La quotidienne

Palais brouillon

Chères toutes et tous,

La nouvelle Assemblée nationale a été élue hier soir à l'issue d'une longue séquence électorale. Vert s'engage à chroniquer avec rigueur et détermination la prochaine mandature pour vous raconter, chaque jour, l'actualité de l'écologie.


Les électeurs viennent de rendre leur copie : en matière d'écologie, les nouveaux députés feront-ils mieux ou pis ?


Quelle Assemblée nationale en ce mandat décisif pour le climat ?

Palais brouillon. Abstention massive, entrée en force de l’extrême droite à l’Assemblée, défaite de la ministre de l’écologie et élection de député·es écologistes ; alors que la récente vague de chaleur a rappelé l’urgence absolue à agir pour le climat, les raisons de se réjouir du résultat des législatives sont peu nombreuses. Mais elles existent.

Tout un symbole. Dans l’Essonne, plutôt que de faire campagne sur son ambition pour le climat et le vivant, la toute nouvelle ministre de l’écologie Amélie de Montchalin aura préféré taper de toutes ses forces sur son adversaire de la Nouvelle union populaire, écologique et sociale (Nupes), le socialiste Jérôme Guedj, dont elle a accusé le camp d’être peuplé d’« anarchistes d’extrême gauche ». Résultat : une lourde défaite personnelle - elle devra rendre son maroquin - et un avilissement du débat politique.

Refus de mener une véritable campagne, renvoi dos à dos de l’extrême droite et du bloc des gauches, destruction du front républicain - dans la quasi-totalité des duels entre Rassemblement national (RN) et Nupes, les candidat·es macronistes d’Ensemble battu·es au premier tour ont refusé d’appeler à voter contre l’extrême droite  au second… Le camp du président aura largement participé à sa propre défaite, alors qu’Ensemble ne recueille qu’une majorité relative (avec 247 sièges sur 577). Mais aussi au résultat historique d’un RN ainsi banalisé (89 député·es), une force politique qui constitue un adversaire acharné de l’écologie (Vert). Ainsi qu’à une abstention à un niveau inédit pour un tel scrutin (53,8%).

Selon le directeur d'Ipsos Brice Teinturier, le front républicain a disparu : 72% des électeur·rices d’Ensemble ont préféré s’abstenir en cas de duel RN-Nupes.

Pour pouvoir gouverner, Ensemble devra compter sur l’appoint des voix des Républicains, qui vendront chèrement leur peau. Au vu des thématiques très classiques de la droite conservatrice portées depuis des semaines, il paraît illusoire d’espérer de grands textes de loi ambitieux sur l’écologie avec pareil attelage. Le rapport de force très défavorable à la République en marche (LREM) conditionnera la composition du nouveau gouvernement. Celui-ci est déjà délesté d’Amélie de Montchalin, mais aussi de Justine Bénin, éphémère secrétaire d’État à la mer, toutes deux battues hier soir. 

Quid d’Élisabeth Borne ? Première ministre en charge de la planification écologique, elle n’a battu son adversaire (Nupes) Noé Gauchard, candidat de 22 ans et ancien militant de Youth for climate, que de 2 202 voix. Sa si courte victoire, sa responsabilité dans la défaite de son camp et la nouvelle composition politique de l’Assemblée paraissent la condamner à l’exil de Matignon. 

Ce second tour aura aussi vu la défaite de député·es macronistes engagé·es en faveur du climat, comme l’Isérois Jean-Charles Colas-Roy ou le Val-de-Marnais Laurent Saint-Martin. Certaines figures écologistes ont, quant à elles, conservé ou conquis leur strapontin, comme le secrétaire national d’Europe Écologie - les Verts Julien Bayou, la secrétaire nationale adjointe, la Strasbourgeoise Sandra Regol, ou Delphine Batho, coordinatrice nationale de Génération écologie. Enfin, deux personnalités issues du mouvement pour le climat - Alma Dufour (son portrait) et Marie Pochon, font leur entrée au palais Bourbon. 

· Dimanche, le conseil d’administration de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) a déclaré que Matthieu Orphelin deviendrait son directeur général. L’ex-député du Maine-et-Loire, qui s’est réjoui de réaliser « un rêve de gosse », prendra ses nouvelles fonctions début novembre 2022, succédant à Yves Verilhac, en poste depuis neuf ans. - Le Courrier de l’Ouest

· Dimanche encore, le gouvernement allemand a indiqué que le pays serait contraint de recourir de manière accrue au charbon pour sécuriser son approvisionnement en énergie. Le ministre de l’économie et vice-chancelier Robert Habeck a fait savoir qu’il s’agissait d’un recours « provisoire face à l’aggravation de la situation sur le marché gazier », après que le géant du gaz russe Gazprom a annoncé la semaine dernière une réduction de 60% de ses exportations vers Allemagne. 35% des besoins en gaz de l’Allemagne sont actuellement couverts par la Russie. Le gouvernement s’était engagé à sortir définitivement du charbon dès 2030. - Libération (abonné·es)

· Ce weekend, la consommation d’eau du robinet a été interdite à 25 000 habitant·es du nord de Châteauroux (Indre), en raison d’une contamination par la bactérie Escherichia coli. En cause, d’après le maire de la ville Gil Avérous : « un dysfonctionnement du système de diffusion du chlore dans l’eau [qui] s’est arrêté en début de semaine ». Dimanche soir, la métropole a annoncé un retour à la normale sur l’ensemble du réseau de distribution. - Le Monde (AFP)

Cliquez sur l'image pour accéder au tweet du météorologue écossais Scott Duncan © Scott Duncan

C’était chaud. À l’image d’une bonne partie de la France, la ville de Biarritz (Pyrénées-Atlantiques) a été en proie à des températures inédites samedi 18 juin, au plus chaud de l’épisode caniculaire qui touche le pays depuis le milieu de la semaine dernière. Comme le montre cette illustration du météorologue écossais Scott Duncan, la ville a pulvérisé son ancien record absolu - tous mois confondus - alors que le mercure y a atteint 42,9°C. Dans cette ville du sud de la France, les 40°C n’avaient jamais été dépassés au cours d’un mois de juin. D’autres villes ont également battu leur record absolu, comme Rochefort (Charente-Maritime), avec 40,6°C, ou Tarbes (Hautes-Pyrénées) avec 39,2°C, outrepassant les précédents maximas atteints durant la canicule de l’été 2003. Comme l’a indiqué Météo-France, cet épisode est d’une précocité et d’une intensité sans précédent ; un type de phénomène rendu beaucoup plus probable par le dérèglement climatique provoqué par l’activité humaine.

Francia Marquez, activiste écologiste mondialement reconnue, devient vice-présidente de la Colombie

À l’issue d’un scrutin historique, les Colombien·nes ont élu pour la première fois à la tête du pays un président de gauche, Gustavo Petro, et une vice-présidente noire, féministe et activiste écologiste mondialement reconnue, Francia Marquez.

« Le gouvernement [...] sera celui de la vie, de la paix, de la justice sociale et de la justice environnementale », a promis Gustavo Petro. Cet ancien militant du mouvement de guérilla urbaine M-19, économiste, ex-maire de Bogota et sénateur socialiste a remporté l’élection présidentielle de ce dimanche. 

Ce scrutin a aussi porté sur le devant de la scène Francia Marquez, colistière du candidat de gauche et désormais nouvelle vice-présidente colombienne. Cette avocate de 40 ans, militante écologiste, féministe et issue d’un milieu modeste, a joué un rôle clé dans la campagne de Gustavo Petro et mobilisé un électorat plutôt abstentionniste. Francia Marquez est engagée depuis l’âge de 15 ans dans la lutte contre les multinationales et la défense des droits des communautés afro-colombiennes.

Francia Marquez en 2019 © Groupe de la gauche au Parlement européen

En 2014, elle se fait connaître à l’international en organisant la « marche des turbans », lors de laquelle quelque 80 femmes avaient marché 500 kilomètres pour protester contre les exploitations minières illégales qui polluent les rivières et menacent les communautés locales. En 2018, elle reçoit le célèbre prix Goldman pour l’environnement, sorte de « Nobel de l’écologie », en récompense de son combat acharné pour la préservation des terres colombiennes.

Le duo Petro-Marquez a fait campagne sur le thème de la lutte contre les inégalités, mais aussi contre le dérèglement climatique. Elle et il ont été élu·es sur un programme écologique ambitieux, qui comprend notamment la fin de toute nouvelle exploration pétrolière et de l’extraction de charbon (Le Monde). Pour rappel, la Colombie est encore très dépendante de l’industrie pétrolière, qui représente environ 12 % de ses revenus.

Gustavo Petro et Francia Marquez devront cependant collaborer avec un parlement au sein duquel leur camp n’est pas en position de force. Ce qui ne manquera pas de ralentir la transition écologique promise par le duo gagnant.

Vert, invité de l’Instant M de France inter

Instant qu'il fait. Bon nombre de médias ont choisi d’illustrer la vague de chaleur inédite qui touche la France depuis plusieurs jours avec des images d’enfants qui jouent dans l’eau ou de Français·es qui déambulent dans des parcs. Un traitement médiatique que dénoncent de plus en plus d’expert·es du climat et des journalistes spécialisé·es, dont Loup Espargilière, rédacteur en chef de Vert invité dans l’Instant M vendredi dernier. « Les images de gens qui ont l'air de s'amuser pour illustrer des vagues de chaleur, ça crée une dissonance et ça retarde l'action nécessaire, puisque ça donne l'impression que la crise n'est pas si grave », a-t-il rappelé au micro de Sonia Devillers. Vert a d’ailleurs décrypté ce sujet il y a quelques jours, une analyse à lire ici.

© France inter

+ Loup Espargilière, Juliette Quef et Anna Sardin ont contribué à ce numéro.