Le vert du faux

Présentiel ou télétravail, quel est le plus écologique ?

Après avoir bondi pendant la pandémie, le télétravail fait son retour à l'abord d'un hiver compliqué, notamment pour les entreprises. Est-il plus vertueux pour l'environnement de rester à demeure plutôt que d'aller au bureau ? Faites le test avec le simulateur proposé par l'Ademe.
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Télé-métro, télé-boulot, télé-dodo. En 2021, un·e salarié·e sur cinq a télé­tra­vail­lé au moins un jour par semaine, selon une étude de l’Insee. Un chiffre qui est mon­té à 28 % pour jan­vi­er 2022 con­tre 4 % en jan­vi­er 2019. À cette époque, le télé­tra­vail était oblig­a­toire trois jours par semaine pour lut­ter con­tre la pandémie. Mais alors que revient l’hiv­er et que cer­taines entre­pris­es ou écoles veu­lent baiss­er leurs fac­tures d’én­ergie, le recours au télé­tra­vail pour­rait s’in­ten­si­fi­er. Quel en sera l’im­pact envi­ron­nemen­tal ?

Un bénéfice certain sur les trajets domicile-travail

Le tra­vail à dis­tance a pour effet prin­ci­pal de sup­primer les tra­jets entre le domi­cile et le lieu de tra­vail et, par con­séquent, les émis­sions de gaz à effet de serre, la pol­lu­tion de l’air et la con­ges­tion routière asso­ciées. Cepen­dant, les déplace­ments annex­es — amen­er les enfants à l’école, faire ses cours­es, aller au sport — demeurent. Les déplace­ments sont tout de même réduits de 5,5 kilo­mètres un jour de télé­tra­vail con­tre 9 kilo­mètres aupar­a­vant. L’Agence de la tran­si­tion écologique (Ademe) a mesuré que « la général­i­sa­tion du télé­tra­vail, inclu­ant 18 % des act­ifs qui deviendraient télé­tra­vailleurs per­me­t­trait l’évitement quo­ti­di­en de 3,3 mil­lions de déplace­ments, soit 42,9 mil­lions de kilo­mètres, un jour de semaine. Béné­fice direct pour l’environnement : une réduc­tion de nos émis­sions de CO2 d’environ 3 300 tonnes aux heures de pointes un jour de semaine ». C’est l’équivalent, en un jour, des émis­sions annuelles de 330 Français·es.

En matière de déplace­ment, les béné­fices sur l’environnement dépen­dent du mode de trans­port util­isé pour aller au tra­vail. Plus celui-ci est car­boné (moto, voiture, avion), plus les béné­fices du télé­tra­vail sont impor­tants. Selon l’Insee, 74 % des Français·es utilisent leur voiture pour se ren­dre sur leur lieu de tra­vail et 60 % des tra­jets domi­cile-tra­vail de moins de cinq kilo­mètres se font encore en voiture.

Pour un tra­jet d’une demi-heure dans une grande ville en métro, l’impact sera très faible. Avec deux jours de télé­tra­vail sur cinq, un·e télétravailleur·se évite 1 kg de CO2 par semaine et dimin­ue son empreinte car­bone de 0,01 % au total sur l’année. En revanche, si elle ou il prend sa voiture ther­mique tous les jours pour effectuer une demi-heure de tra­jet, elle ou il économise 350 kg de CO2 par semaine, soit 3,5 % de l’empreinte car­bone d’un·e Français·e moyen·ne. Faites le test vous-même avec ce cal­cu­la­teur mis au point par l’Ademe.

De nouvelles consommations énergétiques au domicile

Bureau à la mai­son sig­ni­fie aus­si chauffage en journée et appareils élec­triques branchés chez soi. L’impact du télé­tra­vail dépend donc de l’isolation du loge­ment et varie selon le sys­tème de chauffage (chaudière au fioul, gaz, élec­trique ou pompe à chaleur). Par ailleurs, l’impact dimin­ue si l’on télé­tra­vaille à plusieurs dans un même foy­er.

Une aug­men­ta­tion des con­som­ma­tions qui peut être lim­itée par la réduc­tion de la sur­face des locaux pro­fes­sion­nels et (flex office). Même phénomène pour la démul­ti­pli­ca­tion des équipements numériques. « Si on dédou­ble partout le nom­bre d’écrans, ça va impacter large­ment l’équation, mais en par­al­lèle, on a poten­tielle­ment des employeurs qui vont être dans une logique d’équipements partagés », relève Jérémie Almosni, directeur général de l’Agence de la tran­si­tion écologique (Ademe) Ile-de-France. Par exem­ple, la fab­ri­ca­tion d’un écran d’ordinateur émet autant que 1 285 kilo­mètres par­cou­rus en voiture.

Enfin, l’utilisation des out­ils de visio­con­férence a explosé durant la pandémie. Or, le flux de don­nées en vidéo con­somme 1 000 fois plus de bande pas­sante que l’audio. L’Ademe a pub­lié dix con­seils pour adopter les bons gestes et maîtris­er son empreinte numérique. Un défi de taille pour ne pas anni­hiler les effets posi­tifs de la baisse des tra­jets domi­cile-tra­vail. « Le télé­tra­vail reste une mesure per­ti­nente. Même si on a des effets rebonds sur le chauffage et le numérique, on a quand même un béné­fice net favor­able sur les mobil­ités », tranche Jérémie Almosni.

Des modes de vie qui changent, pour le meilleur ou pour le pire ?

« Dès qu’on a du télé­tra­vail, on réin­ter­roge et on redes­sine son quo­ti­di­en », souligne encore Jérémie Almosni. Les télé­tra­vailleurs les plus aguer­ris favorisent les com­merces de prox­im­ité et des modes de déplace­ment doux. Cela per­met de revi­talis­er les cen­tres-bourg ». 43 % des télétravailleur·ses fréquentent les com­merces de prox­im­ité, con­tre 27 % pour les autres, selon l’Ademe.

Mais le tra­vail à dis­tance ouvre des pos­si­bil­ités en ter­mes d’éloignement du domi­cile et de relo­cal­i­sa­tion du lieu de vie qui peu­vent aus­si avoir des effets invers­es à ceux désirés. Un rap­port d’information du Sénat d’octobre 2021 pré­cise : « On peut aus­si observ­er des relo­cal­i­sa­tions à l’in­térieur de l’e­space mét­ro­pol­i­tain, avec une gen­tri­fi­ca­tion des couronnes urbaines offrant la pos­si­bil­ité de vivre en semi-cam­pagne, dans des maisons dotées de jardins, plutôt qu’en apparte­ment. Ce mou­ve­ment, s’il s’ac­com­pa­g­nait de nou­velles con­struc­tions, irait à l’en­con­tre de l’ob­jec­tif de diminu­tion de l’ar­ti­fi­cial­i­sa­tion des sols, en dif­fu­sant encore plus le mod­èle pavil­lon­naire à l’améri­caine ». « 50% des urbains seraient intéressés par des modes de vie péri­ur­bains et ruraux, avec un risque de remo­tori­sa­tion », pré­cise aus­si Jérémie Almosni.

À terme, l’extension des domi­ciles privés, con­comi­tante de l’éloignement du lieu de vie par rap­port au lieu de tra­vail, pour­rait aus­si avoir un impact envi­ron­nemen­tal défa­vor­able.

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