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Au Bangladesh, une grève historique chez les ouvriers du textile

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Dur à coudre. Des mil­liers d’ouvrier·es du tex­tile du Bangladesh sont en grève pour exiger un triple­ment de leur salaire et de meilleures con­di­tions de tra­vail.

Il y a une semaine, de vio­lents affron­te­ments ont éclaté aux qua­tre coins du pays, où des ouvrier·es du tex­tile ont entamé une grève, qui a entraîné la fer­me­ture de cen­taines d’usines. Same­di 4 novem­bre, dans la ville indus­trielle d’Ashu­lia située à l’ouest de la cap­i­tale Dac­ca, des heurts ont eu lieu alors que 10 000 ouvrier·es ont ten­té d’empêcher leurs col­lègues de repren­dre leur poste, rap­porte France 24. Les usines à l’arrêt four­nissent notam­ment Gap, H&M, Zara, Lev­i’s, Pri­mark et bien d’autres.

Dans ce pays dont dépend l’industrie mon­di­ale de la mode, «les ouvri­ers ne sont payés que l’équivalent de 70€ par mois, explique à Vert Cather­ine Dau­ri­ac, jour­nal­iste et prési­dente de l’association Fash­ion Rev­o­lu­tion France. Tous subis­sent — et surtout les femmes -, du har­cèle­ment moral et physique sur une base de 16 heures de tra­vail quo­ti­di­en, avec une cadence de folie».

Des ouvri­ers du tex­tile récla­ment des salaires justes lors d’une man­i­fes­ta­tion le 31 octo­bre à Gazipur, à 50 kilo­mètres de Dac­ca, la cap­i­tale du Bangladesh. La veille, deux grévistes sont morts lors d’affrontements avec la police durant une man­i­fes­ta­tion sim­i­laire. © Anik Rah­man / Nur­Pho­to via AFP

Alors que leur pou­voir d’achat n’a jamais été aus­si bas en rai­son de l’inflation, les manifestant·es deman­dent une hausse de près de trois fois leur salaire actuel, soit 190 euros. Un «salaire vital» pour Cather­ine Dau­ri­ac, qui décrit un envi­ron­nement plus que ten­du, avec des ouvrier·es qui n’arrivent plus à sub­venir à leurs besoins, ou à ceux de leur famille.

Depuis l’effondrement de l’immense ate­lier de tex­tile du Rana plaza en 2013, qui avait fait plus de 1 100 morts, de nom­breuses con­tes­ta­tions pour de meilleures con­di­tions de tra­vail ont éclaté, sans grand suc­cès jusqu’ici.

Cette fois-ci, même si l’ampleur de l’engagement est inédite, la jour­nal­iste craint les réper­cus­sions. «Les patrons des usines sont mem­bres du gou­verne­ment, donc ça va être très com­pliqué. C’est une grève très poli­tique.» En octo­bre dernier, plus de 100 000 manifestant·es s’étaient déjà rassemblé·es dans la cap­i­tale, Dac­ca, pour réclamer la démis­sion de la pre­mière min­istre, Sheikh Hasi­na, quelques mois avant les élec­tions, prévues début 2024.

Deux­ième expor­ta­teur mon­di­al de vête­ments après la Chine, le Bangladesh emploie pas moins de qua­tre mil­lions de per­son­nes dans le tex­tile, répar­ties dans 3 500 usines. Le bas coût du tra­vail attire les entre­pris­es étrangères et encour­age le gou­verne­ment à main­tenir de mau­vais­es con­di­tions de tra­vail.

Pour Maj­douline Sbai, soci­o­logue spé­cial­isée en envi­ron­nement, «ces mobil­i­sa­tions sont une alerte pour les grandes mar­ques.» Selon elle, «la prise de con­science col­lec­tive de la vul­néra­bil­ité de l’approvisionnement amèn­era les patrons à se ques­tion­ner sur les lim­ites de leur méth­ode». Elle craint cepen­dant que les grandes mar­ques ne se détour­nent vers d’autres pays où le coût du tra­vail est très faible, comme l’Éthiopie.