La quotidienne

Donner sa langue aux chars

Chères toutes et chers tous,

C'est 🔥 Ce 🔥 Soir 🔥 !

Venez souffler la deuxième bougie de Vert en compagnie de toute la clique du climat et de la presse indépendante (avec Edwy P. au microphone) et des plus de 300 inscrit·es à cette bouillante soirée !

📅 Les festivités débuteront à 19h ce mercredi 23 mars à la Recyclerie (Paris 18). Pour consulter le programme des festivités et prendre un billet (gratuit), cliquez ici (le lien inséré hier n'était pas le bon, voilà qui est réparé) !


L'agriculture industrielle est prête à tous les simulacres pour nous faire oublier son goût si âcre.


Au motif de la guerre en Ukraine, l'Europe met en pause le verdissement de son agriculture

Le bonheur est dans le prétexte. Au nom de la sécurité alimentaire, la Commission européenne devrait officialiser, ce mercredi, une série de dérogations aux règles environnementales afin de booster sa production agricole. Le volet agricole du pacte vert européen - ou Green deal - est aussi remis en question.

Plus d'un quart des exportations mondiales de blé viennent de Russie et d'Ukraine. Raison pour laquelle le conflit qui oppose les deux pays met en péril la sécurité alimentaire de nombreux pays, en particulier en Afrique. En réponse à cette situation, la Commission européenne présente, ce mercredi, sa feuille de route pour « préserver la sécurité alimentaire et renforcer la résilience des systèmes alimentaires ». Selon la version provisoire révélée par nos confrères de Contexte, il s'agira surtout de contourner les règles environnementales pour libérer le potentiel productif européen.

Ainsi, les surfaces d’intérêt écologique (SIE – des zones où les exploitant·es doivent laisser la biodiversité se développer), en particulier les jachères, seront remises en culture et les États pourront aussi « décider d’autoriser l’utilisation de produits phytosanitaires sur ces terres ». Les limites maximales en matière de résidus de pesticides ou d’OGM (Organismes génétiquement modifiés) pourraient être assouplies afin de faciliter les importations destinées à l’alimentation animale. À moyen terme, la Commission européenne appelle toutefois à poursuivre le verdissement de l'agriculture européenne, prévu dans la stratégie « Farm to fork » (de la ferme à la fourchette), sans quoi « la sécurité alimentaire sera gravement menacée à long terme ».

Cette stratégie fixe plusieurs objectifs à l’horizon 2030, dont la réduction de moitié de l’usage des pesticides, de 20 % de celui des engrais, l’atteinte de 25 % des surfaces agricoles utiles cultivées en bio. D’aucuns redoutent une baisse de rendement sur certaines cultures, de sorte que plusieurs pays, dont la France, poussent à réduire les ambitions.

© Lise1011 / Flickr

Si la défense du « rôle nourricier » de l'Europe semble tomber sous le sens vu le contexte, de nombreux observateurs dénoncent l'impasse des mesures proposées. L'insécurité alimentaire actuelle a bien plus à voir avec l’affolement et la spéculation des marchés qu’avec de réelles pénuries, pointe ainsi le journaliste du Monde Stéphane Foucart dans une tribune. De fait, il est peu probable que l'augmentation marginale de la production européenne fasse substantiellement baisser les cours. Par contre, elle enrichira à coup sûr les plus gros producteurs européens.

Dans une tribune parue vendredi 18 mars, près de 200 agronomes, agroéconomistes et agroécologues européen·nes ont appelé à une transformation du système alimentaire. Elles et ils exhortent à réduire la consommation de viande et de laitages, ce qui permettrait de réserver plus de céréales à la consommation humaine (plus de 60 % des terres arables européennes sont dévolues à l’alimentation des animaux). Les signataires appellent en outre à réduire le gaspillage systémique alors que le blé jeté dans l’Union européenne représente environ la moitié des exportations ukrainiennes.

· En fin de semaine dernière, la Belgique a annoncé qu’elle reculait de dix ans sa sortie du nucléaire, désormais programmée pour 2035. Cette prolongation des deux réacteurs les plus récents coûtera un milliard d’euros et doit « renforcer l’indépendance [du] pays vis-à-vis des énergies fossiles dans un contexte géopolitique chahuté », a déclaré le Premier ministre, Alexander De Croo. La Belgique, qui avait inscrit la sortie du nucléaire dans la loi en 2003, a surtout tardé à développer les capacités d’énergies renouvelables suffisantes (Vert). Cette décision présente « un profil de risque qui dépasse, par son caractère imprévisible et par son ampleur, l’activité normale d’un opérateur privé », a réagi l’exploitant Engie dans un communiqué


· Mardi, TotalEnergies a (enfin) promis d'arrêter tout achat de pétrole ou produits pétroliers russes d'ici à la fin 2022. Le groupe assure avoir « engagé la suspension progressive de ses activités en Russie » même s’il reste actionnaire minoritaire de diverses champs gaziers et pétroliers à travers des sociétés russes telles que Novatek (19,4%), Yamal LNG (20%), Arctic LNG 2 (10%) ou Terneftegaz (49%). Précédemment, il avait seulement annoncé qu'il ne financerait plus de nouveaux projets, sans pour autant se retirer du pays. Une position intenable qui lui a valu d'être jugé « complice » de « crimes de guerre » par le candidat écologiste à la présidentielle Yannick Jadot. Des « accusations graves et infondées » dont s'est ému le groupe dans un communiqué.


· L’énergéticien français Engie va accroître ses importations de gaz de schiste américain. L'entreprise a amendé son contrat avec le numéro un américain du gaz naturel liquéfié (GNL), Cheniere Energy, afin d'augmenter de 30% les quantités importées chaque année sur 20 ans. Engie indique « se préparer à toute éventualité du côté des approvisionnements de gaz russe ». Les Amis de la Terre rappellent que ce GNL, majoritairement issu de gaz de schiste - une des méthodes d’extraction les plus sales, émet 20 % d'émissions de CO2 de plus que du gaz conventionnel acheminé par pipeline. - Les Echos

Y a pas que le Covid dans la vie ! Depuis cet été, la France - de même que plusieurs voisins européens - est en proie à une épizootie de grippe aviaire qui a déjà touché près d'un millier d'élevages de volailles, dont certains comptent jusqu'à 10 000 individus. En Vendée, où la propagation du virus est devenue incontrôlable, le ministre de l'agriculture Julien Denormandie a annoncé hier le « dépeuplement » des 525 élevages de la région. Façon élégante de dire que les volailles seront abattues sans distinction, de façon à « repartir sur des bases saines », a promis le président de la Chambre d'Agriculture des Pays de la Loire, Joël Limouzin. La gestion de la crise est aussi « désastreuse » que « scandaleuse » selon plusieurs organisations, telles que la Confédération paysanne ou l’association de protection animale CIWF. Les capacités d’abattage et d’équarrissage sont saturées dans la région où six millions d’oiseaux ont déjà été mis à mort. Faute de mieux, les éleveur·ses doivent enfouir leurs volailles dans des fosses.

Anne Hidalgo peut-elle convaincre que les socialistes se sont convertis à l’écologie ?

Les 70 mesures du programme de la candidate socialiste à l’élection présidentielle sont affichées comme une réponse aux crises sociale, écologique et démocratique. Hélas, pendant le quinquennat de François Hollande, avec lequel elle s’est affichée hier soir à Limoges (Haute-Vienne), l’écologie fut un non-sujet. Au-delà des promesses de campagne, Anne Hidalgo peut-elle convaincre de l’évolution idéologique de la social-démocratie ?

« Anne Hidalgo n’a pas besoin de faire ses preuves en matière d’écologie », martèle Serge Orru, ancien conseiller auprès de la maire de Paris, aujourd’hui président du conseil d’orientation de l’Académie du climat – un lieu d’information sur les défis climatiques, à Paris. « Elle a subi assez de railleries et de sarcasmes dans la capitale pour savoir comment ces sujets peuvent être mis en pratique avec courage », dit-il encore à Vert.

Si ses actions en matière de mobilité douce et de rénovation thermique des logements ont été saluées, la maire de Paris a en revanche été critiquée pour la bétonisation et le manque de végétalisation de la capitale. Dans son programme (que nous détaillons dans la version longue de cet article), soutenu par le climatologue Jean Jouzel, l’écologie est présentée comme le « combat du siècle » à mener aussi bien sur le front de l’emploi, de la justice sociale et des réformes institutionnelles.

Le Réseau action climat, qui fédère une trentaine d’associations, est plutôt mitigé quant au programme d’Anne Hildalgo, qualifié à plusieurs reprises d’« imprécis » sur la sortie des engrais azotés ou de l’élevage industriel, la décarbonation de l’industrie, ou le passage à une énergie 100 % renouvelable en 2050. © Réseau action climat

Malgré les bonnes intentions, son « projet d’écologie concrète » – ainsi que le présente Jean­Marc Germain, conseiller régional d'Île-de-France –, ne lui permet pas de décoller dans les sondages. Ancien membre du PS, aujourd’hui président du think tank La fabrique écologique, Géraud Guibert estime que les électeur·rices ne sont plus dupes : « le quinquennat Hollande a été une catastrophe sur le front de l’écologie : sa gestion au jour le jour, sans perspective de long terme ni compréhension des enjeux, fut une démonstration flagrante de l’absence de prise en charge prioritaire de l’écologie au PS ».

« Le souci n’est pas tant lié à ce qui est dans le programme qu’à ce qui n’y est pas : les mesures sont vagues et imprécises dans le temps alors qu’il y a urgence », confie un ancien élu, déçu du PS et de ses ambivalences. Pour Géraud Guibert, c’est une question de logiciel : « cette vieille gauche voit ces enjeux comme un motif d’investissement et un relais de croissance. Mais la social-démocratie n’est plus un horizon historique : elle n’a pas changé son rapport au productivisme ni réfléchi aux modalités de création de richesse ».

© Brut

Quand la crise du pétrole entraînait un retour en force du vélo

Coût de pompe. Voilà plusieurs semaines que les prix des carburants s’envolent et... ce n’est pas la première fois. Lors du choc pétrolier de 1973, plusieurs États européens - dont la France - avaient mis en œuvre des mesures de restrictions d’essence, provoquant le retour en force du vélo. Presque cinquante ans plus tard, aucune des mesures annoncées par le gouvernement ne cherche véritablement à réduire notre consommation de pétrole. « On ne traite que les conséquences de ce choc pétrolier mais pas les causes, qui sont à trouver dans notre dépendance au pétrole », explique sur Twitter le spécialiste des transports Aurélien Bigo, que Vert avait interviewé.

+ Loup Espargilière, Anne-Sophie Novel et Barbara Pagel ont contribué à ce numéro