Décryptage

Un projet alternatif à l’A69 entre Toulouse et Castres présenté à l’Assemblée nationale

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Porté par le collectif La voie est libre et soutenu par de nombreux scientifiques, un projet alternatif à l’autoroute A69, qui comprend une véloroute et la modification d’une voie ferrée, a été présenté lundi à l’Assemblée nationale. Décryptage.

«Désenclaver Castres» : tel est l’objectif affiché par les promoteurs de l’autoroute A69, qui doit relier cette sous-préfecture du Tarn à Toulouse (notre article). Et qui se heurte à une vive opposition de la part d’élu·es, de scientifiques et de militant·es, dont Thomas Brail qui a entamé, ce mardi, son 26ème jour de grève de la faim. C’est aussi le point de départ d’un projet alternatif baptisé «Une autre voie» (pdf), conçu comme un «plan de revitalisation du territoire» et présenté à l’Assemblée nationale ce lundi devant une poignée de parlementaires.

En repartant des 366 hectares de terres déjà expropriées, ce plan envisage de bâtir la première véloroute nationale – longue de 87 kilomètres -, de réhabiliter la route nationale 126 et de réaménager la liaison ferroviaire entre Toulouse et Mazamet en créant cinq arrêts supplémentaires. Sept grands équipements sont aussi prévus le long du tracé, comme une «cité du vélo» ou une «base aérienne et météorologique», qui sont imaginées comme des sociétés coopératives. Par ailleurs, des terres cultivées en agroécologie et la plantation de haies permettraient de préserver la biodiversité.

Capture d’écran du projet «Une autre voie» qui représente la véloroute nationale, la RN126 réaménagée et la voie ferrée Toulouse-Mazamet. © La voie est libre

«Ce projet veut questionner nos mobilités sur le territoire, notre rapport au temps et répondre aux enjeux du 21ème siècle», explique à Vert son auteur, le paysagiste et urbaniste tarnais Karim Lahiani, qui l’a piloté au sein du collectif La voie est libre. Sa démarche, qui se veut «pragmatique», s’attache à proposer «un nouvel imaginaire politique de nos choix de société».

Le document, long d’une quinzaine de pages et savamment illustré, a chiffré le coût des travaux à 100 millions d’euros (contre les 450 millions de l’autoroute) et envisagé les financements publics mobilisables, comme ceux du plan Vélo ou du plan France ruralités. À elle seule, la véloroute se monterait à 30 à 40 millions d’euros.

Un autre gros poste de dépenses serait l’aménagement des quais de gare pour le train. Les coûts de fonctionnement, eux, n’ont pas été intégrés aux calculs. «C’est le rôle des politiques publiques», soutient Karim Lahiani. Comme l’autoroute A69, son projet doit permettre de créer 1 000 emplois. Pour l’urbaniste, la question de la reprise des terres devrait être approfondie dans les prochains mois, notamment grâce au travail de l’économiste Geneviève Azam.

En haut, le projet d’autoroute ; en bas, le projet alternatif proposé par La voie est libre. © La voie est libre

Dans une lettre ouverte, un collectif de 200 scientifiques toulousain·es, dont deux auteurs du Giec, s’est félicité de ces «projets d’aménagement alternatifs enthousiasmants et à la hauteur de la bifurcation nécessaire pour nos sociétés face à l’urgence écologique».

«Nous sommes dans une accélération dont on n’arrive pas à sortir, estime Frédéric Héran, enseignant-chercheur en économie et urbanisme à l’université de Lille. Quand on va plus vite, on ne gagne pas forcément du temps, car on s’invente de nouveaux besoins».

Il regrette que ce projet alternatif – auquel il n’a pas participé – réhabilite la nationale 126, alors qu’«il faudrait ralentir». En revanche, «la véloroute est une bonne idée, car c’est une façon de faire place aux modes alternatifs à la voiture», dit-il.

Le chercheur suggère aussi de réfléchir à la place qui pourrait être donnée aux véhicules intermédiaires – ces hybrides entre vélos et voitures -, notamment aux voiturettes et autres bolides électriques dont la vitesse peut monter à 45 km/h et qui nécessitent des pistes cyclables «de quatre mètres de large minimum».

Le collectif La voie est libre poursuit la discussion avec tous·tes les acteur·ices au niveau local comme national et prévoit un grand rassemblement près de Toulouse les 21 et 22 octobre. Invité de France inter, mardi 26 septembre, le ministre des transports Clément Beaune a confié que «plusieurs projets» d’autoroute «pas encore lancés», «seront arrêtés», mais pas l’A69 dont il dit vouloir «réduire l’impact environnemental».