contribution dans les objectifs de réduction des émissions».
Et le protectionnisme redevint cool
Face aux mesures de protection économique renforcées en Chine et aux États-Unis, «l’Union européenne ne serait-elle pas devenue l’idiote utile de la mondialisation ?», se demande Flora Ghebali (les Écologistes). «Il est temps d’assumer un protectionnisme écologique européen, avance Jean-Marc Germain (Parti socialiste, Place publique), et de promouvoir le “juste échange”, en produisant en Europe et en renforçant les clauses miroirs». Ces clauses désignent le fait d’imposer aux pays qui veulent importer leurs produits en Europe les mêmes règles et normes qui s’appliquent aux producteurs européens.

Pour Marina Mesure (LFI), la sortie des accords de libre-échange s’impose pour permettre une réindustrialisation de l’Europe. «Ce tropisme anti-commerce en France interroge, réagit Pascal Canfin (Renaissance). Nous assumons d’avoir signé certains accords de libre-échange, comme celui avec le Chili sur le lithium pour permettre de fabriquer des batteries électriques, et pas d’autres, comme le Mercosur».
Qui va payer la facture ?
Pour financer les chantiers pharaoniques de la transition écologique au niveau européen, l’argent est mobilisable de différentes manières par les États-membres. En piochant dans les réserves, en réallouant les dépenses, en augmentant les recettes (taxes, impôts) ou en empruntant.
Alors que le coût de l’inaction revient quatre à six fois plus cher, comment comptent s’y prendre les candidat·es ?

«Allons chercher l’argent dans les poches de ceux qui en ont le plus» : c’est le cap, traditionnel à gauche, que propose Marina Mesure (LFI), avec la création d’un impôt vert sur les grandes fortunes au niveau européen.
Une proposition partagée par Flora Ghebali (les Écologistes), et Jean-Marc Germain (Parti socialiste, Place publique) qui sort les gros chiffres : «Il va falloir collecter 10 000 milliards d’euros pour la conversion écologique, et cela doit se faire via l’impôt et non pas via l’emprunt, comme le propose Renaissance ! Il ne faut pas faire reposer ce coût sur les générations futures en empruntant.» Visé, Pascal Canfin (Renaissance) plaide pour ne pas opposer argent public et privé – «Il nous faut les deux !».
Autre constat partagé par les candidat·es : la nécessité de faire évoluer les règles budgétaires européennes, qui limitent notamment le déficit public à 3% du PIB – «véritable carcan» selon Jean-Marc Germain (Parti socialiste, Place publique), «obsolètes» pour Marina Mesure (LFI) – pour assurer un financement de la transition.
Pour retrouver tous les échanges entre les candidat·es et visionner l’intégralité de ce riche débat, rendez-vous sur YouTube.
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