Interview

« Il faut que Shell paie pour les dommages causés » : des activistes de Greenpeace occupent une plateforme pétrogazière en mer du Nord

Depuis dix jours, des activistes de Greenpeace occupent un transporteur de plateforme pétrolière qui viendra agrandir un champ pétrogazier de Shell en mer du Nord. Entretien avec un des militant·es à bord, Pascal Havez.
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Quatre militant·es ont grimpé à bord du bateau en route le 31 janvier, rejoint·es par deux autres, dont le Français Pascal Havez, ce lundi. Le pétrolier Shell a dénoncé une action qui entraîne, selon lui, des risques de sécurité importants pour un navire en pleine mer. Pascal Havez raconte à Vert les dessous de cette action et les motivations de leur occupation.

Est-ce que vous pouvez vous présenter ?

Je m’appelle Pascal, j’ai 55 ans, je fais de l’escalade et de l’alpinisme et je suis artisan depuis plus de 20 ans. Je suis cordiste de métier, et c’est ce qui m’a amené un jour à me dire que je pouvais mettre ça au service d’associations. J’ai commencé à faire des actions avec Greenpeace il y a une quinzaine d’années.

Pascal Havez, l’activiste français à bord de la plateforme Shell, avant son départ. © Marie Jacquemain / Greenpeace

Qu’est-ce qui a motivé cette action-là ?

Dans le contexte actuel, où on essaye de se battre pour l’environnement, où il y a énormément de choses à faire pour améliorer la situation, des sociétés comme Shell font encore construire de nouvelles plateformes pour aller forer dans des lieux comme la mer du Nord [le champ «Penguins» devrait produire quelque 45 000 barils de pétrole ou de gaz par jour, d’après le pétrolier, NDLR]. On a ciblé cette plateforme en particulier, car elle est encore toute neuve, elle n’a même pas encore été entièrement déballée.

On trouve indécent que des entreprises pétrolières qui sont capables d’annoncer publiquement des bénéfices qui s’approchent des 40 milliards [Shell a réalisé 42,3 milliards de dollars, soit 38,8 milliards d’euros, de bénéfices en 2022 – le double de 2021, NDLR] continuent d’investir dans du forage alors qu’on connaît les conséquences que ça peut avoir sur l’environnement et tandis que les gens payent toujours plus cher leur énergie. Notre message, c’est qu’il faut arrêter les forages et changer de mode de fonctionnement, et que Shell paye enfin pour les dommages qu’ils ont causés.

Quelles sont vos conditions de vie à bord ?

En fait, nous occupons un transporteur de plateforme, ce qui veut dire qu’il y a deux parties distinctes : la partie bateau, et la partie plateforme. Nous occupons la deuxième, ce qui fait qu’on n’a pas du tout de contact avec le personnel navigant [qui travaille pour le transporteur et non pour Shell]. Comme toute structure industrielle, la plateforme a des infrastructures prévues pour ses employés, avec des douches, des WC, une cantine. La plateforme n’est pas encore déballée pour l’instant, mais on a accès à une pièce où on est protégés du froid, du vent, de la pluie ou de la neige. C’est là où on dort et où l’on mange. On a eu de la chance d’avoir de belles journées de soleil donc on a aussi pu prendre l’air sur la plateforme.

Les activistes de Greenpeace à bord du navire aident deux autres militant·es à les rejoindre, lundi 6 février. © Greenpeace

Comment se passe la cohabitation avec le personnel du bateau ?

Nous avons eu un très bref contact avec eux au début, mais tout s’est très bien passé et il n’y avait absolument aucune agressivité de leur part. Ils ne sont pas directement concernés par ce qu’on fait, et là où nous sommes installés, nous ne les gênons absolument pas dans leur boulot, ce qui fait qu’il n’y a pas de tensions entre nous.

Cette action est-elle inédite, et à quoi peut-elle servir ?

Non, il y a déjà eu d’autres actions de ce genre-là. En 2013, par exemple, une trentaine d’activistes de Greenpeace avaient grimpé sur une plateforme dans les eaux russes et avaient fini en prison en Russie. L’intérêt de ces grosses actions internationales est qu’elles sont médiatisées dans plusieurs pays. Et avec les années, on remarque que les gens se sentent bien plus concernés par ce qu’il se passe sur le plan environnemental qu’auparavant.

Les activistes ont déroulé une large banderole «Arrêtez de forer, commencez à payer» sur la plateforme pétrolière occupée. © Greenpeace

Combien de temps comptez-vous rester à bord ?

Nous allons jusqu’en Norvège et je ne pense pas qu’on s’arrête dans un port en route. Je pense que notre voyage s’arrêtera-là avec la police locale.

Où êtes-vous actuellement ?

Nous sommes au large des côtes, quelque part au nord de la Hollande. En tout cas, plus on avance, plus les températures chutent. Mais on a tout l’équipement de montagne nécessaire, de l’eau, de la nourriture, des réchauds, des hamacs pour dormir. On a de quoi tenir.

NDLR : L’action a pris fin le dimanche 12 février, après treize jours d’occupation.

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