L'hebdo

Casser les urnes

Finis les vilains garnements, les écologistes se rapprochent des gouvernements.


En Allemagne, les douze travaux écologiques de l'après-Merkel

Tschüss dans le bus. Les défis écologiques sont nombreux en Allemagne, qui s'apprête à désigner le ou la successeure à Angela Merkel lors des élections fédérales de ce dimanche.

Après plus de quinze ans au pouvoir, Mutti s'en va. Les suivants trouveront sur son bureau certains dossiers brûlants. Celui du nucléaire tout d'abord. Après la catastrophe de Fukushima, en 2011, la chancelière autrefois pro-nucléaire a effectué un impressionnant revirement, qui a conduit le pays à abandonner progressivement l'atome. Mis à part l'extrême droite (AFD), aucun des candidats ne souhaite remettre en cause le calendrier, qui prévoit la fermeture de la dernière centrale en 2022.

La sortie du nucléaire a été en partie compensée par un très fort développement des énergies renouvelables, dont la production a été multipliée par 2,5 en dix ans (Alternatives-économiques). La production et la consommation de charbon a également baissé depuis 2010, mais le pays compte toujours dessus pour un quart de sa production d'électricité. Les Verts et la gauche radicale de Die Linke plaident pour une sortie définitive de l'hydrocarbure en 2030 ; les sociaux-démocrates (SPD) et conservateurs (CDU) s'en tiennent à la date programmée par Merkel : 2038.

La chancelière (CDU) Angela Merkel, en 2013 © Parti populaire européen

L'Allemagne a fait de gros progrès depuis 30 ans, mais elle émet toujours beaucoup de CO2 : 9,7 tonnes par habitant, contre 6,5 en France (Bureau fédéral de l'environnement). Contrainte par la justice, Angela Merkel a fixé de nouveaux objectifs climatiques au printemps 2021 (Vert) : -65% de CO2 d'ici 2030 par rapport à 1990, et la neutralité carbone en 2045.

Pour respecter ce calendrier, le ou la nouvelle chancelière devra accélérer la transition dans la puissante industrie automobile. Les constructeurs ont multiplié les annonces à l'occasion du dernier salon de l'auto, qui s'est tenu en septembre à Munich : Volkswagen promet 50% de voitures électriques vendues en 2030 et sa marque Audi sera 100% électrique dès 2033, rapporte Mediapart dans un riche article sur le sujet. Vitesse maximale autorisée, fiscalité… les sujets à traiter seront nombreux pour décarboner ce secteur.

Les sondages prédisent des scores serrés, qui imposeront au vainqueur de former une coalition, à laquelle les Verts ont de bonnes chances de participer. Mais dans le cas d’une alliance qui irait du SPD à la CDU, sur le modèle de la große Koalition qui gouverne depuis 2018, les mesures écologiques les plus urgentes risqueraient d’être fortement édulcorées.

· Mardi, à la tribune de l'assemblée générale des Nations Unies, le président chinois Xi Jinping a annoncé que son pays ne « construirai[t] plus de centrales à charbon à l'étranger ». Première consommatrice de charbon au monde, la Chine investit à tour de bras au travers de ses banques dans la construction de centrales en Asie et en Afrique (La Tribune). Malgré la bonne volonté affichée, en août dernier, la Chine a rouvert 15 de ses mines de charbon pour répondre à la reprise de l'économie (TV5 Monde). - Le Monde (AFP)

· Mardi encore, le tribunal correctionnel de Bar-le-Duc (Meuse) a condamné six opposant·e·s au projet Cigéo d'enfouissement de déchets nucléaires dans la Meuse, dont deux à des peines de prison ferme. Elles et ils ont notamment été reconnu·e·s coupables d'avoir organisé une manifestation non déclarée le 15 août 2017. Le chef d'« associations de malfaiteurs » n'a pas été retenu par les juges, une « victoire politique » pour l'un des avocats des prévenu·e·s. Dans ce dossier hors-norme, la police avait déployé des moyens d'écoute et de coercition colossaux pendant des années, comme l'avaient révélé Mediapart et Reporterre.

· Mercredi, la Cour de cassation a annulé la condamnation de huit « décrocheurs de portraits » bordelais. En septembre 2020, elles et ils avaient écopé en appel d’amendes de plusieurs centaines d’euros pour avoir dérobé des photos d’Emmanuel Macron dans des mairies en 2019. La plus haute juridiction judiciaire n’a pas retenu l’« état de nécessité » invoqué par les militants pour justifier leur geste, qui visait à alerter au sujet de l’inaction du président en matière de climat. Mais la Cour a cassé le jugement au nom de la liberté d’expression. L’affaire sera rejugée devant la cour d’appel de Toulouse. Dans le cadre de la campagne « Décrochons Macron », lancée en 2018 par l’association ANV-COP21, quelque 150 portraits avaient été subtilisés dans autant de mairies françaises.

· Finalistes de la primaire écologiste, Yannick Jadot et Sandrine Rousseau s'affrontent lors du second tour du scrutin, qui se déroule en ligne à partir de ce samedi et jusqu'à mardi. Lisez notre article sur vert.eco pour en savoir plus sur leurs projets respectifs.

5 µg/m3

Il y a de quoi broncher. Mardi, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a révisé ses seuils d'exposition à la pollution de l'air, responsable chaque année de la mort prématurée de 7 millions de personnes à travers la planète (ONU). La limite d’exposition annuelle à ne pas dépasser pour les particules fines PM2,5 (d’un diamètre inférieur à 2 micromètres) est divisée par deux : elle passe de 10 microgrammes (µg) par mètre cube à 5 µg/m3. Ces particules fines sont émises par les transports, l'industrie ou l'agriculture. L'agence de l'ONU a aussi revu à la baisse les seuils d'exposition aux particules fines PM10, au dioxyde d'azote, à l'ozone, au dioxyde de soufre et au monoxyde de carbone. Les seuils précédents dataient de 2005. Depuis, de nouvelles données ont démontré l'impact néfaste sur la santé de la pollution de l'air « à des concentrations encore plus faibles qu'on ne le croyait auparavant ».

· C'est érable. Lundi soir, Justin Trudeau a été réélu premier ministre du Canada à l'issue d'élections fédérales anticipées. Le grand perdant n'est pas son adversaire conservateur Erin O'Toole mais bien l'environnement : soutien inconditionnel de l'exploitation de pétrole issu de sables bitumineux, le chef de gouvernement libéral a contribué à faire augmenter les émissions de son pays entre 2015 et 2019. Un cas de figure inédit parmi les pays riches. - Vert

· COFeux. Les feux qui ont dévasté l'Amérique du Nord, la Sibérie et la Méditerranée cet été ont rejeté des quantités inédites de dioxyde de carbone (CO2) dans l'atmosphère. En seulement deux mois, en juillet et août, plus de 2,6 gigatonnes (milliards de tonnes) de CO2 ont ainsi été libérées. A titre de comparaison, la totalité de l'humanité en a rejeté 36 gigatonnes en 2019. - Vert

· Ça jette un froid. Dans l'Arctique, zone critique pour le climat, quelque 222 gisements de gaz ou de pétrole sont actuellement exploités, alerte l'ONG Reclaim Finance dans une étude publiée jeudi. Pire, 377 sites sont soit en cours de développement, soit identifiés avec des réserves connues. S'ils étaient tous exploités, ils relâcheraient plus de 88 milliards de tonnes (gigatonnes) de CO2, soit 22% de ce que l'humanité peut encore émettre avant de dépasser 1,5°C degré de réchauffement. Parmi les entreprises à la manœuvre, les géants Gazprom, ConocoPhillips et le Français TotalEnergies. - Reclaim Finance
 

© Inspiration4

Elon applaudit bien fort. Samedi, les quatre premiers touristes spatiaux transportés par la navette de SpaceX ont retouché terre. Ces quatre Américain·e·s ont survolé plusieurs dizaines de fois la planète à 28 000 km/h depuis leur capsule « Dragon » (AFP). C'est un succès pour le patron de SpaceX, Elon Musk, qui s'est lancé dans une course effrénée avec Jeff Bezos, fondateur d'Amazon, pour démocratiser le tourisme dans l'espace. Et tant pis pour l'apparente contradiction entre sa promesse de trouver une solution à la crise climatique avec son concours Lépine à 100 millions de dollars (Journal du geek), et celle de développer toujours plus le transport aérien, déjà responsable de 5% du réchauffement climatique (Réseau action climat). Pour rappel, le vol spatial de Jeff Bezos et de ses trois clients avait produit en dix minutes 200 à 300 tonnes de CO2 (Guardian), soit les émissions annuelles de vingt à trente Français·es.

Le plein de bonnes nouvelles et de bonnes idées pour ne pas désespérer :

· Une grande couronne pour la petite reine. Depuis plusieurs mois, l'essor du vélo dans la capitale est tel qu'il peut désormais dépasser le trafic automobile sur certains axes. Sur la première quinzaine de septembre, aux heures de pointe, les boulevards Magenta (10ème arrondissement) et Voltaire (11ème) ont vu passer entre 23 et 109% plus de cyclistes que d'utilisateurs de véhicules à moteur, ont découvert les décodeurs du Monde.

· Laisse béton ! A Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), un projet de complexe aquatique menace 4 000 m2 de jardins ouvriers chers aux habitant·e·s. Mais le tribunal administratif vient de suspendre le permis de construire provoquant le retard, et peut-être l'abandon, du chantier. - Vert

· Une pétition qui fait le bzzz. Déjà signée par 800 000 personnes, l’Initiative citoyenne européenne (ICE) « Sauvons les abeilles et les agriculteurs » veut contraindre Bruxelles à éliminer les pesticides et à promouvoir des méthodes agroécologiques. Objectif : 1 million de signatures avant la date butoir du 30 septembre. - Vert

· Argent dormant. 100 milliards d'euros ronflant sur les livrets de développement durable et solidaire (LDDS) pourraient être redirigés tout de suite vers la transition écologique et socialeAujourd'hui, les banques n'ont l'obligation de verser que 10% des montants des LDDS à la transition écologique et 5% à l'économie sociale et solidaire. - Vert

Dures luttes hors des temps. Dans Une histoire des luttes pour l’environnement, ouvrage-kaléidoscope merveilleusement illustré par des pièces originales, quatre historien·ne·s retracent trois siècles de combats pour l’écologie. Une chronique à lire sur le site de Vert

Des engrais qui ne filent pas la frite 

Il est largement utilisé comme engrais pour les pommes de terre et le Maroc en détient les plus grosses réserves : hélas, l'usage du phosphate laisse des traces sur la population locale, l'environnement et jusque dans les assiettes françaises. Dans le dernier épisode de la série « Vert de rage », le journaliste Martin Boudot et des biologistes partent faire des prélèvements pour combler les manques de données sur cette substance minérale et révèlent la bombe à retardement qu'elle détient : le cadmium, un métal cancérigène. Des données qui devraient servir à changer prochainement les seuils acceptés dans les engrais phosphatés.

Engrais maudits (2021), Vert de rage, Martin Boudot, en replay sur le site de France télévisions.

© France Télévisions