Chères toutes et chers tous,
🤔 Quelles sont les questions sur l'écologie qui vous taraudent en ce moment ? Dites-nous tout en répondant simplement à ce mail ! Demain, nous vous proposerons de choisir entre deux des questions posées par nos lectrices et lecteurs, et nous répondrons la semaine prochaine à celle que vous aurez retenue.
Pour que l’agroécologie décolle, peut-être faudrait-il lui laisser une place à l’école ?
Dans les lycées agricoles, une transition écologique semée d’embûches
Classes vertes ? Depuis 2014, l’enseignement agricole est censé avoir pris le virage de l’agroécologie. Dans la pratique, l’impulsion dépend fortement de la volonté des enseignant·es, des réticences de certain·es élèves et, parfois, de la pression des agriculteur·ices du coin.
Première spécificité de l’enseignement agricole : il est sous la tutelle non pas de l’Éducation nationale mais du ministère de l’Agriculture. On y trouve des adultes en reconversion, mais aussi de très nombreux·ses jeunes en apprentissage ou en formation initiale, de la 4e au doctorat. Beaucoup sont enfants d’agriculteur·ices et la moitié étudie en internat. Pour ne parler que du secondaire, «c’est un milieu assez consanguin, où on reproduit ce dans quoi on a grandi. À moins d’avoir des profs “mentors”, convaincus par l’agroécologie», analyse Renaud Viguié, enseignant en Rhône-Alpes. Pour beaucoup, passer à l’agroécologie reviendrait à «tuer le père» à chaque fois qu’ils entrent en cours d’agronomie.
Autre spécificité : sur les 150 000 jeunes inscrit·es dans l’enseignement agricole, près de 60% étudient dans des établissements privés sous contrat. Quant aux lycées publics, leur conseil d’administration est très souvent présidé par un·e agriculteur·ice, majoritairement de la FDSEA (la branche départementale du syndicat majoritaire FNSEA) et plus rarement de la Coordination rurale ou de la Confédération paysanne.
C’est dans ce contexte plutôt conservateur qu’en 2014, Stéphane Le Foll, alors ministre de l’Agriculture, fait entrer l’agroécologie dans le code rural et lance un plan intitulé «Enseigner à produire autrement» (EPA), renouvelé en 2020. Implantation de couverts végétaux, réduction du labour, limitation des pesticides… les pratiques plus respectueuses de l’environnement doivent infuser dans tout l’enseignement agricole. «Certains profs s’en sont emparés avec bonheur. Ça les a confortés dans l’ouverture d’esprit qu’ils essayaient d’offrir à leurs élèves», se souvient Renaud Viguié.
Deux tiers des fermes attenantes aux lycées publics ont désormais au moins un atelier en bio, par exemple un verger ou un élevage de poules pondeuses.
Enseignante d’agronomie en Seine-et-Marne, Valérie Hourlier se réjouit d’apprendre aux élèves à déterminer le nombre de vers de terre d’une parcelle ou à réaliser le diagnostic floristique d’une prairie. «Le problème, c’est que les exploitations des lycées ont à la fois un but pédagogique et lucratif, c’est complètement antagoniste, déplore-t-elle. Quand on va faire des relevés dans les blés, par exemple, le chef de culture me reproche qu’ensuite tout soit piétiné.»
👉 Cliquez ici pour lire la suite de cet article d’Hélène Seingier avec des témoignages d’élèves, d’enseignant·es et d’agriculteur·ices.
· Lundi, plus de 1 000 scientifiques ont dénoncé la «régression pour la santé et l’environnement» que constituent les concessions faites aux agriculteurs par le gouvernement. Elles et ils rappellent le consensus sur les conséquences délétères des intrants de synthèse sur la santé et la biodiversité, et réaffirment «la nécessité d’une coopération entre les pouvoirs publics, les agriculteurs, les citoyens et les scientifiques». - Le Monde (abonné·es)
· Mardi, Libération a mis au jour dans une enquête l’existence d’un trafic de terres polluées issues des travaux du Grand Paris. Alliée à des employés et à au moins un maire de communes franciliennes, l’entreprise Terrasol a utilisé des terres cultivables pour y enfouir des déchets plutôt que de les évacuer dans les déchetteries autorisées. De quoi casser les prix et empocher de grosses sommes. - Libération (abonné·es)
· En cinq semaines, les équipes de l’ONG Sea Shepherd ont compté 130 cadavres de guillemots - oiseau de mer proche du pingouin - sur une portion de 120 kilomètres de plages en Vendée. L’Office français de la biodiversité écarte la piste de la grippe aviaire ; l’ONG penche pour une raréfaction de la nourriture. - Sea Shepherd
«Communicants, réveillez-vous !»
- Félicien Creuchet, chargé de communication à l’Agence de la transition écologique (Ademe)
«Alors que de nombreux secteurs se réinventent pour prendre en compte les limites de notre planète, la publicité semble hermétique, pour ne pas dire en résistance face à ces changements», dénonce Félicien Creuchet, chargé de communication à l’Agence de la transition écologique (Ademe) et membre du collectif Pour un réveil écologique, dans une tribune à Vert. Il incite les professionnel·les de la communication à exiger le droit à refuser de travailler pour des clients climaticides, la création d’un véritable organe de régulation publicitaire et la mise en place de chartes d’éthique au sein des agences et autres services de communication. Pour relire notre décryptage sur les principales techniques de greenwashing et notre guide pour s’en prémunir, c’est juste là.
Crise agricole : la droite menace un texte clé sur la biodiversité au Parlement européen
Eurodépités. Les parlementaires européen·nes doivent voter l’accord final sur la loi sur la restauration de la nature ce mardi. Mais les élu·es de droite ont décidé de saborder le texte.
C’est un des textes phares du Pacte vert européen - le paquet législatif qui vise à réduire les émissions de gaz à effet de serre de l’Union européenne (UE) de 55% en 2030, par rapport à 1990. La loi sur la restauration de la nature, qui entend remettre en état 20% des écosystèmes (marins et terrestres) dégradés d’ici à 2030 - et la totalité dès 2050, doit être entérinée ce mardi au Parlement européen.
Elle avait fait l’objet d’un premier vote des eurodéputé·es en juillet (notre article), puis d’un accord entre les États membres et le Parlement en novembre, où ses ambitions avaient été fortement affaiblies par la droite et l’extrême droite. Ce vote final est habituellement une formalité, mais les conservateur·ices du Parti populaire européen (PPE, la formation majoritaire) viennent de décider de voter contre.
«Nous ne voulons pas de nouvelles formes de bureaucratie et d’obligations pour les agriculteurs. Laissons les agriculteurs cultiver leurs terres», a déclaré l'eurodéputé roumain Siegfried Mureșan, vice-président du groupe PPE, lundi.
Une décision «irresponsable», a fustigé la députée verte allemande Jutta Paulus. «Il va falloir tenir bon !», a alerté Marie Toussaint, tête de liste des Écologistes aux élections européennes de juin prochain. Le texte devrait finalement passer avec une courte majorité grâce au soutien de la gauche et des libéraux du groupe Renew (qui compte les élu·es Renaissance). Il pourrait aussi compter sur les votes divisés des membres du PPE qui ne suivraient pas toutes et tous la consigne de leur groupe, rapporte Ouest-France. Le Pacte vert avait été initié par la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, elle-même issue du PPE. Il a été largement affaibli au cours des derniers mois (notre décryptage).
Justine Prados
Bruxelles, capitale de la colère agricole
Tracteur des comptes. Moins d’un mois après une première démonstration de force dans la capitale de l’Union européenne, quelque 900 véhicules d’agriculteur·ices en colère ont envahi les rues de Bruxelles ce lundi alors que se tenait une réunion des ministres européens de l'Agriculture. Des barrages policiers ont été forcés, occasionnant des confrontations tendues avec les forces de l’ordre, comme le montre cette vidéo postée sur le compte X du journaliste James Kanter.
+ Loup Espargilière, Jennifer Gallé, Juliette Mullineaux, Justine Prados et Juliette Quef ont contribué à ce numéro.