Chères toutes et chers tous,
La COP26 entre dans sa dernière ligne droite et notre équipe continue à se plier en quatre pour vous en proposer un autre récit, et vous faire entendre toutes les voix de cet événement crucial. Nous espérons que ces éditions spéciales vous plaisent ! Dès lundi prochain, Vert retrouvera son format habituel.
Bonne lecture !
Elles sont la clef de la lutte contre le réchauffement, ainsi que des empêcheuses de négocier en rond : les femmes du monde méritent toute l'attention des dirigeant·e·s.

« La COP est le seul forum sur le climat où tous les pays sont à égalité »
Pourparlers. Alors que la fumée des annonces se dissipe, l'attention se concentre désormais sur les négociations formelles. Experte climat au sein de l'association Care France qui fait partie des ONG observatrices des discussions, Fanny Petitbon explique leur déroulement.
La première semaine de la COP26 a été marquée par un torrent d’annonces. Mais que s’est-il passé pendant ce temps-là dans les salles de négociations ? Et où en est-on ?
Effectivement, on a rarement vu autant d’annonces à une COP. Mais il faudra vraiment attendre que l’encre sèche pour connaître leur portée réelle. Côté négociations, la tension est montée d’un cran ce week-end car les ministres sont arrivés lundi pour reprendre la main ! Les négociateurs ont eu toute la première semaine pour avancer sur de nombreux points relatifs à la mise en œuvre de l’Accord de Paris. Mais la plupart des sujets majeurs restent ouverts et ce sera aux ministres d’essayer de résoudre les blocages. Certains sont des points d’achoppement depuis la COP21, comme la mise en œuvre des marchés carbone (Vert).

Il y a aussi des choses très techniques comme la mise en œuvre d’un cadre de transparence renforcé pour s’assurer de l’effectivité des mesures prises par les pays. Concrètement, il s’agit de définir un format commun de tableaux dans lesquels les pays devront rentrer des données très précises sur les efforts qu’ils font et ainsi permettre de les comparer. C’est peu médiatique mais c’est la colonne vertébrale de l’Accord de Paris ! Enfin, les pays en développement nourrissent beaucoup d’attentes sur le financement climatique. Ils subissent de plein fouet les effets du changement climatique alors qu’ils en sont les moins responsables. Les pays ont promis de leur transférer des fonds mais j’ai peur qu’on tombe tous de très haut, car en réalité ils rechignent à mettre vraiment la main au portefeuille.
Comment se passent concrètement les négociations ?
Sur l’avancée concrète des négociations, la première semaine est dite « technique » alors que la deuxième est « politique ». Pendant la première semaine, un binôme de facilitateurs [constitués d’un représentant d’un pays en développement et d’un autre, issu d’un pays développé] est désigné pour chacun des sujets. Il prépare un projet de texte et réunit les pays en session pour qu’ils s’expriment dessus. Au fur et à mesure des sessions, le texte évolue. Les négociateurs sont en lien avec leurs États qui leur donnent mandat, ou non, pour faire évoluer leur position au fur et à mesure des sessions. Lors de la deuxième semaine, les ministres ramassent les copies et avancent entre eux sur les points qui bloquent. Ce sont souvent des journées très longues, parfois très tendues car un seul vote contre suffit pour faire échouer le consensus.
Retrouvez l’interview en intégralité sur vert.eco.

Good COP. Le réseau Conscious Advertising Network (CAN), qui cherche à rendre la publicité plus éthique, a publié hier une lettre ouverte adressée aux négociateur·rice·s de la COP26 et aux grandes plateformes numériques pour leur demander de lutter contre la désinformation climatique. Actuellement signée par plus de 250 personnalités engagées pour le climat, marques et publicitaires, le texte réclame une définition universelle de la désinformation climatique et la mise en place de règlements pour lutter contre par toutes les grandes plateformes numériques. Début octobre, le CAN a déjà obtenu auprès de Google et YouTube une modification de leur règlement, interdisant désormais les publicités et la monétisation des contenus qui « contredisent le consensus scientifique bien établi autour de l’existence et des causes du changement climatique » (Le Monde).
À point ou brûlant ? Les engagements annoncés à la COP26 sont scrutés de près pour déterminer sur quelle trajectoire de réchauffement nous nous situons. Basées sur les promesses faites par les Etats depuis le début de la COP26, de nouvelles estimations du Climate action tracker (CAT) prédisent une hausse des températures de 2,4°C d’ici 2100, « si tous les gouvernements remplissent leurs objectifs pour 2030 ». « Mais les politiques actuelles nous mènent plutôt vers 2,7°C », ajoute le groupe de scientifiques indépendant·e·s. Soit bien loin l’objectif de l’Accord de Paris qui veut contenir le réchauffement « bien en-dessous » de 2°C, et si possible à 1,5°C. Le CAT a ébauché un scénario optimiste, à +1,8°C. Mais pour y parvenir, il faudrait notamment que toutes les annonces de neutralité carbone soient remplies. Or, la plupart des gouvernements (94%) n'ont pas assorti cette promesse de plan concret pour y parvenir.
Make our planet great again. La France est de plus en plus isolée sur le sujet de l'arrêt des financements aux projets sur les énergies fossiles à l'étranger. Après les Pays-Bas, l'Allemagne a annoncé, mardi, qu'elle rejoignait cette initiative dévoilée la semaine dernière, qui compte désormais 29 pays engagés à suspendre ces financements à partir de 2022. Mais toujours pas la France. L'ONG Oil Change International, qui milite pour la transition énergétique, estime que 21,7 milliards de dollars (18,7 milliards d'euros) vont ainsi pouvoir être redirigés chaque année vers des énergies « propres ». Par ailleurs, l'Agence internationale de l'énergie avait déjà avancé que les investissements dans tous nouveaux projets fossiles devaient être immédiatement suspendus pour espérer limiter le réchauffement climatique à 1,5°C (Vert).

Mieux prendre en compte les liens entre genre et climat dans les négociations
Fais pas genre. La vulnérabilité au changement climatique et les inégalités de genre sont deux injustices qui se cumulent, particulièrement dans les pays du Sud. Un sujet encore trop timidement abordé à la COP26.
Le genre était au programme de la COP, ce mardi. Hélas, il y eut peu d’annonces concrètes. La Bolivie, l’Équateur ou la Suède ont promis de renforcer leur prise en compte des inégalités de genre dans leurs stratégies climatiques (CCNUCC) ; le Royaume-Uni a aussi annoncé une enveloppe de 165 millions de livres (environ 190 millions d’euros) pour financer des projets qui mêlent genre et climat. Il ne s'agit pas d'argent nouveau mais d’une portion de l’aide britannique au développement redirigée vers ces questions-là.
Les femmes sont particulièrement vulnérables au changement climatique. 80% des personnes déplacées par la crise climatique sont des femmes et des enfants, selon l'ONU. Dans les sociétés rurales traditionnelles, elles sont responsables des ressources (eau, bois), dont la raréfaction implique une surcharge de travail. L’accès différencié à l’éducation ne leur permet pas de disposer des mêmes ressources (savoir nager, par exemple) pour réagir en cas de choc climatique. Deux études citées par l’Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) ont calculé que les femmes et les enfants représentaient 96% des victimes des inondations mortelles aux Îles Salomon en 2014, et qu’elles et ils ont globalement 14 fois plus de chances que les hommes de mourir lors d’une catastrophe naturelle.
En 2015, l’Accord de Paris intègre pour la première fois l’idée que l’adaptation doit être « sensible à l’égalité des sexes ». Quatre ans plus tard, à Madrid, un plan d’action sur « les questions de genre et de changements climatiques » est ratifié. Il prévoit d'améliorer la prise en compte des inégalités femmes-hommes au niveau international (avec des financements sensibles au genre par exemple) mais aussi au niveau des États à travers les Contributions déterminées au niveau national (NDCs). Vendredi dernier, une décision a été adoptée à Glasgow pour réaffirmer les principes de cet engagement. Elle reste cependant non-contraignante.
« On avance doucement mais sûrement », estime Fanny Petitbon. Comme l'a montré un récent rapport de son association Care, les États « champions » sont sans exception des pays du Sud comme les Îles Marshall, le Cambodge, le Népal, le Kenya, le Honduras ou encore la Papouasie-Nouvelle-Guinée. Des pays particulièrement touchés par le changement climatique, où « la collaboration avec toutes les populations vulnérables n’est rien de plus qu’une question de survie ».
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+ Loup Espargilière, Justine Prados, Anne-Claire Poirier et Juliette Quef ont contribué à ce numéro