Glypho en sortir. Les 27 États membres de l’Union européenne (UE) n’ayant pas réussi à se mettre d’accord sur la réautorisation ou non du glyphosate jusqu’en 2033, un nouveau vote est attendu début novembre.
À Bruxelles, aucune majorité qualifiée n’a pu se dégager – dans un sens comme dans l’autre – ce vendredi 13 octobre lors de la première consultation des États membres sur le projet de réautorisation pour dix ans de l’herbicide commercialisé par Bayer, le géant allemand de l’agrochimie. Pour atteindre cette majorité, il fallait rassembler le vote d’au moins 15 États représentant 65% de la population de l’UE, qui comptait en 2022 un peu moins de 447 millions d’habitant·es.
Paris a pesé lourd dans ce résultat, en décidant de s’abstenir. Second pays le plus peuplé de l’UE après l’Allemagne, qui s’est également abstenue – de même que la Belgique, les Pays-Bas, la Bulgarie et Malte –, la France a bloqué le vote, sans pour autant aller dans le sens d’une interdiction. Interdiction pourtant promise en 2017 par Emmanuel Macron, deux ans après le classement de cette substance comme «cancérogène probable» par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Seul·es la Croatie, l’Autriche et le Luxembourg ont voté «contre» cette proposition de réautorisation.
Qu’espère obtenir la France en s’abstenant ? Que la Commission européenne revoie sa copie pour une réautorisation assortie de conditions plus précises. Pas plus. «Très clairement, la France n’est pas opposée à la molécule glyphosate en tant que telle, mais elle estime que nous devons restreindre les usages quand il existe des alternatives», a précisé le ministère de l’Agriculture à Libération après le vote. Le média en ligne Contexte avait révélé ce jeudi que le gouvernement proposait de limiter la réautorisation à 7 ans. Soit la même durée que les autres produits considérés comme les plus dangereux pour leurs effets et leur persistance dans l’environnement et dits «ouverts à la substitution».
«10 ans, 7 ans, 5 ans, cela ne change pas fondamentalement la donne», déplore François Veillerette, porte-parole de l’association Générations futures, interrogé par Vert. «Ce qu’il faut, c’est que Paris s’oppose à la réautorisation de ce produit sur la base des travaux produits par l’Inserm et qui en montrent bien la dangerosité.»
En France, certains se sont montrés moins frileux : Loïg Chesnais-Girard, le président de la région Bretagne, a ainsi proposé de faire de sa région un territoire-test pour expérimenter le retrait total du glyphosate, indique le quotidien 20 Minutes.
Que va-t-il se passer maintenant ?
Les 27 devront à nouveau se prononcer lors de discussions et d’un vote prévu lors de la première quinzaine de novembre, indique la Commission européenne. Une nouvelle tentative de trouver cette majorité qualifiée autour d’un «oui» ou d’un «non». À défaut, la Commission européenne prendra elle-même une décision, l’autorisation de commercialisation de la substance prenant fin le 15 décembre prochain.
En septembre dernier, la Commission avait proposé la réautorisation du glyphosate pour dix ans sur la base de l’évaluation scientifique de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa), sujette à de très nombreuses critiques sur la manière d’élaborer son expertise (notre article).
Peu coûteux et efficace contre les «mauvaises herbes», le glyphosate, commercialisé à partir des années 1970 par la firme étasunienne Monsanto (rachetée par Bayer en 2018), est l’herbicide le plus utilisé au monde. Outre l’OMS, sa dangerosité sur l’organisme a de nouveau été soulignée par l’expertise collective conduite par l’Inserm en 2021.
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