La guerre Total. Toujours actif en Russie malgré le retrait de la plupart des entreprises occidentales, le groupe pétrolier français TotalEnergies est de plus en plus sous pression pour faire ses valises.
Mardi, alors qu’il tenait une table ronde à la Sorbonne sur le thème – cocasse – de l’« Europe verte », le PDG de TotalEnergies, Patrick Pouyanné, a été pris à partie par le « collectif Ibiza », qui a diffusé l’hymne ukrainien en hommage aux victimes de la guerre (Le HuffPost). Le même jour, les ONG Greenpeace et Les Amis de la Terre ont publiquement menacé TotalEnergies de poursuites judiciaires.
Dans une lettre adressée à Patrick Pouyanné, les deux associations invoquent notamment une loi qui impose un « devoir de vigilance » aux multinationales quant aux violations des droits humains qui seraient commises dans le cadre de leurs activités, ou de celles de leurs filiales. La position de TotalEnergies est d’autant plus intenable que les concurrents de la major énergétique – BP, Shell, ExxonMobil, Equinor, ENI et d’autres – se sont retirés du pays après l’invasion de l’Ukraine le 24 février dernier.
Il est notamment reproché au géant français ses partenariats avec des sociétés russes et sa participation à plusieurs immenses projets pétro-gaziers dans l’Arctique. Parmi ceux-ci : Yamal LNG, lancé en 2017, et Arctic LNG 2, où l’extraction gazière doit commencer en 2023 (Vert). TotalEnergies y voit l’opportunité de commercer à la fois avec l’Europe et l’Asie, en profitant des passages créés par la fonte de la banquise arctique (Le Monde).
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Ces projets controversés sont menés avec l’un des principaux partenaires de TotalEnergies sur place : Novatek. Lui-même détenu en partie par le groupe français (19,4 %), ce producteur de gaz appartient également au groupe public russe Gazprom (9,9 %), et au milliardaire Guennadi Timtchenko (23,49 %). Proche de Vladimir Poutine, ce dernier fait partie de la liste officielle des personnes faisant l’objet de sanctions au sein de l’Union européenne pour leur proximité avec le Kremlin.

En continuant ces collaborations et en payant des impôts en Russie, TotalEnergies entretiendrait, d’après les ONG, « des relations d’affaires susceptibles d’alimenter l’acte d’agression de la Russie ». En clair, elle participerait à l’effort de guerre russe. Candidat écologiste à l’élection présidentielle, Yannick Jadot a officiellement appelé le groupe à quitter le pays. Le communiste Fabien Roussel a qualifié la multinationale de « profiteur de guerre » qui « gave ses actionnaires pendant que le prix à la pompe explose ». Jean-Luc Mélenchon (FI) estime pour sa part que le pétrolier n’a pas à se retirer de Russie (Le JDD). Pour l’heure, TotalEnergies fait profil bas et s’est simplement engagé, le 1er mars, à ne plus apporter de capital à de « nouveaux projets » sur place.
Du côté du gouvernement, le silence prévaut. Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, a estimé lundi 14 mars sur LCI que « Total n’est pas en contravention avec les sanctions décidées » sans exclure que « la situation change » à l’avenir. « Il n’y a pas de pression de leur part », s’était réjoui Patrick Pouyanné le 7 mars.