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À Rouen, un projet d’autoroute vieux de trente ans est rattrapé par l’urgence écologique

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Ini­tié dans les années 1990, le pro­jet autorouti­er de con­tourne­ment de la ville de Rouen est sur le point de se con­cré­tis­er. Les opposant·es se rassem­blent ce week-end pour deman­der son aban­don.

Ce n’est pas une, mais deux autoroutes que prévoit le pro­jet de con­tourne­ment Est de Rouen. L’A133 et l’A134 relieraient l’autoroute exis­tante entre Abbeville et Tours au nord, à celle entre Paris et Caen au sud, en ajoutant une branche pour rat­tach­er l’agglomération rouen­naise. Objec­tif : désen­gorg­er la cap­i­tale nor­mande et soutenir l’activité de son port — l’un des pre­miers pour l’exportation de céréales en Europe.

Face aux 41,5 kilo­mètres de deux fois deux voies envis­agés, de nom­bre d’habitant·es et d’élu·es locaux aler­tent sur les 516 hectares de ter­res naturelles, forestières et agri­coles men­acées. Depuis les années 2000, elles et ils ne dés­espèrent pas de faire annuler le pro­jet mal­gré le rejet de tous leurs recours déposés auprès du con­seil d’État. La remise en ques­tion des grands pro­jets autoroutiers ini­tiés par la mobil­i­sa­tion con­tre l’autoroute Toulouse-Cas­tres (notre reportage) leur donne enfin une lueur d’espoir.

Le tracé en jaune des deux pro­jets d’autoroutes et les échangeurs prévus sur le par­cours. © Liaisona28a13.com

Le dossier est sur la table de la première ministre

D’abord imag­iné pour pass­er à l’Ouest de l’agglomération, le pro­jet avait été reto­qué en 2005 en rai­son de ses con­séquences envi­ron­nemen­tales. En 2017, une ver­sion remaniée pas­sant par l’Est est finale­ment déclarée d’utilité publique. Le départe­ment de l’Eure et la métro­pole de Rouen se désen­ga­gent néan­moins du pro­jet.

Aujourd’hui, alors que le con­trat de con­ces­sion est sur le point d’être signé, le Con­seil d’orientation des infra­struc­tures (COI) — une instance con­sul­ta­tive placée auprès du min­istère des trans­ports -, sug­gère «au gou­verne­ment de revis­iter le pro­jet», notam­ment au vu «des impacts envi­ron­nemen­taux très impor­tants».

«C’est main­tenant qu’il faut arrêter ! Tant que le con­ces­sion­naire n’est pas nom­mé, l’État peut se désen­gager, ça ne lui coutera rien», s’époumone auprès de Vert Jan­ick Léger, maire de Léry (Eure). Si celui-ci se con­cré­tise, un via­duc bar­rera l’accès à la forêt de sa com­mune avec, à la clé, près de 50 000 tonnes de CO2-équiv­a­lent sup­plé­men­taires émis­es chaque année, qui ira de pair avec une pol­lu­tion sonore et une men­ace sur les ressources en eau.

Pour com­penser les ter­res per­dues et arti­fi­cial­isées, la Région et les acteurs économiques qui défend­ent le pro­jet met­tent en avant la réha­bil­i­ta­tion de frich­es, d’espaces agri­coles ou naturels. Dans un cour­ri­er adressé mer­cre­di à la pre­mière min­istre, la cham­bre de com­merce et d’in­dus­trie (CCI) de Rouen métro­pole demande de con­cré­tis­er le pro­jet «pour les entre­pris­es, pour la métro­pole, pour l’at­trac­tiv­ité et pour la for­ma­tion».

«Les projets du passé ne font plus triper personne»

«Ce pro­jet était peut-être très bon à l’époque où il a été fait mais, au regard des crises d’aujourd’hui, ce pro­gramme du passé ne fait plus triper per­son­ne», assure à Vert Jean Michel Bere­gov­oy, adjoint à la métro­pole de Rouen (EELV) qui a vu les sou­tiens au con­tourne­ment déclin­er pro­gres­sive­ment. Pour rassem­bler plus large­ment, les opposant·es au pro­jet se sont asso­ciés il y a plus d’un aux Soulève­ments de la terre — le col­lec­tif organ­isa­teur de la mobil­i­sa­tion con­tre les mégabassines à Sainte-Soline. «Pour l’instant tout est calme, mais on est bien tous en alliance pour défendre à terme la nature con­tre sa destruc­tion», prévient Guil­laume Gri­ma, ani­ma­teur du col­lec­tif «Non à l’au­toroute A133-A134». La pre­mière grande mobil­i­sa­tion organ­isée ce week-end aura valeur de test.