Tribune

«Continuer à laisser agir le secteur publicitaire en toute impunité, c’est se rendre complice de la destruction du vivant»

Félicien Creuchet est communicant engagé, membre du collectif Pour un réveil écologique. Dans une tribune à Vert, il incite les professionnel·les de la communication à exiger le droit de refuser de travailler pour des clients climaticides, un véritable organe de régulation publicitaire public et la mise en place de chartes d’éthique au sein des services de communication.
  • Par

Dans l’espace pub­lic comme dans nos poches, la pub­lic­ité s’impose à nos yeux, si bien que l’on n’y prête même plus atten­tion. Pour­tant, nos modes de vie, notre con­som­ma­tion, nos croy­ances et nos per­cep­tions sont large­ment con­di­tion­nées par les mes­sages pub­lic­i­taires. Alors que de nom­breux secteurs se réin­ven­tent pour pren­dre en compte les lim­ites de notre planète, la pub­lic­ité sem­ble her­mé­tique, pour ne pas dire en résis­tance face à ces change­ments.

La con­som­ma­tion est au cœur de nos vies occi­den­tales. La pub­lic­ité nous per­suade que notre valeur sociale peut se mesur­er au tra­vers de nos apparences, de nos objets, d’une Rolex ou d’une voiture. Elle nous pousse à envis­ager notre rela­tion au monde en fonc­tion de notre pou­voir d’achat ; à priv­ilégi­er l’avoir sur l’être.

En moins de 100 ans, nous avons bas­culé dans une con­som­ma­tion de masse, un mar­ket­ing trib­al et une hyper­per­son­nal­i­sa­tion. Nous avons gran­di avec la fast fash­ion de Zara, aujourd’hui dépassée par l’ultra fast fash­ion des plate­formes Shein ou Temu : notre besoin de con­som­ma­tion sem­ble hors de con­trôle. On passe de la 4G à la 5G, du smart­phone à l’Apple vision pro, sans inter­roger les besoins, les impacts ou la valeur ajoutée.

Blo­qués dans un tri­an­gle de l’inaction, l’État, les entre­pris­es, et les citoyens atten­dent pas­sive­ment que les choses changent. Alors que les solu­tions se trou­vent sous nos yeux. Dimin­uer et main­tenir une con­som­ma­tion com­pat­i­ble avec les objec­tifs envi­ron­nemen­taux que la France s’est fixée à hori­zon 2050, serait un bon début.

Si la pub­lic­ité n’est ni une pri­or­ité pour l’État, ni pour les médias, ni pour la pop­u­la­tion ou les entre­pris­es, c’est aux communicant·es eux-mêmes de fix­er un cadre cohérent à leur méti­er. En tant que professionnel·les de la com­mu­ni­ca­tion :

• Exi­geons un droit de refus à nos employeurs, qui nous per­me­tte de ne pas tra­vailler pour des clients cli­mati­cides.

• Exi­geons la mise en place de chartes d’éthique au sein des ser­vices de com­mu­ni­ca­tion, pour ratio­nalis­er les objec­tifs et les met­tre en cohérence avec les lim­ites plané­taires.

• Exi­geons la créa­tion d’un organe de régu­la­tion pub­lic­i­taire pub­lic. Et d’une gou­ver­nance qui intè­gr­erait à parts égales des représentant·es de dif­férents secteurs, asso­ci­a­tions de consommateur·ices, asso­ci­a­tions envi­ron­nemen­tales, sci­en­tifiques et soci­o­logues, qui œuvr­eraient au béné­fice de l’intérêt général, plutôt qu’au détri­ment du cli­mat.

• Exi­geons un cadre pro­fes­sion­nel sociale­ment utile, por­teur de sens, épanouis­sant, com­pat­i­ble avec les enjeux envi­ron­nemen­taux.

• Exi­geons une com­mu­ni­ca­tion respon­s­able.

À la lumière des con­nais­sances sci­en­tifiques, con­tin­uer à laiss­er agir le secteur pub­lic­i­taire en toute impunité, c’est se ren­dre com­plice de la sur­con­som­ma­tion des ressources naturelles, de l’accélération du change­ment cli­ma­tique et de la destruc­tion du vivant. C’est ignor­er sci­em­ment les risques qu’engendrent les impacts de notre activ­ité pour les généra­tions futures.

Communicant·es, réveillez-vous, exigez, bifurquez, résis­tez, ques­tion­nez !

Féli­cien Creuchet, com­mu­ni­cant engagé, mem­bre du col­lec­tif Pour un réveil écologique.