Chères toutes et chers tous,
Nous voici revenu·e·s de Glasgow et revoilà votre journal quotidien dans sa version classique. Si la COP26 n'aura pas tenu ses promesses, nous y envoyer n'aura pas été vain. Merci encore pour votre précieux soutien, qui nous a permis de vous raconter toutes les coulisses, les espoirs, les coups d'éclats et les petites combines de ce sommet.
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Pendant que les dirigeants du monde négocient un accord sur le climat au ras des pâquerettes, des activistes français·es font décoller l'opposition au secteur aérien.

Une COP26 pour rien (ou presque)
Elle devait permettre de donner chair à l'Accord de Paris ; la COP26 fut le lieu de nombreux renoncements, qui mettent le monde sur la voie d'un réchauffement catastrophique.
Les images du président britannique de la COP26, Alok Sharma, en larmes au moment de clore le sommet, ont déjà fait le tour du monde. « Profondément désolé » de la manière dont se sont achevées les négociations, celui-ci s'est justifié ainsi : « il était vital de protéger cet accord ». Cet accord, c'est le « Glasgow climate pact », signé, samedi soir, par l'ensemble des 196 membres de la 26ème conférence des parties (COP26) des Nations unies sur les changements climatiques.
La sortie des fossiles, tranquille
Pour la première fois dans une COP, le texte mentionne les énergies fossiles, principale cause du réchauffement. Une première version de l'accord promettait d'accroître les efforts vers la « sortie » du charbon et des subventions « inefficaces » aux énergies fossiles. Mais, en dernière minute, la Chine et l'Inde ont obtenu de remplacer « sortie » par « diminution », amoindrissant fortement la portée du texte, et provoquant les larmes d'Alok Sharma.
Ci-gît l'objectif de 1,5°C
Alok Sharma l'a assuré, ce nouvel accord permet de « garder en vie » l'objectif de l'accord de Paris de maintenir le réchauffement sous la barre des 1,5°C d'ici la fin du siècle. Or, selon les dernières estimations faites par le Climate action tracker, les engagements individuels (NDCs) et les politiques menées par les Etats mettent toujours la planète sur la voie d'un réchauffement calamiteux de 2,7°C. Pour atteindre cet objectif, des chercheurs avaient récemment estimé que 90% du gaz et 60% du pétrole devraient rester dans le sol.

Adaptation et « pertes et dommages »
La COP26 aura encore aggravé la fracture entre Nord et Sud. En 2009, les pays riches avaient promis de verser 100 milliards de dollars par an (à partir de 2020) aux pays en développement pour leur permettre de s'adapter au bouleversement du climat, une promesse toujours pas honorée à Glasgow.
C'est le corollaire de l'adaptation : la réparation des « pertes et dommages » - les dégâts irréversibles déjà causés par la multiplication des catastrophes liées au climat – était au cœur des négociations. Elle a été balayée d'un revers de main, notamment par l'Union européenne et les Etats-Unis. Les pays industrialisés, qui ont causé la majeure partie du réchauffement en raison de leurs émissions historiques, craignent de se voir tenus pour responsables et attaqués devant des tribunaux. Les dirigeants se sont donnés deux ans pour « discuter d'arrangements » sur les pertes et dommages.
Seul point positif, l'Ecosse et la Wallonie ont chacune promis un million d'euros pour la réparation des pertes et dommages. Un montant dérisoire, mais qui brise un « tabou », des mots de Fanny Petitbon, de l'ONG Care.
Les marchés du carbone, porte ouverte à la compensation
Les négociateur·rice·s ont trouvé une entente au sujet de l'article 6 de l'accord de Paris, qui devait fixer un cadre à deux types de marchés du carbone : l'un pour les Etats, l'autre pour les acteurs privés (notre article à ce sujet). Ces marchés doivent permettre de s'échanger des crédits carbone (sortes de « droits à émettre ») et de réduire, in fine, les émissions. Parmi les points positifs : le double comptage des crédits, qui étaient comptabilisés à la fois dans le pays accueillant un projet de baisse des émissions de CO2 et dans celui qui le finançait, est interdit. Mais ces marchés consacrent le principe de la compensation carbone, permettant notamment aux entreprises les plus polluantes de continuer à émettre, en « compensant » leurs émissions plutôt qu'en les réduisant à la source (notre article sur ce sujet crucial de la COP26).
Les nombreuses organisations qui représentaient la société civile à la COP26 ont unanimement critiqué l'accord obtenu à Glasgow. Une « trahison » de la part des pays riches, qui ont « une nouvelle fois démontré leur manque total de solidarité et de responsabilité dans la protection de ceux qui souffrent des pires impacts du climat », a tancé Tasneem Essop, directrice générale du Réseau action climat international (CAN), fort de quelque 1 500 ONG.

· Vendredi dernier, le gouvernement a réclamé le confinement de tous les élevages de volailles - y compris en plein air - pour éviter l'augmentation des cas de grippe aviaire. L'objectif est d'éviter qu'elles n’entrent en contact avec des oiseaux migrateurs contaminés, alors que le niveau de risque est passé au niveau « élevé » sur l'ensemble du territoire (LCI). L'année dernière, 3,5 millions de volailles avaient été abattues en France pour lutter contre la maladie. Certains variants de la grippe aviaire peuvent être transmis aux humains, comme plusieurs cas ont été rapportés récemment depuis la Chine et la Russie dans des élevages intensifs (Guardian).
· Un cadre d'EDF et ancien membre de la direction de la centrale nucléaire de Tricastin a déposé plainte contre EDF pour « mise en danger de la vie d'autrui » et « infractions au code de l'environnement », a appris Le Monde en fin de semaine dernière. Il dénonce une « politique de dissimulation » d'incidents de sûreté, alors qu'il a alerté à plusieurs reprises sa direction concernant des manquements. L'Autorité de sûreté du nucléaire dément toute dissimulation. Quelques jours auparavant, Emmanuel Macron a annoncé vouloir relancer la construction de réacteurs nucléaires en France afin de « garantir l’indépendance énergétique de la France [et] l’approvisionnement électrique de notre pays, et atteindre nos objectifs, en particulier la neutralité carbone en 2050 » - France info
· Lundi, l'Agence européenne de l'environnement a dévoilé que la pollution aux particules fines avait provoqué la mort prématurée de 307 000 personnes dans l'Union européenne en 2019. Ce chiffre est en baisse de 10% par rapport à l'année précédente, ce que l'agence impute à des efforts pour améliorer la qualité de l'air. Ce niveau reste néanmoins très alarmant, alors que « 178 000 de ces décès auraient pu être évités si tous les États membres de l'UE respectaient les niveaux de qualité de l'air fixés » par l'Organisation mondiale de la Santé.


« J'en ai rien à foutre de réguler »
- Willy Schraen, président de la Fédération nationale des chasseurs (FNC)
Chasse tarée. Mercredi dernier, dans l'émission « Les Grandes gueules » sur RMC, Willy Schraen a été plutôt clair sur ce qu'il pense de la régulation de la faune sauvage. Interrogé sur la diffusion d'images montrant des daims parqués dans un enclos en attendant d'être tués, le patron de la puissante FNC a déclaré que les chasseurs n'avaient pas à jouer le rôle « des petites mains de la régulation ». Un argument pourtant souvent brandi pour justifier l'activité de chasse. Alors que les balles perdues ont tué plus de 400 personnes en 20 ans, Willy Schraen veut proposer aux maires ruraux que les chasseurs assurent un rôle de police de proximité pour lutter contre la « délinquance environnementale » (JDD). En parallèle, une pétition visant à interdire la chasse les dimanches et mercredis vient d'obtenir plus de 100 000 signatures et le Sénat a annoncé qu'il allait étudier cette demande.

Le tribunal relaxe les activistes qui avaient envahi le tarmac de Roissy
Désobéissance civique. Vendredi, le tribunal correctionnel de Bobigny a relaxé les sept activistes qui s'étaient introduit·e·s sur la piste de l'aéroport de Roissy pour protester contre son extension.
En octobre 2020, à l’appel d’Alternatiba, ANV-COP21 et d’autres collectifs, plus de 80 activistes avaient forcé un grillage pour envahir le tarmac de l'aéroport, afin de dénoncer son projet de création d'un nouveau terminal. Vendredi 12 novembre, la justice a estimé que cette action avait eu pour but « d'alerter » au sujet du réchauffement climatique et a relaxé les sept personnes qui étaient poursuivies pour entrave au fonctionnement de l'aéroport. Deux des prévenus ont par contre été condamnés à une amende de 500 euros chacun pour avoir coupé le grillage d'enceinte de l'aéroport.
Le futur terminal contre lequel les militant·e·s protestaient devait permettre d’accueillir jusqu’à 40 millions de passagers supplémentaires par an d’ici 2037. Le projet avait finalement été abandonné en février par l'exécutif – actionnaire majoritaire du groupe Aéroports de Paris – parce qu'il était « obsolète » et « ne correspondait plus à la politique environnementale du gouvernement » (Vert). Ce qui n'avait pas donné lieu cependant à l'abandon des poursuites pénales.

Lors de l'audience début octobre, les prévenu·e·s avaient tenté de faire de leur procès une tribune contre l’inaction de l’État face à la décrue du secteur aérien, jugée nécessaire pour lutter contre le bouleversement du climat (
« C'est vraiment une victoire pour le climat. Les juges nous ont relaxés, ce qui montre qu'on était dans notre bon droit de faire cette action de désobéissance civile, a déclaré l'une d'entre elles et eux. Aujourd'hui, malheureusement, les citoyens n'ont plus le choix que de faire ce type d'action pour contraindre le gouvernement à agir. »

Un hospice pour les animaux en fin de vie
Alexis Fleming, 40 ans, vit dans une ferme en Écosse entourée d'animaux sauvés de l'abattoir, maltraités ou malades. Un reportage d'Arte la montre en train de les bichonner, les gratouiller, les bécoter ou de leur servir des omelettes aux brocolis. Une fois par mois, ils ont aussi droit à une séance de physiothérapie. « Offrir une mort paisible et digne à ces animaux » anime Alexis Fleming, qui a découvert qu'elle était atteinte d'une maladie incurable, décuplant son empathie pour les animaux qui ont eux aussi besoin d'attention.

+ Loup Espargilière a contribué à ce numéro