Reportage

À Toulouse, des milliers de personnes défilent à pied et à vélo contre l’A69 et pour «une autre voie»

Dimanche 21 avril, entre 1 600 et 7 000 personnes se sont réunies à Toulouse pour réclamer l’arrêt des travaux de l’autoroute A69. Une manifestation qui marque également l’arrivée du «Cycloretour», un convoi à bicyclette pour promouvoir les alternatives à ce projet.
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«C’est le Tour de France !». Dimanche 21 avril, peu après 14h, les pre­miers vélos fend­ent la foule com­pacte réu­nie sur les Ram­blas, le long des allées Jean Jau­rès à Toulouse (Haute-Garonne). Applaud­isse­ments, tapes dans le dos, cris… Par­tis de l’Union, en ban­lieue toulou­saine, env­i­ron 200 vélos ont ral­lié le cen­tre-ville en début d’après-midi pour grossir les rangs de la man­i­fes­ta­tion con­tre le pro­jet d’autoroute A69.

Sur les Ram­blas à Toulouse, des mil­liers de per­son­nes ont accueil­li le con­voi d’environ 200 vélos qui étaient par­tis un peu plus tôt de l’Union. © Justin Carrette/Vert

Cette dernière étape mar­quait la fin du «Cyclore­tour» : un évène­ment organ­isé par le col­lec­tif d’opposants La Voie est Libre, pour met­tre en avant des alter­na­tives à ce pro­jet d’autoroute. L’A69 doit reli­er Toulouse à Cas­tres pour «désen­claver le bassin Cas­tres-Maza­met», promet le con­ces­sion­naire Atosca, et risque d’artificialiser jusqu’à 360 hectares de ter­res.

Par­tis le 13 avril de Cas­tres (Tarn), une cinquan­taine de cyclistes ont par­cou­ru les 80 kilo­mètres qui les séparaient de Toulouse en qua­tre étapes. D’abord Saint-Ger­main-des-Prés (Tarn) pour un chantier par­tic­i­patif, puis le 16 avril à Loubens-Lauraguais (Haute-Garonne) sur la thé­ma­tique des usines à bitume, puis Ver­feil pour évo­quer l’alternative fer­rovi­aire et enfin l’Union pour un fes­ti­val autour des mobil­ités douces.

Un con­voi d’environ 200 cyclistes s’est élancé de l’Union vers 13h pour rejoin­dre le cen­tre-ville de Toulouse et la grande man­i­fes­ta­tion. © Justin Carrette/Vert

«Ce sont des citoyens et des artistes qui sont à l’origine de cet évène­ment. Le but, c’é­tait vrai­ment d’aller à la ren­con­tre du ter­ri­toire, en suiv­ant le tracé de l’autoroute, et de dis­cuter avec des habi­tants, partager des moments fes­tifs, et surtout incar­n­er vrai­ment le pro­jet “Une Autre Voie”». Il s’agit d’un pro­jet alter­natif à l’autoroute A69, pen­sé par l’urbaniste Karim Lahi­ani, qui vise à pro­pos­er des modes de trans­ports plus écologiques et mul­ti­modaux (notre arti­cle). Notam­ment avec la con­struc­tion d’une vélor­oute nationale, la mod­erni­sa­tion de la voie fer­rée ou encore l’aménagement de la route nationale exis­tante en lieu et place de l’A69. «On dit qu’on est des utopistes et des rêveurs, mais vous voyez bien qu’on peut con­crète­ment incar­n­er cette alter­na­tive», racon­te Stéphane.

Un pre­mier Cyclo­tour du même genre avait déjà eu lieu en 2023 entre Toulouse à Cas­tres. Cette fois-ci, les militant·es ont fait le tra­jet retour, en prenant un peu plus leur temps. «Ce qu’on veut, c’est vrai­ment nous détach­er de cette notion d’efficacité et de vitesse. Le con­ces­sion­naire Atosca nous promet quelques min­utes de gag­nées grâce à l’autoroute, mais à quel prix ? Des cen­taines d’hectares arti­fi­cial­isés, des arbres abat­tus et une pol­lu­tion énorme», pour­suit Stéphane, qui est aus­si artiste jon­gleur. Après leur arrivée sur les Ram­blas, en face de la Médiathèque José Caba­n­is, où une grande ban­de­role avait été déployée pour l’occasion, les cyclistes posent pied à terre pour rejoin­dre l’important cortège de man­i­fes­tants.

Par­mi la foule (1 600 manifestant·es selon la police, 7 000 selon les organ­isa­teurs), on compte bon nom­bre d’élu·es de la France insoumise — les député·es de Haute-Garonne Anne Stam­bach-Ter­renoir, Christophe Bex, François Pique­mal, la députée du Val-de-Marne Clé­mence Guet­té ou encore Karen Ero­di, députée insoumise du Tarn. «C’est impor­tant de se mobilis­er aujourd’hui, pour réaf­firmer qu’on ne veut pas de l’autoroute», lance cette dernière. «Il y a une com­mis­sion d’enquête par­lemen­taire sur l’A69 en ce moment, et on s’aperçoit qu’il y a encore beau­coup de zones d’ombre sur cette autoroute. Le tra­vail n’a pas été cor­recte­ment fait, notam­ment sur la recherche d’al­ter­na­tives avant de lancer les travaux», pour­suit Karen Ero­di, parée de son écharpe tri­col­ore.

Clé­mence Guet­té et plusieurs députés insoumis étaient présents à la man­i­fes­ta­tion der­rière une ban­de­role “Stop aux pro­jets inutiles”. © Justin Carrette/Vert

Accompagné·es par une fan­fare, les quelques mil­liers de manifestant·es défi­lent dans les rues ensoleil­lées de Toulouse jusqu’au Palais de Jus­tice. «C’est sym­bol­ique d’être ici, notam­ment pour rap­pel­er que plusieurs plaintes au pénal sont en cours con­tre les travaux de l’autoroute, mais qu’il y a égale­ment un recours au tri­bunal admin­is­tratif sur le fond du dossier, lance un mem­bre du Comité Toulou­sain con­tre l’A69 au micro. Ce pro­jet est illé­gal, et on con­tin­uera de le mon­tr­er !».

Un peu plus loin, Geof­frey, mem­bre du col­lec­tif La Voie est libre, avoue son «émo­tion de voir autant de diver­sité dans cette man­i­fes­ta­tion. On a plein de col­lec­tifs dif­férents, des enfants, des élus, des zadistes, ce pro­jet est vrai­ment emblé­ma­tique de ce qu’il est impératif d’abandonner dans notre société. Il y a telle­ment d’injustices autour de ce dossier, cela nous pousse à aller tou­jours plus loin dans notre engage­ment, et à soutenir tous les modes d’actions face à cette autoroute qu’ils veu­lent nous impos­er». Des appels à ren­forcer les lieux d’occupations sur le tracé sont égale­ment lancés au micro, «pour retarder les travaux au max­i­mum», et pour s’investir dans les comités de luttes locaux. De nom­breux ren­dez-vous sont déjà annon­cés pour la suite de la mobil­i­sa­tion, notam­ment le week-end du 8 et 9 juin pour un grand rassem­blent con­tre l’A69 à l’appel des Soulève­ments de la Terre.