Analyse

Après le Covid, pas d’exode urbain mais une « méga-périurbanisation »

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Sous les pavés, le béton. Une vaste enquête vient de met­tre fin à la fic­tion médi­a­tique selon laque­lle les Français·es auraient mas­sive­ment délais­sé le macadam pour se met­tre au vert après les con­fine­ments.

Décidé­ment, le monde d’après ressem­ble furieuse­ment à celui d’avant. Pilotée par la Plate­forme d’observation des pro­jets et straté­gies urbaines, l’enquête pluridis­ci­plinaire « Exode urbain : un mythe, des réal­ités », mon­tre que les grands pôles urbains comme Paris, Mar­seille, Lyon et les autres métrop­o­les régionales ont tou­jours autant la côte qu’avant la pandémie. Selon les pre­miers résul­tats dévoilés le 17 févri­er, 43% des ménages ayant changé de rési­dence prin­ci­pale au cours des 12 pre­miers mois de la crise san­i­taire se sont instal­lés dans les grandes villes de plus de 200 000 habitant·es. Notam­ment pour une rai­son sim­ple : virus ou pas, il est tou­jours plus facile de trou­ver en ville du tra­vail, des par­cours sco­laires stim­u­lants et quan­tité de ser­vices, notam­ment médi­caux.

Il est cepen­dant vrai que depuis la fin des con­fine­ments, les Français·es sont un peu plus enclin·es à quit­ter les plus grandes métrop­o­les. Celles et ceux qui les déser­tent ne s’installent pas au fin fond d’une cam­pagne reculée, mais plutôt dans des villes (un peu plus) petites, indiquent les chercheur·ses, qui ont épluché pen­dant deux ans les don­nées des plate­formes immo­bil­ières comme Lebon­coin et Sel­oger, ain­si que les con­trats de réex­pédi­tion souscrits auprès de La Poste. Au total, seuls 18 % des démé­nage­ments se font à des­ti­na­tion du rur­al con­tre 17 % pré-Covid. Pas de quoi donc annon­cer de grande «rup­ture» ter­ri­to­ri­ale.

Dans l’ensem­ble, les Français con­tin­u­ent de préfér­er les villes aux cam­pagnes

Le Covid a cepen­dant ampli­fié un phénomène à l’œuvre depuis 40 ans : celui de l’étalement urbain. De plus en plus de per­son­nes aupar­a­vant établies dans le cœur des métrop­o­les choi­sis­sent de démé­nag­er dans leurs loin­taines couronnes, notam­ment parce que le prix d’un pavil­lon avec piscine en proche ban­lieue est devenu inabor­d­able. Paris intra-muros décroit ain­si depuis plusieurs années, mais il n’est pas le seul. À l’aune de la crise san­i­taire, près de 14 % des résident·es des com­munes de plus de 200 000 habitant·es ont quit­té des cen­tres-villes cos­sus pour s’installer dans les périphéries très éloignées. On serait donc en train d’assister, écrivent les chercheur·ses, à une «méga-péri­ur­ban­i­sa­tion».

Out­re l’hypothèse d’un mou­ve­ment mas­sif de pop­u­la­tion vers les cam­pagnes, l’étude bat égale­ment en brèche l’idée selon laque­lle il exis­terait un pro­fil-type «d’exodeur». Con­traire­ment à ce que cer­tains médias auraient lais­sé enten­dre jusqu’ici, les indi­vidus qui ont choisi de se met­tre au vert ne sont pas tous des cadres parisiens quadragé­naires ayant emporté leur ordi­na­teur préféré dans un vieux corps de ferme.

L’étude met plutôt à jour une diver­sité de pro­fils, comme celui des retraité·es, dont certain·es retour­nent vivre dans leur cam­pagne natale après avoir passé l’essentiel de leur vie active en ville. Par­mi les néo-cam­pag­nards, on trou­ve aus­si des plus jeunes aux orig­ines rurales, forte­ment préoccupé·es par l’écologie. Après un pas­sage dans les grandes aggloméra­tions au début de leur car­rière, ces ménages diplômés choi­sis­sent de revenir s’installer à la cam­pagne, où ils allient télé­tra­vail et pro­jet de recon­ver­sion pro­fes­sion­nelle plus ou moins alter­natif, dans l’artisanat ou le maraîchage. Et puis il y a le pro­fil le moins médi­atisé : celui des mar­gin­aux, instal­lés dans des ter­ri­toires rel­a­tive­ment cachés, comme les val­lées cévenoles. Ayant quit­té les grandes métrop­o­les par­fois en rai­son de la dif­fi­culté d’accéder à un loge­ment et/ou un tra­vail, sou­vent sen­si­bles à la ques­tion de l’effondrement, ces dernier.es vivent désor­mais en camions, en your­tes ou dans des éco-hameaux. Bien que dif­fi­ciles à quan­ti­fi­er, leur nom­bre serait cepen­dant en aug­men­ta­tion depuis le con­fine­ment.