L’autoroute, qui relie Rouen à Paris, est fermée depuis le 19 avril en raison de fissures sur la chaussée. En attendant sa réouverture, prévue pour le 11 mai «sous réserve que toutes les conditions de sécurité soient réunies», les escargots ont envahi ses voies. Venus par centaine traverser ce couloir froid et hostile, il me fallait être attentif, ce mardi matin, pour ne pas les écraser au moment de faire mon footing.
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Près de la porte d’Auteuil, les gastéropodes sont bien les seuls êtres vivants à s’être aventurés sur le macadam en ce jour pluvieux. Aucun joggeur à l’horizon. Me retrouver seul dans un espace aussi grand, qui accueille d’ordinaire des véhicules projetés à plus de 100 km/h, donne un sentiment post-apocalyptique.
Ce qui me frappe le plus, c’est le silence. Alors que je traverse un pont, les immeubles de Paris et la tour Eiffel se dressent au loin, pendant que sous mes pieds coule la Seine. Une contemplation rarement offerte lorsque l’on est enfermé dans l’habitacle d’une voiture. Les contours de la ville prennent une nouvelle dimension sans le tumulte habituel.
Ce n’est qu’au bout de 45 minutes de course, alors que celle-ci touche à sa fin, que quelqu’un apparait. Un agent de la sécurité routière bloque mon passage et me prévient que la police verbalise les coureur·ses un peu plus loin. Même fermée, l’autoroute est interdite aux piétons.
De retour dans la dense circulation de Paris, je croise trois chauffeurs de taxis, stationnés au bord d’un rond-point, qui attendent leur client. Ils me confient être gênés par la situation. «Ce matin, j’ai mis 1 h 30 pour faire un trajet que je fais en 45 minutes d’habitude, explique l’un d’eux. C’est surtout pour les clients que c’est embêtant. Nous, on s’adapte en prenant d’autres itinéraires». Surpris par la fermeture, le 18 avril, ils restent dans le flou quant à la réouverture de cet axe, emprunté par 130 000 automobilistes quotidiennement.
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Pour compenser ce détour, le ministre des Transports, Patrice Vergriete, a expliqué mardi 30 avril que l’État offrirait aux covoitureurs la moitié du prix du péage de l’autoroute A14, qui offre un trajet alternatif pour rentrer dans Paris.
Cette mesure ne changera rien aux embouteillages qui bouchent la ville de Saint-Cloud (Hauts-de-Seine) depuis la fermeture. Sur cet itinéraire de secours privilégié par les automobilistes, certaines rues sont complétement envahies par un ballet incessant de voitures. «Il y a de la circulation d’habitude, mais là ça n’arrête pas», concède Ali, un commerçant de la ville.
Deux rues plus loin, un poids lourd bloque complétement le passage après une manœuvre compliquée dans un virage. «À cause de la fermeture de l’autoroute, certains chauffeurs s’essayent dans les petites rues de la ville alors qu’elles ne sont pas du tout dimensionnées pour ça», indique une policière en charge de l’incident.
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En rentrant chez moi, j’aperçois les tronçons de la route que j’ai foulé quelques minutes auparavant, conscient que cette parenthèse dans le temps ne peut être que transitoire. Elle m’aura, malgré tout offert, une connexion intime avec la ville qui m’entoure.
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