🕶️ L’été, tout ralentit, Vert y compris ! En juillet et en août, les éditions quotidiennes et hebdomadaires laissent la place à une édition estivale unique. Vous aurez droit à un large tour d’horizon de l’actualité de l’écologie des sept derniers jours, chaque mercredi à midi dans votre boîte mail, jusqu'à la rentrée de septembre.
Pour lutter contre la crise climatique, voici une riche idée : calmer les ardeurs des plus aisé·es.

En cet été brûlant, les excès des riches deviennent de plus en plus insupportables
Lutte des glaces. Sauts de puce en jet privé, golfs arrosés… Tandis que le dérèglement climatique affecte de plus en plus le quotidien des gens et que les pouvoirs publics réclament des efforts de sobriété, les consommations polluantes et ostentatoires d’une petite part de la population deviennent source de tensions.
Pendant plusieurs jours, la semaine dernière, les habitant·es de Gérardmer (Vosges) ont été contraint·es de faire bouillir l’eau de leur robinet pour la rendre potable. À cause d’une pénurie, cette dernière était pompée dans le lac. Fin juillet, les jacuzzis de cinq logements de vacances de la commune ont été éventrés et marqués d’un message : « l’eau, c’est fait pour boire », a rapporté le quotidien Libération dans ses colonnes. Cet incident qui peut sembler anecdotique est pourtant révélateur d’un ras-le-bol bien plus large.
Même colère, mais stratégie différente : il y a plusieurs semaines, un collectif militant du nom des « dégonfleurs de SUV » s’est fait connaître à Paris et dans l’ouest de la France en s’en prenant aux pneus d’une centaine de ces véhicules massifs, qui constituent la deuxième cause d’accélération de la crise climatique (Vert). Plus récemment encore, l’arrosage autorisé des terrains de golf dans des départements en situation de « crise sécheresse » - le niveau de restrictions d’eau le plus élevé -, a généré une vive incompréhension alors qu’une centaine de communes n’ont même plus accès à l’eau potable.
Traqués par un nombre croissant de comptes sur les réseaux sociaux, les allers-retours incessants des jets privés de milliardaires sont désormais insupportables pour de très nombreux internautes.

Les tollés provoqués illustrent une tension grandissante vis-à-vis de comportements polluants réservés à une certaine frange de la population. Pendant des décennies de croissance économique, les inégalités de consommation constituaient, certes, une violence symbolique, mais chacun·e pouvait espérer pour soi, ou ses enfants, accéder à un niveau de consommation supérieur, explique à Vert Maxime Combes, économiste spécialisé dans les politiques climatiques et membre d’Attac France.
Ce qui ne semble plus être le cas aujourd’hui. « Nous sommes entrés dans une période où la crise écologique impose de consommer moins de ressources, et c’est là que la consommation ostentatoire devient proprement insupportable », abonde-t-il. Ce décalage n’est alors plus une violence symbolique, mais une violence directe pour une partie de la population qui se voit exiger une consommation restreinte et subit de plein fouet les effets de la crise, tandis qu’un petit nombre affiche des comportements écologiquement insoutenables.
« Nous sommes face à un triangle d’incompatibilité avec des pratiques ostentatoires d’un côté, la réduction forcée de consommation d’une large partie de la population et un gouvernement qui fait de la communication plus qu’il n’agit à la hauteur des enjeux », théorise Maxime Combes. Pour l’économiste, seules des mesures féroces et ciblées contre les pratiques polluantes permettront d’apaiser ces colères grandissantes. Même constat pour le chercheur François Gemenne, qui prédit sombrement sur Twitter que « sans arbitrages politiques forts et ambitieux, des tensions de ce type sont forcément appelées à dégénérer ». La crise climatique aurait-elle réveillé la lutte des classes ?

· Vendredi, la première ministre Élisabeth Borne a annoncé l’ouverture d’une cellule interministérielle de crise sur la sécheresse exceptionnelle qui touche la France. Ce dispositif aura pour objectif de coordonner les moyens de l’État et l’action des pouvoirs locaux, et d’organiser des concertations entre tous les acteurs concernés autour des usages de l’eau. Selon le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, plus d’une centaine de communes françaises étaient à court d’eau potable ce jour-là. - Le Monde (AFP)
· Vendredi toujours, la Chine a annoncé la fin de sa coopération avec les États-Unis sur plusieurs sujets clés, dont le climat, en représailles après la visite de Nancy Pelosi, présidente de la Chambre des représentants américaine, sur l’île de Taïwan. La lutte contre le dérèglement climatique était l’un des derniers sujets de collaboration entre les deux puissances aux relations diplomatiques complexes. Antonio Guterres, secrétaire général des Nations Unies, a jugé « impossible » de poursuivre la lutte climatique sans un dialogue efficace entre les deux pays qui constituent les deux plus gros émetteurs de gaz à effet de serre à l’échelle mondiale. - Le Monde
· Cinq centrales nucléaires vont bénéficier de dérogations environnementales pendant plus d’un mois, leur permettant de rejeter des eaux plus chaudes qu’en temps normal, prévoit un arrêté publié samedi au Journal officiel. Les centrales du Blayais (Gironde), du Bugey (Ain), de Golfech (Tarn-et-Garonne), de Saint-Alban-Saint-Maurice (Isère) et de Tricastin (Drôme) sont concernées. Une décision justifiée par la nécessité de maintenir l’activité des centrales malgré les fortes chaleurs de cet été, dans un contexte de forte tension sur le réseau électrique. Un programme de surveillance renforcée viendra contrôler l’impact de ces dérogations sur la biodiversité aux alentours des centrales. - France info (AFP)
· Le mois de juillet a été l’un des trois plus chauds jamais enregistrés sur le globe, derrière juillet 2019 et juste devant juillet 2016, a révélé mardi l’Organisation météorologique mondiale (OMM). Le mercure a dépassé les 40 °C à plusieurs reprises dans de nombreux pays européens, dont le Royaume-Uni pour la première fois. Autre record en vue : en juillet, la banquise de l’Antarctique a enregistré son niveau le plus bas depuis le début des relevés, il y a 44 ans.
· Mercredi matin, le béluga de quatre mètres qui avait été extirpé de la Seine cette nuit a été euthanasié en raison de son mauvais état de santé, vient tout juste d’annoncer l’ONG Sea Shepherd, qui avait coordonné l’opération. L’animal de 800 kilos était coincé depuis la semaine dernière dans l’écluse de Notre-Dame-de-la-Garenne (Eure) et devait être réintroduit en mer. En mai, la mort d’une orque qui s’était perdue dans l’embouchure de la Seine avait déjà suscité une vive émotion en France. - BFMTV


50 600 hectares
Tout feu l’camp. Plus de 50 600 hectares de terres ont brûlé en France depuis le début de l’année 2022, selon les dernières données du Système européen d’information sur les feux de forêt (EFFIS). C’est cinq fois plus que la moyenne de ces dernières années, qui s’établit à 9 825 hectares par an (entre 2006 et 2022). Cela représente aussi plus de cinq fois la superficie de Paris partie en fumée, dont près de la moitié rien que dans les mégafeux qui ont décimé la Gironde et les Landes à la mi-juillet.

· C’est chaud. C’est la sécheresse qui a entraîné l’effondrement de Mayapan, une célèbre cité maya, a conclu une récente étude transdisciplinaire publiée dans la revue Nature. Un groupe de géologues, d’archéologues et de paléoclimatologues a révélé une forte corrélation entre un changement de climat (assèchement des sols et diminution des récoltes) au début du XVème siècle et des conflits politiques ayant entraîné des massacres, puis l’abandon de la cité vers 1450. - Le Monde
· Le vivant sur liste rouge. Environ la moitié des espèces qui sont méconnues par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) faute de données suffisantes, seraient menacées d’extinction, selon une étude publiée jeudi dernier dans la revue Communications biology. La célèbre « liste rouge » de l’UICN, qui a été mise à jour à la mi-juillet, serait donc largement sous-estimée. Dans l’étude, les scientifiques soulignent ainsi l’importance de prendre en compte les espèces « data deficient » (c’est-à-dire pour lesquelles on manque d’informations) dans l’ensemble des efforts de protection de la biodiversité. - Reporterre
· C’est grave docteur ? 58 % des maladies infectieuses humaines sont ou ont été aggravées par un ou plusieurs aléas climatiques, conclut une étude publiée lundi dans la revue Nature climate change. Les scientifiques ont analysé l’impact de dix bouleversements environnementaux générés par les gaz à effet de serre sur la propagation de pathogènes, et soulignent la nécessité de réduire ces émissions pour éviter des catastrophes sanitaires. Par exemple, parmi les 375 maladies pathogènes connues, 160 ont pu être aggravées par l’augmentation des températures, 121 par des inondations, 81 par des sécheresses ou encore 71 par des tempêtes. - Le Monde

Chaud bouillant. Ce n’est pas qu’une impression : entre 2020 et 2022, le thermomètre a atteint les 40 °C à 73 reprises en France, ce qui n’était arrivé que cinq fois entre 1950 et 1979, selon des données de Météo-France. Soit 14 fois plus en trois ans qu’en trente ans. Ou 18 fois plus qu’au cours de la décennie 1990. On note une très nette augmentation de ces occurrences à partir du début des années 2000, ainsi qu’une véritable explosion ces dernières années. Une dynamique fortement corrélée au réchauffement climatique, qui multiplie la récurrence et l’intensité des épisodes de chaleur extrême, comme l’expliquait Vert à partir des données du dernier rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec).

· Ils ne se sont pas trumpés. Dimanche, le Sénat américain a adopté de justesse un vaste plan d’investissements dans les domaines du climat et de la santé. 370 des 433 milliards de dollars de dépenses publiques prévues dans la loi seront dévolus à la transition énergétique pour réduire d’ici à 2030 les émissions de gaz à effet de serre de 40 % par rapport à 2005. Les programmes en question permettront notamment d’accélérer le développement des renouvelables, de subventionner l’achat de véhicules électriques et d’équipements économes en énergie, ou encore de renforcer les moyens alloués à la protection de la biodiversité. - Libération
· Ça tient la route. Les applications de navigation comme Google Maps, Waze et Mappy devront désormais afficher l’impact environnemental des trajets recherchés et proposer des alternatives moins polluantes, selon un décret de la loi « climat et résilience » d’août 2021 publié la semaine dernière. Le résultat de chaque recherche de trajet devra bientôt présenter une estimation de la pollution (gaz à effet de serre, polluants atmosphériques) causée par chaque mode de transport et mettre en avant des itinéraires plus écologiques (diminution de vitesse, usage de mobilités douces, etc). - Le Parisien (AFP)

La sobriété individuelle pourra-t-elle nous sauver ?
Ça détonne. Dans sa série Plan B, Le Monde interroge la capacité qu’ont les individus à diminuer radicalement leurs émissions de gaz à effet de serre. Un·e Français·e émet en moyenne près de dix tonnes de CO2 chaque année [notre article]. Pour atteindre la neutralité carbone à l’échelle du pays, c’est-à-dire l’équilibre entre les émissions et l’absorption de CO2, il faudra que cette moyenne s’abaisse à deux tonnes par personne. Dans la vidéo, le vulgarisateur écologique Camille Legrand, créateur de la chaîne Youtube Après l’effondrement, et la créatrice du kit pédagogique « Inventons nos vies bas carbone », Claire Véret, racontent comment ils ont repensé leurs modes de vie (transports, alimentation, logement, etc) pour tendre vers les deux tonnes de CO2 annuelles, grâce à des efforts facilement transposables dans de nombreux ménages.

+ Loup Espargilière et Juliette Quef ont contribué à ce numéro