La Terre a perdu, l’an passé, 6,7 millions d’hectares de forêt primaire dans ses régions tropicales, selon une étude du World resources institute (WRI) avec l’université du Maryland publiée ce mercredi 21 mai. Cette surface équivaut à celle de l’Irlande et correspond à la perte… de 18 terrains de football chaque minute.
En hausse de 80% par rapport à l’année précédente, ce chiffre est le plus haut jamais enregistré depuis 20 ans. Pour la première fois, les incendies sont les premiers responsables de cette perte de couvert forestier, devant l’agriculture. Ils sont à l’origine de près de la moitié des destructions, contre 20% en moyenne les années précédentes.

Ce chiffre est «complètement inédit», a alerté Elizabeth Goldman, codirectrice de l’observatoire de référence Global forest watch, qui a prévenu qu’il s’agissait d’une «alerte rouge mondiale». Cela s’explique notamment par les multiples incendies en Amérique du Sud en 2024. D’après l’Institut national de recherches spatiales du Brésil, l’Amazonie brésilienne a été touchée par plus de 140 000 feux l’an passé.
Ils ont été provoqués à la fois par les activités humaines – des terres brûlées pour les défricher et faire place à l’agriculture – et par le dérèglement climatique. L’année 2024 a été la plus chaude jamais enregistrée dans le monde sous l’effet du changement du climat, causé par la combustion massive des énergies fossiles et par le phénomène naturel El Niño (notre décryptage). Les méga feux ont été favorisés par ces «conditions extrêmes» qui les ont rendus «plus intenses et difficiles à contrôler», notent les auteur·ices de l’étude.
De l’Indonésie au Congo, un bilan mondial mitigé
Le Brésil est le pays le plus concerné par ces destructions et a enregistré 2,8 millions d’hectares de pertes de forêts primaires en 2024. Le pays avait pourtant eu de bons résultats en 2023 – les forêts avaient bénéficié de mesures de protection décidées par le président Lula –, mais «ce progrès est toutefois menacé par l’expansion de l’agriculture», remarque Sarah Carter, chercheuse au WRI.

En Bolivie, pays voisin, l’étude fait état d’une multiplication par trois des surfaces détruites l’an dernier, là encore sous l’effet d’incendies géants. Ailleurs dans le monde, le bilan est mitigé, avec une amélioration en Indonésie ou en Malaisie, mais une nette dégradation au Congo ou en République démocratique du Congo.
Dans ces pays, la pression sur les forêts provient historiquement de l’exploitation de quatre produits, surnommés les big four : huile de palme, soja, bœuf et bois. Et les améliorations dans certains secteurs – comme celui de l’huile de palme – a coïncidé avec l’émergence de nouveaux problèmes de déforestation, liés aux cultures d’avocats au Mexique, ou de café et de cacao. Les causes de la déforestation ne resteront pas forcément «toujours les mêmes», insiste Rod Taylor, directeur du programme forêts du WRI. Il met en garde : «On assiste aussi à un nouveau phénomène en lien avec l’industrie minière et les métaux critiques.»
En 2024, les destructions de forêts ont entraîné des émissions équivalentes à 3,1 milliards de tonnes de CO2 dans l’atmosphère, soit un peu plus que les émissions liées à l’énergie en Inde.
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