La quotidienne

La lutte des classements

Chères toutes et chers tous,

🗓️ Mercredi 22 novembre à 19h, à deux jours du Black friday, rendez-vous à l’Académie du climat, à Paris, pour notre grande soirée sur le numérique – «Climat, surconsommation, droits humains : faut-il débrancher le numérique ?» – animée par Juliette Quef et Loup Espargilière. Toutes les infos pratiques juste là.


Les pétroliers font la Une du Time alors que le climat n'a plus le time.


Dans le top des 100 personnalités les plus influentes sur le climat du «Time», des pétroliers et Amazon

Apocaliste. Le magazine nord-américain «Time» a dévoilé ce jeudi son premier classement des personnalités les plus influentes de la planète sur les questions climatiques. On y trouve des noms du monde de la culture ou de la politique, mais aussi des têtes pensantes de l’industrie pétrolière, de la grande distribution ou de la vente en ligne.

Billie Eilish, Coldplay, James Cameron, ou le photographe Sebastião Salgado, les étoiles pleuvent dans le classement «Time 100 Climate». On y repère quelques personnalités françaises, dont la militante Lucie Pinson, à la tête de l'ONG «Reclaim Finance» qui pousse pour «mettre la finance au service du climat» (Vert). Comme elle, trois autres lauréat·es du Prix Goldman pour l’environnement font partie du Top 100.

La présence dans la liste de Sultan Al Jaber, patron de la compagnie pétrolière nationale d’Abu Dhabi et futur président de la COP 28 (Vert), interpelle. L’association QuotaClimat, engagée pour augmenter la place de l’écologie dans les médias, s’est étouffée : «Il s'agit de récompenser les détracteurs de la cause. C'est incompréhensible».

Le magazine a mis à la Une 100 personnalités pour le climat... dont des figures du pétrole ou du commerce international. © Time

Autre source d’étonnement, la présence de Dan Ammann, président d'ExxonMobil Low Carbon Solutions, émanation du géant pétrolier. Sur le site d’Exxon, cet ancien de General Motors est présenté comme un pilote, amateur de courses à bord de sa Porsche GT4. Parmi les autres surprises du classement, on trouve les noms de représentant·es d’Amazon, d’Apple, de Volvo, d’Ikea, et des multinationales Walmart et Unilever. Autant de contributeurs majeurs à la crise climatique.

Le magazine explique s’être concentré sur le «business», considérant que «les entreprises sont souvent les mieux placées pour déployer des solutions sur le terrain, à grande échelle». «En cherchant bien, nous avons trouvé d'innombrables exemples encourageants […] même dans les secteurs les plus polluants du monde, comme le transport maritime, l'industrie manufacturière, l'agriculture et l'énergie», se félicite le journal, qui s'est appuyé sur des «experts climatiques internes» pour établir cette liste. Parmi les critères cités : l’observation de «réalisations mesurables» et récentes.

QuotaClimat rappelle que le Time est la propriété depuis 2017 du groupe Meredith Corporation «grâce au soutien […] du fonds d'investissement des frères Charles et David Koch». Ces milliardaires ultraconservateurs - dont l’un est mort en 2019 - qui ont fait fortune dans le pétrole et le gaz, sont des figures historiques du déni climatique. Ainsi que le rappelle le Guardian, ils sont pointés du doigt pour avoir financé des dizaines d’organisations qui ont instillé du doute sur les données scientifiques relatives au changement climatique aux États-Unis.

· Les financements climatiques mondiaux accélèrent, mais ils ne sont «toujours pas à la hauteur», juge ce jeudi l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). En 2009, les pays riches s’étaient engagés à financer la transition dans les pays du Sud à hauteur de 100 milliards de dollars par an en 2020, un chiffre qui sera probablement atteint cette année pour la première fois, avec deux ans de retard. L'OCDE remarque par ailleurs que moins d'un quart de ces financements sont des dons. - AEF info (abonné·es)

· Jeudi, le Bureau des recherches géologiques et minières (BRGM) a annoncé que 65% des nappes phréatiques françaises sont restées en dessous des normales mensuelles en octobre. Malgré les pluies, la situation s’est maintenue proche de celle de septembre et les niveaux sont restés bas sur le pourtour méditerranéen, le couloir Rhône-Saône et le sud de l’Alsace. Toutefois, les précipitations récentes «devraient permettre de généraliser la recharge à l’ensemble des nappes et d’observer une amélioration des situations». - Ouest France

· Jeudi toujours, le Parlement européen et les États membres de l’UE se sont mis d'accord pour allonger la liste des crimes environnementaux, en y ajoutant notamment le commerce illégal de bois, l'importation d'espèces invasives, ou la pollution des navires. Cette directive doit «permettre de sanctionner plus sévèrement les plus graves crimes contre l’environnement, soit le crime d’écocide», a réagi l’eurodéputée Marie Toussaint. L’accord doit désormais être adopté formellement par le Parlement européen et le Conseil. France info (AFP)

Thomas Brail : «On ne s’interdit pas de recommencer d’autres grèves de la soif»

Las des routes. Dans le Tarn, le chantier de l’autoroute A69 se poursuit malgré la mobilisation citoyenne sur place, où des grimpeur·ses tentent d’empêcher l’abattage d’arbres. On fait le point sur la situation avec Thomas Brail, fondateur du Groupe national de surveillance des arbres.
 

Il y a un mois, vous avez mis fin à votre grève de la faim et de la soif. Avec du recul, avez-vous l’impression que votre action ait servi à quelque chose ?

Médiatiquement, ça a grandement servi la lutte, en mettant énormément en avant la A69. Maintenant, il y a une fenêtre médiatique ouverte en permanence sur l’évolution du projet, alors qu’en général les médias passent à autre chose en quelques jours. Ça a clairement marqué les esprits. Les grèves de la soif, ça s’est rarement fait en France. Après, on n’a pas forcément marqué tous les points, on espérait une suspension des travaux, un référendum… Mais on ne s’interdit pas de recommencer d’autres grèves de la soif si la situation patine. Rien n’est exclu puisque le gouvernement et les porteurs du projet n’excluent rien et nous envoient droit dans le mur.

France, Saix (81710), 2023-10-21. Mobilization against the construction of the A69 highway between Castres and Toulouse organized by several organizations such as: Extinction Rebellion Toulouse (XR), La Voie est Libre (LVEL), La Deroute des Routes, Attac and Confederation Paysanne. A weekend of demonstrations called Ramdam sur le macadam, culminating in an action demonstration on Saturday. Photograph by Antoine Berlioz / Hans Lucas. France, Saix (81710), 2023-10-21. Mobilisation contre la construction de l autoroute A69 entre Castres et Toulouse organisee par plusieurs organisations : Extinction Rebellion Toulouse (XR), La Voie est Libre (LVEL), La Deroute des Routes, Attac et la Confederation Paysanne. Un weekend de manifestation Ramdam sur le macadam qui donne lieu a une manif action le samedi. Thomas Brail prend un selfie dans un cortege avec Karen Erodi (LFI) a gauche et une pancarte en arriere plan Stop a l A69. Photographie Antoine Berlioz / Hans Lucas. (Photo by Antoine Berlioz / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP)

Les abattages doivent normalement s’arrêter en cette mi-novembre pour une trêve hivernale de plusieurs mois. Qu’est-ce que ça veut dire pour l’avancée des travaux ?

Il est stipulé dans le contrat d’Atosca [le concessionnaire de l’autoroute A69] qu’à partir du 15 novembre, ils n’ont plus le droit de couper les arbres. Ils doivent sûrement être embêtés, car ils n’ont pas pu tout couper. Théoriquement, on est tranquilles, mais on ne fait plus confiance à personne.

👉 Retrouvez l’intégralité de cet entretien, où il est question de l’avancée des travaux de la A69, d’une nouvelle pétition en ligne et de la mobilisation des opposants au projet d’autoroute sur vert.eco

Les Utopiennes : des géographes-poètes en 2043

Dans l’ouvrage collectif Les Utopiennes, des nouvelles de 2043, paru aux éditions La mer salée, le chercheur Damien Deville et l’illustratrice Julianne Sedan proposent une nouvelle géographie des liens, en forme de danse. Extraits.

Nous renouons enfin avec une ère longtemps invisibilisée, de nouveau dévoilée, où les géographes sont également des poètes. Ils et elles manient les croquis, les vers et les aquarelles avec aisance et donnent à l’observation de l’espace une sensibilité particulière. À la manière d’un cristal de glace si fin qu’il en devient transparent, leurs dessins savent dévoiler l’invisible, dire ce que notre vocabulaire ne sait dire, écouter ce que nos yeux ne savent entendre et comprendre ce que nos sens ne savent directement déceler. Un espace n’est pas seulement un outil technique d’aménagement du territoire ou même une démarche politique, comme si les lieux étaient neutres et les cartes codifiées. Un territoire est un lieu dont les populations héritent, qui les traverse et les influence. Le relief, la couleur de la terre, la myriade de symboles, récits et mythes, guident en partie les corps et les esprits. C’est une danse permanente, un tempo, où vivant·es et lieux se forgent une destinée commune.

© Julianne Sedan / Les Utopiennes, des nouvelles de 2043, La mer Salée

Nous renouons enfin avec une ère longtemps invisibilisée, de nouveau dévoilée, où les géographes sont également des poètes. Ils et elles manient les croquis, les vers et les aquarelles avec aisance et donnent à l’observation de l’espace une sensibilité particulière. À la manière d’un cristal de glace si fin qu’il en devient transparent, leurs dessins savent dévoiler l’invisible, dire ce que notre vocabulaire ne sait dire, écouter ce que nos yeux ne savent entendre et comprendre ce que nos sens ne savent directement déceler. Un espace n’est pas seulement un outil technique d’aménagement du territoire ou même une démarche politique, comme si les lieux étaient neutres et les cartes codifiées. Un territoire est un lieu dont les populations héritent, qui les traverse et les influence. Le relief, la couleur de la terre, la myriade de symboles, récits et mythes, guident en partie les corps et les esprits. C’est une danse permanente, un tempo, où vivant·es et lieux se forgent une destinée commune.

Une minute pour savoir si tu as des «bombes carbone» près de chez toi

Retarde et ment. Dans la dernière vidéo réalisée en collaboration avec Konbini, Loup Espargilière, rédacteur en chef de votre newsletter préférée, présente la première carte du monde des bombes carbone. En 59 secondes chrono, il explique comment ces puits de gaz, de pétrole ou ces mines de charbon menacent de faire littéralement exploser les émissions carbone de l’humanité et quelles sont les entreprises françaises derrière ces beaux projets.

© Vert

+ Loup Espargilière, Jennifer Gallé, Justine Prados et Juliette Quef ont contribué à ce numéro.