La quotidienne

Le poumon cher

Chères toutes et tous,

🎒 La quotidienne de Vert est de retour ! Nous espérons que l’été vous fut bon - malgré des nouvelles du monde rarement réjouissantes - et que l’édition estivale vous aura plu. Quant à nous, c’est avec une équipe remaniée que nous vous retrouvons, comme l’attestent les nouvelles signatures que vous verrez fleurir au bas de chaque numéro.


À force de saccager l'Amazonie pour du bœuf premier prix, nous n'aurons plus les moyens de respirer le bon air de la vie.


Un quart de l’Amazonie est déjà détruit, mais il est encore temps de la protéger

Alerte rouge sur le poumon vert. Plus du quart de l’Amazonie est irrémédiablement détruit par la déforestation, alertent des leaders autochtones et des scientifiques qui réclament un engagement strict pour préserver 80 % de l’écosystème d’ici à 2025.

Réuni·es à Lima, au Pérou, à l’occasion du 5ème sommet des Peuples indigènes, les dirigeant·es autochtones ont une nouvelle fois alerté sur l’état du bassin amazonien, avec ce chiffre-massue : 26 % des écosystèmes sont irréversiblement dégradés à cause de la déforestation. C’est ce que révèle un nouveau rapport (en anglais) mené par des chercheur·ses du Réseau amazonien d'information socio-environnementale géo-référencée (RAISG) et la Coordination des organisations autochtones du bassin amazonien (Coica).

Selon le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec), un point de bascule correspond au seuil critique à partir duquel un changement, même infime, peut faire basculer, de manière irréversible, un écosystème dans un état inédit. En Amazonie, « le point de bascule n’est pas un scénario futur, mais plutôt une étape déjà atteinte dans certaines zones de la région. De ce fait, la savanisation [transformation d’une région de forêts en savane, NDLR] a déjà lieu dans ces deux pays », avertit le rapport. Si un tel processus devait s’étendre à l’ensemble de l’Amazonie, il modifierait lourdement le cycle des pluies et relâcherait quelque 90 milliards de tonnes de CO2, soit plus de deux fois les émissions annuelles mondiales, selon une analyse publiée dans la revue Nature climate change en 2022.

Un leader autochtone des Tenharins, peuple qui vit dans la région amazonienne de Manicoré, au Brésil, dévastée par la déforestation. © Gabriela Bilo / Agência Estado via AFP

Les dirigeant·es indigènes plaident pour une protection de 80 % de l’Amazonie à l’horizon 2025, en préservant les terres épargnées et en réhabilitant certaines zones déjà dégradées. Un objectif délicat, mais atteignable selon le rapport.

L’Amazonie souffre de l’exploitation forestière et pétrolière, ainsi que de l’accaparement des terres pour l’agriculture. Récemment, le groupe français Carrefour a été épinglé par un rapport de l’ONG Mighty earth, accusé d’avoir avoir eu recours à des fournisseurs de viande et de soja « aux pratiques dévastatrices », contribuant à aggraver la déforestation.

· Lundi, le premier parc éolien en mer de France a terminé son installation au large de Saint-Nazaire, a annoncé son directeur. Ses 80 éoliennes, d’une puissance de 480 mégawatts, seront totalement fonctionnelles d’ici la fin de l’année 2022. À terme, le parc éolien devrait couvrir 20% des besoins en électricité du département de Loire-Atlantique. - Sud Ouest

· Les vagues de chaleur et feux de forêts aggravent la pollution de l’air (et vice versa), alerte un nouveau rapport de l’Organisation météorologique mondiale (OMM). Les fumées chargées de particules fines (PM2.5) dégradent la qualité de l’air et nuisent à la santé des écosystèmes, plus vulnérables aux sécheresses et incendies. Une dynamique de « renforcement mutuel », dont les événements de cet été sont « un avant-goût de ce que nous réserve l'avenir », s’inquiète le directeur de l’agence de l’ONU, Petteri Taalas.

· En Europe, les émissions de dioxyde de carbone provoquées par les incendies de l’été ont atteint leur plus haut niveau depuis 15 ans, libérant 6,4 millions de tonnes de CO2 ; l’équivalent des émissions annuelles de Chypre. Les surfaces brûlées sur le continent ont été deux fois plus importantes qu’en moyenne, selon les observations satellites du programme européen Copernicus.

· Un an après les gigantesques incendies de 2019 en Australie, l’impact en termes d’émissions de CO2 aura finalement été nul. Selon une récente étude, la végétation a réabsorbé la totalité des rejets carbone dès fin 2020 grâce à des essences d’eucalyptus connues pour « repartir » extrêmement vite, ainsi que d’importantes précipitations favorisant la croissance des végétaux. En revanche, l’impact sur la biodiversité est lourd alors que trois milliards d’animaux ont péri et des écosystèmes ont été détruits.

L'équipe d’experts internationaux observe les dommages causés par les bombardements sur le toit du bâtiment de la centrale de Zaporijia qui abrite des combustibles et déchets radioactifs ©  AIEA

L’« intégrité physique » de la centrale nucléaire de Zaporijia, en Ukraine, « a été violée à plusieurs reprises », s’est alarmé Rafael Mariano Grossi, le directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) après sa visite du site la semaine dernière. Son équipe a dû se réfugier pour échapper aux bombardements dans le voisinage de la centrale et a constaté la présence de soldats et de matériel militaire russes dans les salles des turbines, contredisant les affirmations de la Russie. Dans son rapport publié mardi, l’agence demande l'établissement d'une zone de sécurité et s’inquiète des « conditions de travail extrêmement stressantes » du personnel ukrainien qui pourraient conduire à une erreur humaine. Deux inspecteurs de l’AIEA doivent rester sur place de façon permanente pour surveiller la situation.

Et si la polémique autour des déplacements du PSG accélérait la mue écologique du football professionnel ?

Une polémique qui tombe à pique ? À deux mois de la Coupe du monde de football au Qatar, le débat sur les déplacements des joueurs interroge de manière rafraîchissante l’impact carbone des clubs de foot.

« On n'est pas hors-sol, on est très lucides, simplement, c'est une blague qui arrive au mauvais moment, qui est de mauvais goût, et je le regrette » ; mardi soir, dès la fin de la rencontre entre le Paris Saint-Germain et la Juventus Turin, l'entraîneur parisien Christophe Galtier a fait son mea culpa, après le tollé suscité par sa phrase ironique où il prétendait que son équipe songeait à recourir au « char à voile » pour se déplacer.

Pour le rédacteur en chef des Cahiers du football, Jérôme Latta, la polémique est une « étincelle qui alimente le débat sur les efforts qu’on est en droit d’attendre des clubs et des ultra-riches », alors qu’au même moment, plusieurs politicien·nes proposent d’interdire les jets privés. « Demander des comptes est d’autant plus nécessaire que les clubs communiquent sur leurs démarches pour l’environnement », dit encore à Vert le spécialiste du ballon rond. En 2021, le PSG n’a pas hésité à se vanter d’être devenu le premier club français à adhérer au « Sports for climate action », programme lancé en 2015 par la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques. Un discours « forcément paradoxal » de la part d’un club « vitrine de la diplomatie sportive d’un état gazier », détenu par l’émirat du Qatar et sponsorisé par la compagnie aérienne Qatar Airways.

Le club italien de l'AS Roma publie des photos des déplacements de ses joueurs - en train - sur son compte Twitter.

Pour justifier ses déplacements en jet, le club parisien a évoqué des raisons de sécurité ou encore l’absence de dessertes sur certains trajets. Mais la marge de progression est encore large, d’autant plus qu’à l’international, certains clubs comme le Betis Séville ne se déplacent qu’en train pour leurs matchs de championnat. En France, selon une étude de la Ligue de football professionnelle (LFP) menée sur la saison 2019-2020, plus de 60 % des trajets des clubs de foot avaient été effectués en avion, 31% en bus et seulement 4% en train.

« C’est un accélérateur de l’histoire à un point qu’on n’imaginait pas possible, savoure l’économiste Maxime Combes dans un entretien à Libération. Le bad buzz est gigantesque. […] Le foot pro, et au-delà l’ensemble du sport de haut niveau, va devoir se regarder dans une glace et voir ce qui peut être changé ou pas ».

« Péril climatique : l’abondance des plus riches doit cesser »

Yacht-toi de là ! Les plus riches ont un impact disproportionné sur les émissions mondiales de CO2 à l’origine de la crise climatique. Et cet été, plus que jamais, alors que des efforts de sobriété étaient demandés aux Français·es, leurs excès ont attiré les regards d’une part croissante de la population, comme le raconte Paloma Moritz dans sa dernière vidéo pour Blast.

© Blast

+ Loup Espargilière, Alban Leduc, Juliette Quef et Gabrielle Trottmann ont contribué à ce numéro.