Reportage

On a couru sur l’A13, fermée à la circulation

Depuis que l’A13, qui relie le boulevard périphérique parisien et l’A86, est fermée, cyclistes et joggeur·ses ont investi la grande route normalement réservée aux véhicules. Vert s’est offert un footing sur l’autoroute. Récit.
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L’autoroute, qui relie Rouen à Paris, est fer­mée depuis le 19 avril en rai­son de fis­sures sur la chaussée. En atten­dant sa réou­ver­ture, prévue pour le 11 mai «sous réserve que toutes les con­di­tions de sécu­rité soient réu­nies», les escar­gots ont envahi ses voies. Venus par cen­taine tra­vers­er ce couloir froid et hos­tile, il me fal­lait être atten­tif, ce mar­di matin, pour ne pas les écras­er au moment de faire mon foot­ing.

Un escar­got tra­verse l’A13, fer­mée à la cir­cu­la­tion. Alexan­dre Car­ré / Vert

Près de la porte d’Auteuil, les gastéropodes sont bien les seuls êtres vivants à s’être aven­turés sur le macadam en ce jour plu­vieux. Aucun joggeur à l’horizon. Me retrou­ver seul dans un espace aus­si grand, qui accueille d’ordinaire des véhicules pro­jetés à plus de 100 km/h, donne un sen­ti­ment post-apoc­a­lyp­tique.

Ce qui me frappe le plus, c’est le silence. Alors que je tra­verse un pont, les immeubles de Paris et la tour Eif­fel se dressent au loin, pen­dant que sous mes pieds coule la Seine. Une con­tem­pla­tion rarement offerte lorsque l’on est enfer­mé dans l’habita­cle d’une voiture. Les con­tours de la ville pren­nent une nou­velle dimen­sion sans le tumulte habituel.

Ce n’est qu’au bout de 45 min­utes de course, alors que celle-ci touche à sa fin, que quelqu’un appa­rait. Un agent de la sécu­rité routière bloque mon pas­sage et me prévient que la police ver­balise les coureur·ses un peu plus loin. Même fer­mée, l’autoroute est inter­dite aux pié­tons.

De retour dans la dense cir­cu­la­tion de Paris, je croise trois chauf­feurs de taxis, sta­tion­nés au bord d’un rond-point, qui atten­dent leur client. Ils me con­fient être gênés par la sit­u­a­tion. «Ce matin, j’ai mis 1 h 30 pour faire un tra­jet que je fais en 45 min­utes d’habitude, explique l’un d’eux. C’est surtout pour les clients que c’est embê­tant. Nous, on s’adapte en prenant d’autres itinéraires». Sur­pris par la fer­me­ture, le 18 avril, ils restent dans le flou quant à la réou­ver­ture de cet axe, emprun­té par 130 000 auto­mo­bilistes quo­ti­di­en­nement.

L’au­toroute A13 tra­verse la Seine sur le via­duc de Saint-Cloud. Alexan­dre Car­ré / Vert

Pour com­penser ce détour, le min­istre des Trans­ports, Patrice Ver­gri­ete, a expliqué mar­di 30 avril que l’État offrirait aux cov­oitureurs la moitié du prix du péage de l’autoroute A14, qui offre un tra­jet alter­natif pour ren­tr­er dans Paris.

Cette mesure ne chang­era rien aux embouteil­lages qui bouchent la ville de Saint-Cloud (Hauts-de-Seine) depuis la fer­me­ture. Sur cet itinéraire de sec­ours priv­ilégié par les auto­mo­bilistes, cer­taines rues sont com­pléte­ment envahies par un bal­let inces­sant de voitures. «Il y a de la cir­cu­la­tion d’habitude, mais là ça n’arrête pas», con­cède Ali, un com­merçant de la ville.

Deux rues plus loin, un poids lourd bloque com­pléte­ment le pas­sage après une manœu­vre com­pliquée dans un virage. «À cause de la fer­me­ture de l’autoroute, cer­tains chauf­feurs s’essayent dans les petites rues de la ville alors qu’elles ne sont pas du tout dimen­sion­nées pour ça», indique une poli­cière en charge de l’incident.

Le traf­ic de l’A13 s’est déporté dans les rues de Saint-Cloud. Alexan­dre Car­ré / Vert

En ren­trant chez moi, j’aperçois les tronçons de la route que j’ai foulé quelques min­utes aupar­a­vant, con­scient que cette par­en­thèse dans le temps ne peut être que tran­si­toire. Elle m’aura, mal­gré tout offert, une con­nex­ion intime avec la ville qui m’en­toure.