Hier, on vous a demandé de nous envoyer vos meilleurs slogans pour la grande marche « Look up » pour le climat de ce samedi. Non pas que nous manquions d'inspiration, mais nous voulions prendre la température. On vous confirme que le mouvement climat est déjà très chaud.
« Vite ! Ça sent le gaz », « Votre planète, bleue ou bien cuite ? », « Qui sème du béton aura bientôt la dalle » : on a bien compris que vous aviez faim de changement ! Par ailleurs, en toute subjectivité, on a beaucoup apprécié certains de vos jeux de mots – «Echec ou (Cli)Mat» ou « La Terre, y en a pas deux ».
Histoire de vous chauffer encore un peu plus, on vous donne rendez-vous en ligne ce soir à 18h30 pour un décryptage du dernier rapport du Giec organisé par le moteur de recherche Lilo avec notre rédacteur en chef, Loup Espargilière. À regarder sur Youtube à cette adresse.
Il est temps de regarder en l'air pour mieux protéger l'atmosphère
Une filiale d'Engie relâche volontairement des millions de mètres cubes de gaz dans l'atmosphère
Ça dégaze. Storengy, filiale d'Engie qui stocke du gaz en France, rejette volontairement du méthane dans l'atmosphère pour gagner du temps lors d'opérations de maintenance, alors que celui-ci pourrait être récupéré. Une aberration écologique et économique.
Jusqu'à 2 500 000 de mètres cubes de gaz sont relâchés dans l'atmosphère chaque année lors des « mises à l'évent » réalisées par Storengy, révèle une enquête de RMC. Une vidéo tournée sur l'un des dix sites de Storengy montre l'un de ces immenses panaches de gaz propulsés dans l'atmosphère dans un bruit assourdissant. L'enquête repose aussi sur les témoignages de plusieurs salarié·es et ancien·nes salarié·es.
Ces « mises à l'évent » sont pratiquées régulièrement pour des raisons de sécurité, afin d'empêcher des explosions. Parfois, elles sont aussi simplement réalisées pour gagner du temps lors d'opérations de maintenance, alors que le gaz pourrait être récupéré. Storengy est donc guidé par des raisons économiques. « C'est des milliers et des milliers de mètres cubes qui partent aux petits oiseaux. La consommation d'un village en hiver est gaspillée en un seul torchage [qui consiste à faire brûler le gaz libéré, NDLR], témoigne un ancien salarié. J'étais intervenu auprès de la direction, mais on nous répondait "non, on gagne du temps et le temps c'est de l'argent" ».
Ce gaz, c’est du méthane (CH4), qui a une capacité de réchauffement jusqu'à 80 fois plus puissante que le dioxyde de carbone (CO2) dans les vingt premières années passées dans l’atmosphère. Un arrêté impose pourtant aux entreprises de prendre toutes leurs dispositions pour limiter ce type de purges. Mais en l'absence de sanctions, la pratique perdure chez tous les industriels du gaz. « On n'est pas du tout dans l'accidentel », confirme Thomas Lauvaux, chercheur au Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement, qui a récemment participé à une étude sur le sujet.
Publiée début février, celle-ci a répertorié 1 800 fuites de méthane survenues à travers le monde entre 2019 et 2020, provoquées pour la plupart d'entre elles par l'industrie du pétrole et du gaz (Vert). Ces fuites relâchent environ huit millions de tonnes de méthane par an, soit l’équivalent « de l’influence totale de toutes les émissions de l’Australie ou des Pays-Bas depuis 2005, ou au retrait des routes de 20 millions de véhicules pendant un an », avaient noté les scientifiques. Des pratiques d’autant plus difficilement tolérables à l'heure où les prix du gaz s'envolent et où le gouvernement demande aux Français·es de faire des économies d'énergie.
· Mercredi, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a annoncé que le site nucléaire de Tchernobyl, en Ukraine, avait été complètement déconnecté du réseau électrique en raison d’actions militaires russes. Son directeur général a dénoncé une « violation » de l’un des piliers fondamentaux de la sûreté nucléaire. Mais il a affirmé que cette coupure n’avait pas « d’impact majeur » à ce stade, les combustibles usés ayant déjà eu plusieurs décennies pour refroidir depuis la catastrophe nucléaire de 1986. L'état actuel de la piscine où ils sont entreposés devrait permettre de continuer d'assurer leur refroidissement sans électricité. - Le Monde
· Mercredi encore, l'Indonésie, plus gros producteur au monde d'huile de palme, a annoncé de nouvelles restrictions sur ses exportations pour rediriger ses stocks d'huile végétale vers son marché intérieur. La hausse des prix mondiaux de cette denrée depuis l'automne a poussé les producteurs indonésiens à exporter en grande partie cette huile, provoquant des pénuries et des tensions sociales dans le pays. Une première limitation des exportations avait déjà eu lieu en janvier - Le Figaro
· Mercredi toujours, une étude publiée dans la revue American chemical society a montré que la pratique discriminatoire du « redlining » aux États-Unis avait conduit à des inégalités environnementales. À partir des années 1930 et pendant plusieurs décennies, les États-Unis ont délimité des zones dans lesquelles les banques devaient éviter d'investir, là où vivaient principalement des Afro-Américains et d'autres minorités. Cette pratique a conduit à un développement urbain qui a accru la pollution de l'air dans ces zones, où les habitants respirent aujourd'hui jusqu'à 56 % de dioxyde d'azote de plus que ceux des zones les mieux notées. - The Guardian (anglais)
La rénovation thermique des logements : un chantier nécessaire pour le climat, la justice sociale et contre le gaz russe
Ravalement de façade. La guerre en Ukraine nous contraint à réduire notre consommation d’énergie pour tourner le dos aux hydrocarbures russes. Pour cela, il existe un remède, qui sert à la fois le climat, l’emploi et la justice sociale : la rénovation thermique du parc immobilier. Hélas, la France est très en retard sur ce chantier. On rénove 33 000 logements par an pour leur faire atteindre la norme bâtiment basse-consommation. Or, pour atteindre la neutralité carbone en 2050 (à cette date, le pays ne devra plus émettre davantage que ce qu’il ne peut stocker, notamment grâce aux arbres), il faudrait effectuer 700 000 à 800 000 rénovations complètes par an.
Les quelque cinq millions de « passoires thermiques » sont un gouffre financier pour les ménages en même temps qu’une source de gaspillage, notamment de gaz et de fioul; la moitié des 37 millions de logements français sont toujours chauffés par des énergies fossiles. On décortique tous les enjeux de ce vaste chantier dans notre analyse à lire sur le site de Vert.
Marcher pour le climat et la justice sociale
Finis les plans sur la comète. Plus de 450 organisations invitent les citoyen·nes à rejoindre des marches partout en France ce samedi. Baptisé « Look Up » en référence au film Don't look up, l'événement veut mettre le climat et la justice sociale au cœur des débats pour la présidentielle.
Sorti fin décembre sur Netflix, le film Don't look up dressait un parallèle entre l'inaction face à l'arrivée d'une météorite sur Terre et celle liée à la crise climatique. Une fiction qui a inspiré les organisations engagées sur les questions de climat et de justice sociale (Vert). 450 d'entre elles appellent à des marches « Look Up » ce samedi à travers le pays, pour mettre un terme à la politique de l'autruche. « Au lieu de regarder la vérité en face et de prendre leurs responsabilités, les dirigeants politiques et les multinationales détournent délibérément le regard, voire sabotent tout espoir d’un avenir juste et soutenable », décrit ainsi l'appel unitaire à la marche.
Malgré les alertes répétées des scientifiques du Giec, l'écologie est toujours désespérément absente du débat présidentiel.« On parle très peu de climat alors que ça fait partie des préoccupations principales des Français·es. L'idée de ces marches, c'est qu'on entende nos voix pour influencer les débats alors que se profilent les élections », explique à Vert Mary Chevalier, chargée des relations presse pour les organisations Alternatiba et ANV-COP21, co-organisatrices de l'événement.
En mars 2019, les ONG avaient rassemblé des centaines de milliers de personnes dans 200 villes françaises dans le cadre de leur « marche du siècle» (Le Monde). Depuis, la pandémie a mis un coup d'arrêt à ces grandes mobilisations. Marcher pour interpeller les politiques et les médias, est-ce que cela fonctionne ? « C'est une action parmi d'autres. Mais c'est un moyen de rassemblement fort et qui fait partie du répertoire collectif de mobilisation. Cela peut permettre de faire venir des gens qui ne participeraient pas forcément à des actions de désobéissance civile », répond Mary Chevalier. Ces marches permettent aussi de fédérer les acteurs de la société civile et de « rendre visible des actions moins connues avec lesquelles il y a des ponts entre nos revendications ». La militante mentionne par exemple les initiatives Territoires zéro chômeur et Pas sans nous, qui défend les quartiers populaires.
Le réalisateur du film Don't look up, Adam McKay, s'est lui-même réjoui de l'organisation de ces marches, qu'il espère « pacifiquement tonitruantes » (peacefully loud as hell). Quelle que soit la météo du jour, tout le monde est invité à prendre part à ces événements, recensés sur cette page.
Faut-il arrêter de faire des enfants pour sauver la planète ?
Face à la crise écologique, beaucoup de personnes en âge de procréer interrogent leur souhait d'avoir des enfants, comme l'ingénieur et auteur Emmanuel Pont, qui a publié un livre sur le sujet en février. Au micro du podcast Basilic, ce dernier revient sur l'enquête scientifique qu'il a menée pour mieux comprendre l'évolution de la démographie, son poids sur l'environnement et les différents raisonnements éthiques ou raccourcis qui l'accompagnent et clivent le débat. Il raconte la nécessité de s'extraire d'une vision trop arithmétique et propose une approche apaisée de ce sujet qui mêle le politique à l'intime.
+ Loup Espargilière, Anne-Sophie Novel et Juliette Quef ont contribué à ce numéro