La quotidienne

Fossiles : enterrement de première crasse

Alors que les renouvelables ont le vent en poupe, le charbon est cramé, le gaz, éventé, et le pétrole, coulé. Ou presque.


Total boucle son mégaprojet gazier en Arctique, mais sans le soutien du gouvernement français

Arctic moneys. Le géant des hydrocarbures TotalEnergies a trouvé les dix milliards d'euros qui manquaient au budget de son gigantesque projet d'extraction de gaz naturel liquéfié (GNL) « Arctic LNG 2 », mais la France ne compte pas parmi ses soutiens.

Après son immense usine russe de Yamal lancée en 2017, TotalEnergies continue sa ruée vers le Nord. Arctic LNG 2, c'est un projet qui vise à extraire 19,8 millions de tonnes de gaz « naturel » du sol de Sibérie, chaque année, dès 2023. Celui-ci sera liquéfié sur place et acheminé par des bateaux méthaniers brise-glace vers les marchés asiatiques. Une infrastructure d'une folle complexité, dont le coût se monte à 19 milliards d'euros.

Le site de Yamal, situé sur le port de Sabetta (Russie), en Mer du nord, en 2017 © Maxim Zmeyev / AFP

Mardi, TotalEnergies a annoncé avoir réussi une levée de dette de 9,5 milliards d'euros qui lui permettent de boucler le budget. Parmi les financeurs, on trouve des banques chinoise, russes, japonaises, italiennes ou encore, allemande, rapportent les Echos. Mais aucune banque française ne figure au tableau. En outre, la Banque publique d'investissement (BPI) n'a pas accordé de garantie à l'export à ce projet, également porté par le géant russe Novatek, ainsi que des compagnies chinoises et japonaises.

Quelques jours seulement après la COP26, le concours de la France aurait particulièrement fait tâche. D'autant plus qu'à Glasgow, le gouvernement a rejoint l'alliance « Beyond oil and gas » (Boga), qui veut amorcer la fin progressive du soutien au pétrole et au gaz (Vert). Les ONG opposées de longue date à l'expansion arctique de Total savourent : « Le retrait de la France d’un tel projet est un signal fort, indique Anna-Lena Rebaud, chargée de campagne aux Amis de la Terre. Emmanuel Macron admet indirectement que continuer à extraire du gaz est problématique pour le climat et la biodiversité. Ce faisant, il désavoue sa propre politique adoptée en 2020 qui permet à la BPI de soutenir des projets d’exploitation gazière jusqu’en 2035. »

Ce nouveau projet de TotalEnergies est manifestement incompatible avec l'atteinte des objectifs climatiques mondiaux. Au printemps, l'Agence internationale de l'énergie (AIE) avait déterminé qu'il faudrait abandonner immédiatement tout nouveau projet pétrolier ou gazier pour avoir une chance de contenir le réchauffement à moins de 1,5°C d'ici 2100 - l'objectif de l'Accord de Paris.

· En 2020, les dépenses publiques et privées en faveur de la transition écologique ont atteint 45 milliards d’euros en France, selon une étude du think tank Institute for Climate Economics (I4CE) parue mercredi. Celles-ci incluent notamment les rénovations de logements, l'achat de véhicules électriques ou hybrides, l'investissement dans les transports en commun ou dans les énergies renouvelables. Si ce chiffre est en hausse de 10% en un an, « il faudrait 13 à 15 milliards d’euros d’investissements publics et privés supplémentaires, chaque année jusqu’en 2023, et environ le double jusqu’en 2028 » pour atteindre les objectifs climatiques de la France, indiquent les auteur·rices.

· La crise climatique pourrait ne pas être le principal facteur de la famine qui sévit actuellement à Madagascar, selon un rapport du World weather attribution - un réseau international de scientifiques spécialistes des liens entre événements extrêmes et climat. Dans ce cas précis, la faiblesse des précipitations à l'origine de la sécheresse-record qui sévit sur l'île ne serait pas improbable en-dehors du dérèglement climatique. Les chercheur·euses pointent du doigt la « vulnérabilité » du système alimentaire malgache, très dépendant des précipitations et peu préparé à encaisser une sécheresse prolongée.

Le tweet retrouvé, malgré sa suppression, par Julie Henches

L'ironie est Total. Lundi, dans un post sponsorisé (une publicité) sur Twitter, la fondation TotalEnergies a applaudi le voyage de « Baptiste, Clément, Lana, Margot, Olivier et Niels » en direction de l'Antarctique, où ces étudiant·es de l'Ecole normale supérieure mèneront « une étude sur le changement climatique et l’empreinte humaine sur l’environnement ». Peut-être pourront-ils également mener une étude sur le culot de TotalEnergies, alors que des scientifiques viennent de révéler que la firme avait connaissance de son impact sur le climat dès 1971 (Vert). Pire : l'expédition, soutenue par la fondation d'entreprise, est baptisée « Antarctique 2.0°C ». Autrement dit, elle promeut sans le dire un objectif moins ambitieux (2°C) que celui, martelé par les scientifiques du Giec et les organisateurs de la COP26, de contenir le réchauffement à moins de 1,5°C d'ici la fin du siècle. La différence entre les deux ? Deux fois plus d'écosystèmes altérés, la mort de 100% des coraux, deux fois plus de personnes exposées à des pénuries d'eau ou encore, une hausse des océans de 10cm de plus d'ici 2100. Largement moquée, la fondation TotalEnergies a fini par retirer son tweet.

Les renouvelables continuent leur essor mondial

Elles ont le vent en poupe. Malgré la pandémie, le développement des énergies renouvelables connaît de nouveaux sommets en 2021.

Avec 290 gigawatts (GW) de capacités installées cette année, l'éolien, le solaire, la géothermie et les autres sont en passe de battre le précédent record, qui date de 2020. C'est ce que vient de révéler l'Agence internationale de l'énergie dans son dernier rapport, paru mercredi.

Son président, Fatih Birol, a applaudi « cette preuve supplémentaire qu'une nouvelle économie mondiale de l'énergie est en train d'émerger ». Selon les prévisions de l'AIE, les renouvelables représenteront 95% du total des nouvelles capacités mondiales de production d'électricité installées entre aujourd'hui et 2026. La production renouvelable devrait croître de plus de 60% dans cet intervalle pour atteindre 4 800 GW. Soit l'équivalent des capacités actuelles des centrales fossiles et nucléaire combinées. Le solaire photovoltaïque devrait compter pour la moitié de cette hausse.

Cette croissance est notamment portée par la Chine et l'Inde, ainsi que l'Europe et les Etats-Unis. La récente envolée des prix des matériaux et du transport, qui renchérissent la construction de nouvelles capacités, n'a pas freiné cette inexorable progression. Mais elle pourrait compliquer son développement si elle venait à durer.

Permis d'installation, acceptabilité sociale des projets, ou encore, rémunération insuffisante de l'électricité renouvelable... L'AIE appelle les Etats à lever certains freins pour accélérer cette transition. Autre barrière : les coûts encore trop élevés dans les pays en développement.

Car malgré des chiffres encourageants, cet essor est encore bien trop lent pour le climat. Afin d'atteindre la neutralité carbone d'ici le milieu du siècle, comme s'y sont engagés de très nombreux Etats, le rythme devrait être deux fois plus rapide, indique l'AIE. En outre, ce mouvement doit s'accompagner de la sortie rapide des fossiles, comme l'avait indiqué l'agence en mai dernier.

Le cauchemar des cochons « Préférence » de Herta

Ce jeudi, l'association L214 dévoile une nouvelle enquête en vidéo, tournée en août et septembre dans un élevage de cochons d'Ortillon (Aube). Celui-ci fournit la « filière Préférence » du géant Herta, vantée comme étant plus « respectueuse de l'environnement et du bien-être animal ». Hélas, les images – souvent insoutenables - de l'association montrent de nombreux actes de cruauté, tels que la castration à vif par déchirement des tissus, la coupe des dents et des queues des porcelets, des coups portés à des truies, des cochons malades, traumatisés, agonisants. Nombre de ces scènes relèvent d'infractions, selon L214, qui annonce porter plainte contre Herta.

© L214

+ Juliette Quef a contribué à ce numéro