Crise du Covid-19, bouleversement climatique, modèle agricole à bout de souffle... Serions-nous sur le point de redécouvrir la faim à plus grande échelle ?

Les émissions de CO2 en chute libre, toujours trop peu pour le climat
Dévisser, c'est pas gagner. Entre le 1er janvier et le 30 avril 2020, les émissions de CO2 ont chuté de 8,6% par rapport à 2019 sous l'effet du confinement mondial et du ralentissement de l'économie, d'après une étude publiée mardi 19 mai dans Nature climate change.

Au total, la baisse constatée est de près d'un milliard de tonnes de CO2 en quatre mois. L'essentiel de la décrue provient du plus gros pollueur mondial - la Chine, qui fut la première à instaurer un confinement : 242 millions de tonnes en moins (-7,8%). Les Etats-Unis (207 millions de tonnes évitées, − 12 %) et l'Union européenne (123 millions de tonnes en moins, −10 %) complètent le podium. Près de 40% de la baisse provient du secteur des transports (hors aviation), 29% de l'industrie.
En fonction des choix qui seront faits par les Etats dans leurs politiques de relance, la diminution des émissions sur toute l'année 2020 devrait se situer entre 4 et 7%, estiment les scientifiques. Du jamais vu depuis la seconde guerre mondiale.
Hélas, c'est encore trop peu pour le climat. Pour contenir le réchauffement sous la barre des 1,5°C par rapport à l'ère préindustrielle, il faudrait que les émissions baissent de 7,6%, comme l'a indiqué un rapport de l'ONU paru en novembre 2019. Surtout, en l'absence de changements structurels profonds, les émissions devraient rapidement repartir à la hausse. A lire dans le Monde (abonnés).

Le projet (trop?) ambitieux de la Commission européenne pour protéger la biodiversité
Le début de quelque chose ? La Commission européenne doit présenter ce mercredi les grandes lignes de sa future politique en matière de préservation de la biodiversité.
Dans l'ébauche de ce texte stratégique, que l'ONG écologiste ARC2020 a faite fuiter, l'exécutif européen se fixe d'ambitieux objectifs. Parmi ceux-ci, il est prévu d'étendre les zones protégées à 30% de la surface terrestre et maritime de l'Union contre, respectivement, 26% et 11% aujourd'hui. Il est prévu de créer un « réseau naturel transeuropéen » constitué de corridors écologiques : des ensembles continus de nature dans lesquels peuvent se déplacer les espèces animales et végétales. La Commission souhaite également réduire de 50% l'usage des pesticides d'ici 2030, mieux protéger ses dernières forêts primaires, ou que 25% des terres agricoles soit exploitées en bio dans dix ans.
Le plus gros morceau est peut-être celui-ci : l'Union européenne planche actuellement sur la réforme de la Politique agricole commune (PAC) pour la période 2021-2027. Ses presque 60 milliards d'euros de subventions annuelles aux agriculteurs sont, pour l'heure, massivement destinés aux grandes exploitations industrielles. Dans son projet, la Commission veut « s'assurer que les plans stratégiques de la PAC seront évalués selon des critères climatiques et environnementaux stricts » et souhaite développer l'agriculture de précision, le bio ou encore, l'agro-foresterie.
Certains observateurs, comme César Luena, vice-président de la commission environnement du parlement européen interrogé par le Guardian, espèrent que l'UE adoptera rapidement des lois contraignant les Etats, sous peine que cette ébauche de stratégie ne se transforme en « collection d'idées ».

Les conditions d’un nouveau Dust bowl bientôt réunies
Vous reprendrez bien un bol de poussière ? Les conditions à l'origine du Dust bowl, épisode catastrophique qui a frappé les Grandes plaines du centre des Etats-Unis dans les années 1930, pourraient bien être à nouveau réunies, selon une étude publiée mardi dans Nature climate change.
En 1934 et 1936, les Etats-Unis ont vécu leurs années les plus chaudes jamais mesurées. Depuis le début du siècle, des millions d'immigrés avaient investi les prairies de cette vaste région - qui va du Montana au Texas – pour y cultiver la terre. L'érosion des sols liée à leurs pratiques intensives, combinée avec des chaleurs extrêmes et des épisodes de sécheresses, a permis l'apparition de tempêtes de poussières calamiteuses qui ont forcé à l'exil des millions de personnes.

Champs gigantesques, monocultures, manque de végétation naturelle capable de retenir l'eau dans le sol... Quelque 80 ans plus tard, les pratiques n'ont guère changé. En parallèle, le réchauffement climatique augmente les risques : selon les auteur•rice•s de l'étude, la probabilité de revivre ces évènements centennaux est désormais 2,5 fois supérieure. Ceux-ci pourraient survenir tous les 40 ans. Et si la température moyenne à la surface du globe venait à augmenter de plus de 2°C, ces catastrophes pourraient se produire tous les vingt ans. A lire dans le Guardian (en anglais).

Une sécurité sociale de l’alimentation
Pour garantir un accès à une alimentation de qualité à la population pendant et entre les crises, les auteur•rice•s d'une tribune parue dans Reporterre plaident pour la création d'une sécurité sociale de l'alimentation.
La crise actuelle met en lumière les fragilités de notre système alimentaire. Le ralentissement de l'activité économique a rapidement fait ses premières victimes, faisant basculer une partie de la société française dans la précarité alimentaire. L'aide du gouvernement aux associations – débordées - oeuvrant à la distribution de nourriture aux plus démuni•e•s n'a été débloquée qu'à la fin du mois d'avril.
De l'autre côté, un modèle productiviste agricole en bout de course, qui pousse plus d'un agriculteur par jour au suicide et détruit la biodiversité comme jamais auparavant.
Pour répondre à ces deux crises et garantir le droit à l'alimentation des citoyen•ne•s, les signataires de cet appel (Ingénieurs sans frontières – Agricultures et Souveraineté alimentaire et le réseau Civam) appellent à de « sanctuariser un budget pour l’alimentation de 150 euros par mois et par personne et de l’intégrer dans le régime général de sécurité sociale ». Cette enveloppe permettrait à chacun•e de s'approvisionner en produits éthiques et de qualité auprès de producteurs locaux. Le texte de la tribune est à retrouver sur le site de Reporterre.

La pénurie alimentaire qui vient ?
Hyperspécialisation des pays, surstockage de denrées alimentaires, crise climatique et du Covid-19... D'après l'ONU, 265 millions de personnes sont menacées par l’insécurité alimentaire à cause du seul coronavirus et toutes les conditions semblent réunies pour que la faim regagne du terrain à travers la planète, comme l'expose Partager c'est sympa dans sa dernière vidéo.
