Décryptage

Réforme de la sûreté nucléaire : bras de fer à l’Assemblée sur un projet controversé

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Réac­tion atom­ique. Pour accélér­er la relance de l’atome, le gou­verne­ment veut fusion­ner deux organes de con­trôle et d’expertise, l’ASN et l’IRSN. Son pro­jet est de retour cette semaine devant les députés après avoir été rejeté il y a un an. Entre-temps, la con­tro­verse a à peine faib­li.

Désor­mais acquis au nucléaire, le gou­verne­ment veut aller vite, très vite. Au point même de bra­quer ses alliés poten­tiels. Comme en févri­er 2023 quand son pro­jet sur­prise de réforme de la sûreté nucléaire fut présen­té, puis rejeté à l’Assemblée (notre arti­cle). Con­traint de pro­longer la réflex­ion, le gou­verne­ment a atten­du un an avant de soumet­tre aux par­lemen­taires un pro­jet de loi plus abouti… mais à peine moins con­tro­ver­sé.

C’est le cœur de la réforme ; l’absorption de l’Institut de radio­pro­tec­tion et sûreté nucléaire (IRSN — dédié à l’expertise et à la recherche) par l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN — le gen­darme du nucléaire), est cen­sée accélér­er les procé­dures tout en créant une nou­velle autorité plus puis­sante.

Des salarié·es de l’IRSN lors d’une man­i­fes­ta­tion en févri­er 2023. © Anne-Claire Poiri­er

Beau­coup ne l’entendent pas de cette oreille — les salarié·es des deux organ­ismes, mais aus­si des expert·es du secteur pour­tant favor­ables à l’atome. Elles et ils craig­nent, au con­traire, une désor­gan­i­sa­tion du sys­tème, au moment même ou la charge de tra­vail s’accroît con­sid­érable­ment.

Ain­si, alors que l’ASN compte 500 fonc­tion­naires, elle est cen­sée absorber 1 700 salarié·es de droit privé issus de l’IRSN d’i­ci au 1er jan­vi­er 2025. «C’est faire ren­tr­er un très grand rond dans un tout petit car­ré», a indiqué le député LFI Maxime Lais­ney pour résumer ce casse-tête juridi­co-admin­is­tratif. Les activ­ités com­mer­ciales ou mil­i­taires de l’IRSN, non con­cernées par la réforme, seront éparpil­lées dans d’autres struc­tures.

À l’inverse, le fait que les activ­ités de recherche/expertise et la prise de déci­sion soient réu­nies au sein d’une même struc­ture reste très mal perçu. À l’Agence de sécu­rité san­i­taire (Ans­es), où c’est le cas, ce «mélange des gen­res» a con­tribué à «l’érosion de sa crédi­bil­ité», pointait récem­ment un rap­port.

Pour toutes ces raisons, l’examen du texte à l’Assemblée nationale reste semé d’embûches pour le gou­verne­ment. Lors de l’examen en com­mis­sion la semaine dernière, les par­tis de gauche et les cen­tristes du groupe Liot sont par­venus à faire sup­primer l’article-clé du pro­jet de loi qui acte la fusion entre l’ASN et l’IRSN. Mais le gou­verne­ment entend rem­porter le bras de fer en séance publique : «On a une majorité forte­ment mobil­isée sur le texte et qui sera très présente dans l’hémicycle», a promis le cab­i­net du min­istre délégué à l’Énergie, Roland Les­cure.

Hier, une motion de rejet du texte a été con­fort­able­ment repoussée, à 185 voix con­tre 83, grâce aux voix de la droite et du Rassem­ble­ment nation­al. Le gou­verne­ment a égale­ment promis de réin­tro­duire l’article sup­primé par amende­ment dès aujourd’hui.