Le cadavre dans le placard. L’enseigne chinoise Shein est l’emblème d’un modèle de surproduction textile aux impacts environnementaux et sociaux destructeurs, dénoncent les Amis de la Terre.
470 000 : c’est le nombre approximatif de vêtements disponibles en temps réel sur le site de Shein, estime l’ONG des Amis de la Terre dans un rapport publié jeudi. L’association a analysé quotidiennement les nouveautés commercialisées par le géant chinois pendant le mois de mai 2023 pour livrer un bilan sans équivoque. Elle dénonce son modèle d’ultra fast fashion, qui repose sur un renouvellement constant des collections. Là où la fast fashion adopte un rythme (déjà dommageable) de nouvelles collections mensuelles, l’ultra fast fashion se distingue par des réapprovisionnements quotidiens. Plus de 7 200 modèles sont ajoutés à la vente chaque jour en moyenne, avec un pic à 10 800 en une journée.
«Shein propose en moyenne 900 fois plus de produits qu’une enseigne française traditionnelle», avancent les Amis de la Terre. Face aux 470 000 vêtements de Shein, H&M n’en propose «que» 25 000 à la fois, contre 1 560 pour Pimkie ou 310 chez Kookaï. L’enseigne se distingue également par la faible durée de vie des produits à la vente : 65 jours en moyenne, d’après l’estimation de l’association En mode climat, qui réunit des acteurs de la mode engagée.
Son modèle ultra-concurrentiel, basé sur cette rotation rapide des modèles et sur des prix dérisoires, «écrase tous ses concurrents grâce à des volumes de production astronomiques», fustige le rapport. Pour la marque, le renouvellement constant des modèles est compensé par le nombre limité d’exemplaires produits (entre 150 et 200), censé éviter les invendus. Sauf qu’avec 7 200 nouveaux modèles quotidiens, les Amis de la Terre estiment à au moins un million le nombre de vêtements produits chaque jour, soit entre 15 000 et 20 000 tonnes de CO2 émises au minimum tous les jours. Une surproduction «incompatible avec les limites planétaires et des conditions de travail décentes», juge l’ONG.
Outre les impacts environnementaux et sociaux liés à la production, le modèle de Shein participe à l’obsolescence programmée des vêtements : le flux constant des modèles favorise les effets de mode et le renouvellement régulier des garde-robes. 3,3 milliards de vêtements ont été mis sur le marché en France en 2022, soit 48 par personne. Soit bien trop par rapport aux cinq auxquels nous devrions nous astreindre pour respecter l’Accord de Paris sur le climat, d’après un rapport du think tank Hot or cool institute.
Face à cet emballement du secteur textile, les Amis de la Terre demandent l’interdiction du modèle d’ultra fast fashion et le plafonnement annuel des mises en marché de vêtements, «associé à un objectif de réduction progressif de ces dernières, en cohérence avec les objectifs de l’Accord de Paris», dans l’espoir d’enfin limiter les montagnes de vêtements qui jonchent les placards.
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