La quotidienne

100 pas en avant, un pas en Bayer

Chères toutes et chers tous,

🗳️ Les urnes ont parlé. À 60,9%, vous avez choisi que nous répondions à la question «Acheter en vrac permet-il vraiment de réduire les emballages ?» dans le Vert du faux de la semaine prochaine. Rendez-vous dans l'édition de jeudi pour la réponse. 

🏆 La Charte pour un journalisme à la hauteur de l'urgence écologique et Vert, pour l'avoir initiée, font partie des quatre nommé·es au Grand prix du journalisme Michèle Léridon des Assises internationales du journalisme de Tours. Celles-ci se tiendront du 27 mars au 1er avril.


Pendant que certaines firmes défendent le monde d’hier, d’autres construisent celui de demain.


Bayer vole au secours de l’État français, attaqué en justice pour sa mise sur le marché de pesticides

Bayer de rien. Engagé dans un recours auprès du tribunal administratif depuis un an, le gouvernement va peut-être pouvoir compter sur l’aide d’un des plus gros producteurs de pesticides au monde. La demande d’intervention du groupe Bayer doit encore être validée par le juge.

«C’est très surprenant de voir Bayer et l’État du même côté de la barre», s’exclame Cécile Barbière, porte-parole de Pollinis. En janvier 2022, son association, qui se bat pour la protection des abeilles, a déposé une plainte contre l’État, qu’elle accuse d’insuffisances en matière d’évaluation des risques et d’autorisation de mise sur le marché de pesticides. Ce recours fut déposé devant le tribunal administratif de Paris par Pollinis, au côté de quatre autres ONG réunies au sein du collectif «Justice pour le vivant». Un an plus tard, alors que l’instruction est sur le point de se clore, les requérant·es viennent de découvrir que le géant allemand de l’agrochimie Bayer, qui a absorbé Monsanto en 2018, avait déposé une demande d’intervention pour soutenir l’État dans sa défense.

Prévue par le droit, cette demande déposée le 31 janvier 2023 permettrait à l’entreprise d’ajouter ses arguments au dossier. Sollicité par Vert, Bayer confirme avoir «formulé une demande afin de prendre connaissance de l’état des argumentations sur la question et d’évaluer la nécessité d’intervenir». Cette demande d’intervention devra toutefois être validée par le juge.

Les associations de «Justice pour le vivant» au tribunal administratif de Paris le 10 janvier 2022 © Leslie Fauvel / Pollinis

Si le groupe est déjà intervenu en 2021 en appui d’une procédure au sujet de l’herbicide Round Up que Bayer commercialisait, c’est la première fois qu’une entreprise tente de prêter main forte à l’État dans une affaire qui ne la concerne pas directement.

Pollinis s’inquiète des «moyens sans commune mesure avec ceux des associations et même de l’Etat français» que pourrait déployer le groupe industriel dans sa défense. Après un premier échange d’arguments, le gouvernement, et désormais le groupe Bayer, ont jusqu’à ce vendredi 10 février pour répondre aux observations des ONG.

· Jeudi, les député·es du Rassemblement national et des Républicains ont saisi le Conseil constitutionnel pour contester la loi d’accélération des énergies renouvelables, officiellement adoptée deux jours plus tôt. Les parlementaires considèrent que le texte génère notamment une «rupture d’égalité» entre les producteurs d’énergies renouvelables et les autres énergéticiens. Cette saisine suspend le délai de promulgation de la loi alors que le Conseil constitutionnel a désormais un mois pour statuer. - La Croix (AFP)

· Jeudi encore, le Canada a annoncé un moratoire sur l’exploitation minière des fonds marins dans ses eaux domestiques à l’occasion d’un sommet sur les aires marines protégées. Les ministres des Ressources naturelles et des Pêches et des océans ont aussi appelé à la mise en place d’un cadre international robuste sur la question pour éviter de graves préjudices environnementaux. - The Narwhal

· En 2021, un quart des poissons pêchés en France métropolitaine étaient issus de populations surpêchées (23%) ou effondrées (2%), a révélé l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer) lors de son bilan annuel publié jeudi. La moitié (51%) vient de stocks «durables», c’est-à-dire qu’ils sont jugés en bon état ou reconstituables - un chiffre en stagnation, déplore l’Ifremer. L’Union européenne avait fixé pour objectif d’atteindre 100% de populations pêchées au «rendement maximal durable» (qui permette leur reproduction) en 2020. - Le Monde

«Il faut arrêter les forages et changer de mode de fonctionnement, et que Shell paye enfin pour les dommages qu’ils ont causés»

Tout fioul camp. Depuis dix jours, des activistes de Greenpeace occupent un navire transportant une plateforme qui viendra agrandir un champ pétrogazier de Shell en mer du Nord, entre l’Écosse et la Norvège. Quatre militant·es ont grimpé à bord du bateau en route mardi dernier, rejoint·es par deux autres, dont le Français Pascal Havez, ce lundi. Elles et ils condamnent les profits indécents de la compagnie pétrolière et ses investissements dans de nouvelles exploitations d’énergies fossiles. De son côté, l’entreprise a dénoncé une action qui entraîne des risques de sécurité pour un navire en pleine mer. Dans un entretien à Vert, Pascal Havez raconte les dessous de cette action et les motivations de leur occupation.

100 propositions pour faire basculer le monde économique

Vaste entreprise. Jeudi, une centaine de mesures a été présentée par les 150 délégué·es du «Grand défi», une assemblée du monde économique tirée au sort. Objectif ? Inciter les entreprises à se mettre au diapason de l’urgence écologique.

À l’issue d’un an de travail, le Grand défi a rendu sa copie ce jeudi au siège du Conseil économique social et environnemental (Cese), à Paris. Initié par la géopolitologue et présidente du Giec Pays de la Loire, Virginie Raisson-Victor, et le directeur d’Engage, Jérôme Cohen, ce processus s’est inspiré de la Convention citoyenne pour le climat. La mission du Grand défi ? «Accélérer la transition écologique des entreprises afin de mettre en place un système économique compatible avec les objectifs de neutralité carbone en 2050 en s’appuyant sur les parties prenantes», explique à Vert Virginie Raisson-Victor.

150 délégué·es tiré·es au sort ont élaboré cent propositions qui touchent à la communication, au financement, au cycle de vie d’un produit ou d’un service. Celles-ci couvrent des mesures qui pourront être mises en place par les entreprises elles-mêmes, comme «former massivement les salariés et les administrateurs» ou «indexer les rémunérations variables sur la performance environnementale», mais aussi des décisions réglementaires de planification et de réglementation qui dépendent des pouvoirs publics, telles que «faire de la biodiversité une grande cause nationale» ou «mettre en place un plan de recherche low tech»

Les acteur·rices engagé·es dans le Grand défi, réuni·es à l'Académie du climat à Paris. © Fabien Breuil

Pour aboutir à ces propositions solides, la formation des délégué·es a été primordiale. «Personne n’y échappe, même les plus réticents : on voit une communauté se fédérer très vite autour des enjeux et la nécessité de trouver des solutions», relève Virginie Raisson-Victor.

Prochaine étape : présenter ce vaste plan au gouvernement. Contrairement aux propositions de la Convention citoyenne pour le climat qui avaient été pâlement intégrées à la «loi climat et résilience» (Vert), celles du Grand défi n’ont fait l’objet d’aucune promesse de la part d’Emmanuel Macron, de son gouvernement ou de sa majorité.

Les médias se mettent au Vert

Après Nabil Wakim du Monde, Dan Geiselhart de Climax, Thomas Wagner de Bon pote et Paloma Moritz de Blast, c’est au tour de Juliette Quef de répondre aux questions bienveillantes de Julien Le Bot dans le podcast «Les médias se mettent au vert», coproduit par Samsa et Creatis. Dans cet épisode, notre directrice raconte comment Vert tente de transformer le paysage médiatique en faveur de plus d’écologie.

© Samsa

+ Alban Leduc et Juliette Quef ont contribué à ce numéro.